[Avant-première] L’odyssée ou la longue prise de conscience écologique

Par Rémy Boeringer @eltcherillo

Avec L’odyssée, que nous avons pu voir en avant-première, ce vendredi 9 septembre, et qui sortira le 12 octobre prochain, Jérôme Salle livre une biographie à charge du Commandant Cousteau qui, sur fond de conquête des fond marins, pose les questions écologiques qui s’imposent aujourd’hui et sonne comme un appel, non seulement à une prise de conscience mais également de responsabilité.

Près de Bandol, en 1948, Jacques-Yves Cousteau (Lambert Wilson que l’on a vu dans Barbecue), mène une vie paisible avec sa femme Simone (Audrey Tautou que l’on a vu dans Casse-tête chinois et Microbe et Gasoil) et ses deux enfants, Philippe (Pierre Niney que l’on a vu dans Un homme idéalFive et entendu dans Vice-versa) et Jean-Michel (Benjamin Lavernhe que l’on a vu dans La marche et Comme un avion). Mais il rêve d’un ailleurs inaccessible, partir à la découverte des fonds marins. Pour cela, il va engager toutes ses économies, s’entourer d’une équipe fidèle et perfectionner la technique.

Jacques-Yves Cousteau (Lambert Wilson)

L’odyssée est parfois un voyage douloureux pour le spectateur souffrant de longueurs et manquant cruellement de rythme, donnant parfois l’impression de s’éterniser sur des périodes inconnus du public, certes intéressantes, mais trop présente pour faire vibrer la corde nostalgique. Sur ce point, néanmoins, ceux qui furent élevé avec L’Odyssée sous-marine de l’équipe Cousteau, longtemps rediffusée à la télévision française après avoir bénéficié d’un succès incroyable aux États-Unis, reconnaîtront des moments marquants et réaliseront à quel point le commandant a été présent dans notre imaginaire enfantin. Pêle-mêle se raviveront dans notre mémoire les deux otaries « amies » de l’équipage ou encore l’angoissante découverte des requins et la cage d’acier censée protéger les plongeurs. Tous découvriront un aspect peu médiatisé de l’œuvre de l’aventurier qui, dans une démarche toute héritée de son éducation militaire, entendait moins défendre la nature que la conquérir et dont l’exploration c’est longtemps faite en dépit de toutes considérations écologiques et éthiques. Ainsi, la Calypso, géant d’un autre âge, ne se contentait pas de consommer une somme astronomique de carburant, ce fut aussi une poubelle ambulante dont les déchets ménagers et industriels étaient jeté par dessus-bord sans aucune considérations pour la vie sous-marine. Gargarisé par le succès de ses films, et notamment la palme d’or pour Le monde du silence, Cousteau vivait surtout en homme de spectacle, et l’on ne parle pas ici de l’art noble de la comédie mais belle et bien d’un représentant cynique de cette société du spectacle qui aveugle de paillette les consciences à l’abri du questionnement. Cousteau, et L’odyssée, s’en fait longuement l’écho, devint rapidement un homme de l’enterntainement, dont le rêve d’enfant d’explorateur fut perverti par l’argent et le show-biz.

Philippe Cousteau (Pierre Niney)

Des traits marquant du film sont pour l’homme particulièrement cruel comme cette scène où, invité à une réunion mondaine, il refuse de se déplacer pour l’enterrement de son père où lorsqu’il planifie le meurtre des otaries dans l’espoir de faire pleurer dans les chaumières avec une amitié avec les humains totalement fictive. Au-delà du père, L’odyssée s’attarde sur un membre méconnu de la famille, pourtant toujours là, notamment pour assurer les vues aériennes. Le fils Philippe, aux relations très conflictuelles avec le père, prit les voiles, révolté par les mises en scènes iniques de son père qui avait fini par s’éloigner des prétentions scientifiques de ses débuts. Précurseur dans le domaine de la prise de conscience écologique, il fonda sa propre association pour dénoncer, entre autre, les massacres de grandes ampleurs des baleines, qui déjà sévissait à la fin des années 70. Leur réconciliation tardive donna lieu à Voyage au bout du monde, son dernier long-métrage, où il tenta l’aventure jusqu’en Antarctique et prit alors conscience de la nécessité, non pas de conquérir l’océan mais de le protéger. Car L’odyssée est une odyssée à double sens, l’aventure humaine d’un équipage, bien sur, mais également une odyssée personnelle d’un homme trouble, adulé par le public, détesté par se famille, qui trouve le chemin de la rédemption en allant, sur la fin de sa vie, à l’encontre de tout ce qu’il avait mis en œuvre, reconnaissant, à demi-mots, d’avoir fait fausse route.

Simone Melchior Cousteau (Audrey Tautou)

Ennuyeux par moment, n’égalant jamais la beauté graphique des reportages de Cousteau, L’odyssée est néanmoins un long-métrage intéressant, à contre courant des hagiographies portées constamment à l’écran, à la fois admiratif et critique de son sujet, qui ravira les curieux en portant l’œuvre du commandant sous un jour nouveau, libéré des ténèbres des profondeurs marines.

Boeringer Rémy

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