Nocturama // De Bertrand Bonello. Avec Finnegan Oldfield, Vincent Rottiers et Hamza Meziani.
Bertrand Bonello, après le très bon Saint Laurent, choisit de revenir avec un film coup de poing. Pas de résumé disponible à sa sortie, je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Je n’ai pas été regarder les critiques mais l’idée de ne pas trop savoir dans quoi me plonger me fascinait déjà. J’avais peur, peur que ce film soit un écran de fumée là pour nous en mettre plein les mirettes avec du vide. Finalement, Bonello qui n’a pas été sélectionné à Cannes (et Cannes s’en mordra peut-être les doigts) délivre un film engagé et intelligent, qui choisit de ne pas tomber dans l’islamisme radical afin de parler de terrorisme. En effet, Nocturama raconte l’histoire de plusieurs attentats simultanés à Paris, comme ce qui s’est passé en novembre 2015 sauf que les liens sont très différents et les motivations ne sont pas celles d’une religion ou d’un groupuscule mais d’une jeunesse qui se retrouve coincée dans un système qui n’est pas celui dont elle rêvait. Cette critique acerbe de la société contemporaine au travers du prisme du terrorisme est fascinante. On retrouve alors ici un brin de la mise en scène anxiogène et fascinante de Jonathan Glazer, l’ambiance glaçante d’un Paris assiégé, l’horreur de David Robert Mitchell, et tout un tas d’influences parfois un brin surannées.
Paris, un matin. Une poignée de jeunes, de milieux différents. Chacun de leur côté, ils entament un ballet étrange dans les dédales du métro et les rues de la capitale. Ils semblent suivre un plan. Leurs gestes sont précis, presque dangereux. Ils convergent vers un même point, un Grand Magasin, au moment où il ferme ses portes. La nuit commence.
La fascination de Nocturama vient surtout du fait qu’il parle de terrorisme sans parler de ce que la France a vécu. Probablement afin de montrer que la jeunesse qui se révolte est probablement plus dangereuse que l’on ne pourrait l’imaginer. Dès le début, le film est étrange dans le sens où l’on ne sait pas vraiment à quoi s’attendre. On suit des personnages dans des aventures qui n’ont pas nécessairement de liens. Chacun vient d’un milieu social différent, chacun arpente les rues de Paris et se rend dans des lieux. Avec un titre comme Nocturama, je me suis demandé si au fond le film n’allait pas parler d’une orgie secrète et après tout, cela n’aurait pas été aussi étrange que ça de voir Bertrand Bonello mettre en scène une jeunesse nue. Cela aurait même été presque cohérent. De la nudité on en aura et presque même une scène d’orgie alors qu’une scène est plus ou moins filmée de façon à nous le laisser imaginer un instant avant de se rendre compte que ce n’est pas du tout le propos du film. En parlant de cette jeunesse perdue, condamnée à ne pas pouvoir accéder à ses rêves. C’est plus ou moins un problème de ma propre génération. Bien que Bonello choisisse de pousser la chose à son paroxysme, je dois avouer que j’ai apprécié l’ensemble pour ce qu’il est, une critique.
Une critique aussi de l’impuissance du gouvernement, du sentiment d’insécurité qui règne dans notre pays post-attentats. Le mélange des choses, des genres, des personnages, créé une vraie hégémonie. La mise en scène, toujours très léchée, colle parfaitement avec cette musique d’ambiance angoissante que le film utilise à bon escient. Jusqu’à ce que le silence vienne assommer le spectateur qui s’est presque attaché à ces personnages au but particulièrement horrible. Finalement, derrière ce mélange se cache un film fascinant, terrible et terrifiant qui nous mène dans les zones les plus sombres de la jeunesse actuelle, perdue dans une vie qui est loin d’être celle qu’on leur a vendu.
Note : 10/10. En bref, si Nocturama saura être détesté par certains, il m’a fasciné.