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Thinkerview : Henri Maler pose l’oeil d’ACRIMED sur les médias actuels

Publié le 10 septembre 2016 par H16

Ce mois-ci, Thinkerview nous propose l’interview de Henri Maler, anciennement président d’ACRIMED, une association dont l’objet est l’observation critique des médias. Bien évidemment, compte-tenu du parcours de l’interviewé et de son association, les questions tournent essentiellement autour de la pertinence des médias actuels, et de leur façon de transmettre l’information notamment dans le cadre français.

Une heure, cela peut paraître long, mais c’est manifestement trop court pour Henri Maler qu’on découvrira dans la vidéo ci-dessous. Comme d’habitude, les questions s’enchaînent un peu au gré de l’humeur du moment et des différents thèmes que l’actualité du moment fait émerger (notez que l’interview a été réalisée en mai 2016, ce qui permet d’expliquer la prééminence de certains sujets plutôt que d’autres).

Au contraire de certains autres intervenants, on appréciera au passage la pensée de Maler, claire et précise : le bonhomme sait où il va, et structure de façon intelligible ses concepts et ses idées, au demeurant plus subtiles que ce à quoi le tout venant des chroniqueurs nous habitue à longueur d’antenne sur les médias français. C’est plutôt rafraîchissant et permet de faire passer la longue interview sans trop longueurs (même si des digressions parsèment l’entretien).

Essentiellement, Maler se situe ici dans une analyse critique des médias et, dès le départ de l’entretien, explique assez bien ce que d’autres (moi compris) ont observé : ces médias sont pilotés par des chefferies dont les objectifs ou les lignes éditoriales sont pour le moins confuses, et les « balance & checks » souvent absents. Ainsi, il remarque que le choix des sujets est arbitraire mais surtout éloigné de ceux que l’audience attend de voir traité, au point qu’on sent nettement le choix d’évacuer le journalisme d’investigation et notamment le journalisme d’investigation sociale au profit du journalisme de pur commentaire, plus facile et nettement moins coûteux.

Maler ne fait cependant pas le lien avec le fait qu’une part non négligeable de l’information en France est distillée par le service public et que la porosité entre le public et le privé est grande (les transfuges de l’un vers l’autre et de l’autre vers l’un ne se comptent plus). Il comprend fort bien que les capitaines d’industries pèsent sur certains médias dont ils sont propriétaires, mais ne semble pas s’émouvoir ou en tout cas n’émet aucune opinion sur le fait que le plus gros propriétaire de médias en France reste l’État et qu’il use et abuse largement de ses capacités en la matière pour faire passer une petite musique bien spécifique.

Pour contrer ces problèmes de médias qui creusent chaque jour un véritable fossé entre ce qu’ils relatent et l’expérience vécue effectivement par les individus, dans la société, Maler propose la mise en place de structures formelles de gouvernance, officielles, composées de représentation des médias, des audiences et des pouvoirs politiques. On ne pourra s’empêcher de trouver quelque peu romantique cette proposition, visant à amener indépendance et qualité aux médias, d’autant plus que ce principe paritaire et démocratique, appliqué dans d’autres domaines, n’a jamais réussi à faire la preuve de son efficacité.

On notera (vers 20:00) son analyse économique des médias : « Dans le domaine médiatique comme dans d’autres d’ailleurs, tout ne s’explique pas par l’économie, mais rien ne s’explique sans elle », qui lui permet d’expliquer en partie l’orientation de certains médias. Là encore, Maler fait preuve de subtilité puisqu’il admet sans mal que les journalistes ne sont pas « en apesanteur sociale » et ont tout de même une capacité d’indépendance, qui tempère énormément cette orientation purement économique. Si cela n’explique pas trop pourquoi tous les médias, privés ou publics, émettent un peu tout le temps le même crincrin pro-État, cela permet cependant d’éclairer pourquoi ils ne le font pas tous de la même façon, avec des angles différents et des recettes plus ou moins habiles pour le faire passer.

Enfin, on appréciera ses quelques piques sur le Comité Orwell (décrit ici) en notant (vers 44:33) avec ironie que ce Comité se plaint de la censure et d’une difficulté à s’exprimer alors qu’on entend très facilement (trop ?) chacun de ses membres sur tous les médias, chose que j’avais d’ailleurs noté lorsque l’interview de Polony avait été faite par la même équipe Thinkerview.


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