J'ai surveillé lundi dernier le baccalauréat de philosophie, série technologique, et la lecture des sujets m'a laissée pantoise. Je connais assez bien les élèves de ces sections technologiques, pour leur enseigner moi-même le français, et je devine l'extrême difficulté que présente cette épreuve pour eux.
Voici les sujets (au choix):
sujet 1: Peut-on aimer une oeuvre d'art sans la comprendre?
sujet 2: Est-ce à la loi de décider de mon bonheur?
sujet 3: Texte de Kant
Lorsque, dans les matières qui se fondent sur l'expérience et le témoignage, nous bâtissons notre connaissance sur l'autorité d'autrui, nous ne nous rendons ainsi coupables d'aucun préjugé ; car dans ce genre de choses puisque nous ne pouvons faire nous-memes l'expérience de tout ni le comprendre par notre propre intelligence, il faut bien que l'autorité de la personne soit le fondement de nos jugements. Mais lorsque nous faisons de l'autorité d'autrui le fondement de notre assentiment a l'égard de connaissances rationnelles, alors nous admettons ces connaissances comme simple préjugé. Car c'est de façon anonyme que valent les vérites rationnelles. Il ne s'agit pas alors de demander : qui a dit cela ? mais bien qu'a-t-il dit ? Peu importe si une connaissance a une noble origine, le penchant à suivre l'autorité des grands hommes n'en est pas moins tres répandu tant à cause de la faiblesse des lumières personnelles que par désir d'imiter ce qui nous est présenté comme grand.
Je ne suis pas prof de philo, je ne connais pas le contenu exact des programmes de philo dans les séries technologiques, mais la lecture en diagonale des copies qui ont été rendues au bout de plusieurs heures de patients efforts me suffit à mesurer le fossé entre les exigences de l'épreuve et les capacités des candidats.
Le texte de Kant est particulièrement ardu, et même après plusieurs lectures attentives, je pense ne parvenir à comprendre que de manière assez superficielle la pensée du philosophe (que sont précisément les "matières qui se fondent sur l'expérience et le témoignage"?)
La premier sujet est passionnant, cette question de la réception des oeuvres d'art est au coeur de la réflexion esthétique contemporaine. De quel ordre est la compréhension d'une oeuvre d'art? (on ne comprend pas une oeuvre d'art comme on comprend une équation de maths) Et qu'apporte cette compréhension au plaisir esthétique? Est-elle indispensable? (par exemple on reproche à la poésie contemporaine son hermétisme, j'ai essayé cette année d'expliquer à mes élèves de première qu'on pouvait apprécier un poème même si son sens n'était pas clair). J'aurais aimé consacrer quelques heures au sujet et repasser le bac. Mais quel élève de terminale techno possède une culture artistique suffisante pour le traiter? Presque toutes les copies que j'ai lues ne développaient pas le moindre exemple et restaient à un niveau de réflexion simpliste, qu'on ne peut pas leur reprocher, étant donné l' âge des candidats, et aussi, souvent, leur milieu social.
Le deuxième sujet demande de penser le rôle de l'organisation collective pour l'individu, il me paraît le plus abordable des trois...et pas inintéressant pour une génération individualiste dont on dit qu'elle ignore trop souvent ce que sont les règles et leur rôle. Mais il exige des candidats une maturité sociale et citoyenne qui fait défaut à beaucoup.
J'imagine très bien comment se dérouleront les commissions d'entente des correcteurs de philo le jour du retrait des copies à corriger: on les appellera à l'indulgence, on leur demandera de ne pas obtenir des moyennes de lots inférieures à 9. Je le sais, car l'épreuve de français du bac souffre des mêmes maux et que ce sont les consignes que l'on nous donne, allant jusqu'à considérer un contresens comme une interprétation insuffisante mais juste.
Jusqu'à quand continuera-t-on à faire passer aux élèves des épreuves qui sont de véritables mascarades? Les exigences démesur
Le bac de français a lieu demain, et je m'attends au pire concernant les sujets...