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Ce que l’amende d’Apple nous révèle

Publié le 06 septembre 2016 par H16

Comme il faut bien trouver de l’argent quelque part, autant le dérober là où il se trouve : la Commission européenne a décidé d’imposer à Apple le remboursement de 13 milliards d’euros à l’Irlande, magnifique record en matière de « redressement fiscal » adressé par la Commission à une entreprise privée sur le territoire européen.

L’affaire n’a probablement pas fini de faire parler d’elle. Peut-être le montant justifie à lui seul qu’on en fasse grand cas, et les suites juridiques, qui promettent d’être mouvementées, vont certainement alimenter la chronique d’autant que les dégâts commis à l’économie (irlandaise et européenne) ainsi qu’aux institutions (irlandaises et européennes, là encore) s’amoncellent dangereusement comme l’explique assez bien Baptiste Créteur dans un récent édito de Contrepoints.

À ceci, on doit ajouter la confusion de termes et les torsions de sens auxquelles se livrent un peu tout le monde pour « bien » expliquer ce qui est en train de se passer et tenter de camoufler ce qui ressemble de plus en plus à un véritable racket.

En effet, la presse (notamment francophone et particulièrement française) présente souvent la décision de la Commission, dans un raccourci idéologique qui en dit long sur ses biais, comme la conséquence logique d’aides d’états distribuées par l’Irlande à Apple. À l’analyse, on se rend vite compte qu’il n’y a pas plus d’aides indues que de beurre en branche : l’État irlandais et Apple, dans une démarche tout à fait légale (et reconnue internationalement, notamment dans le cadre de l’OCDE) se sont entendus sur l’impôt que l’entreprise devrait payer. Et cette dernière s’y est d’ailleurs conformé, sans aucun problème.

Mais pour galvaniser les foules contre les méchantes multinationales (notamment américaines), rien de tel que présenter cette affaire sous l’angle bien plus porteur d’une sale évasion fiscale (de l’argent qui s’enfuit, vite, agissons !) ou d’un gros et juteux paquet d’argent qui serait allé dans la mauvaise poche (de l’argent qui sort, vite, agissons !). L’affaire, dans ce cas, prend un tour simple puisqu’on se retrouve avec un coupable dodu, Apple, un complice « à son corps défendant », l’Irlande gravement lobbyisé par la méchante firme ultracapitaliste, dans le rôle de complice non consentant, et des victimes encore plus claires avec des contribuables honteusement floués.

impots et taxes

Manque de bol (ou retour à la réalité), les victimes n’ont jamais été flouées. Le complice était consentant et fait appel de la décision auprès de la Commission. Et le coupable affiche plusieurs arguments solides : entre le fait qu’il a, effectivement, payé des impôts, les emplois créés qui ont largement permis à l’État de se refaire grâce aux ponctions effectuées sur ces contribuables devenus solvables, et les effets de bords désirables (sous-traitants, publicité, dynamisme local), il devient difficile de comprendre la décision européenne.

Il faut dire que son timing est particulièrement déplorable, juste après un Brexit particulièrement traumatisant : voilà à présent qu’on cogne sur un État qui arrive à créer de l’emploi et qui est parvenu à retourner dans les critères de Maastricht après une crise sans précédent, ce qui est loin d’être le cas des autres. Du reste, on ne pourra s’empêcher de noter la constance avec cette méthode si particulière de cette Commission de favoriser l’europhilie en cognant avec une belle constance sur des petits États (Luxembourg, Belgique, Irlande), qui s’en sortent plutôt mieux que les autres (France et Italie en tête) à attirer les grandes firmes sur leur sol.

Comme le remarque Baptiste Créteur dans son édito dans une phrase à laquelle je souscris complètement, « la Commission Européenne passe l’éponge sur les déficits budgétaires, et punit les régimes fiscaux trop légers à son goût. C’est précisément l’inverse qu’il faudrait faire. »

En réalité, si on passe sur l’évidente déconnexion complète (et délétère) des décisionnaires bruxellois des peuples et des États auxquels ils sont censés rendre service, et qui constitue en soi un sujet d’inquiétude de plus en plus grave, deux phénomènes différents semblent ici à l’œuvre.

Le premier phénomène, c’est très probablement une volonté mal digérée et mal appliquée de vouloir chercher des noises aux multinationales américaines précisément parce qu’elles sont américaines. On sent, confusément, comme le besoin de montrer aux Américains que l’Union Européenne n’entend pas subir les amendes et autres vexations fiscales ou pénales qu’imposent les États-Unis aux firmes européennes. Difficile, même si Juncker s’en défend malhabilement, de ne pas voir un lien entre ces affaires européennes où les amendes records pleuvent et les affaires américaines (BNP Paribas, Volkswagen pour citer les plus récentes) où d’autres amendes, tout aussi record, dégringolent aussi.

La mesquinerie consistera à savoir de quel côté de l’Atlantique les coups sont partis en premier, mais ne doutons pas que ce petit jeu dure depuis un moment et qu’il n’est à l’honneur d’aucun des deux protagonistes d’autant qu’en définitive, ce sera toujours le consommateur ou le contribuable local qui en fera les frais, dans une perte pour tous typique des meilleures dystopies collectivistes.

Le second phénomène, c’est cette volonté de s’en prendre à toute firme (indépendamment de sa nationalité) qui fait de gros bénéfices qui, s’ils étaient aspirés goulûment par les institutions nationales et supranationales, viendraient habilement arroser ces catégories politico-syndicalo-bruyantes et autres associations citoyennes volontaristes toujours demandeuses de fonds, de redistributions de richesse qu’elles ne parviennent bizarrement jamais à créer par elles-mêmes.

À en croire les ponctionnaires et les distributeurs d’amendes, si les bénéfices étaient correctement taxés, si les impôts étaient correctement prélevés, s’il n’y avait ni optimisation, ni évasion fiscale, les comptes des Etats s’équilibreraient, les acquis sociaux seraient protégés, et le monde irait tellement mieux !

Or, personne ne semble remarquer que les ponctions n’ont jamais été aussi importantes, que les volumes financiers redistribués n’ont jamais été aussi gros, que les montants d’argent public passant dans les institutions locales, nationales ou supranationales n’ont jamais été aussi énormes, et pourtant, malgré cette augmentation constante, les comptes des États ne s’équilibrent toujours pas, les acquis sociaux ne sont pas protégés et, en termes fiscaux et économiques, le monde va plutôt plus mal.

En somme, plus les institutions ponctionnent, plus elles distribuent d’amendes, … plus leurs buts affichés s’éloignent. Conclusion ? Il faut plus de ponctions et d’amendes, c’est limpide.

parabole de l'aspirine (c) Maître Du Monde

Et le souci n’est même pas dans ce constat, déjà alarmant, mais dans le fait, bien plus consternant, qu’une frange croissante des peuples entérine cette méthode d’augmentation constante des vexations fiscales qui montre pourtant qu’elle conduit au désastre. Je prends pour preuve le réflexe intellectuel qui consiste maintenant à réclamer, dans un aveuglement presque parfait, qu’Apple soit fiscalement assujetti aux mêmes règles que les autres, au prétexte d’égalité.

Oh, oui, tout le monde semble réclamer ardemment qu’Apple crache autant au bassinet que les autres entreprises, parce que ce sera trop bien cette égalité, voyons ! Eh oui : punissons toutes les entreprises au barème maximal pour avoir réussi, cela créera richesse et emploi pour tous, c’est évident.

Il ne semble venir à l’idée de personne (ou de si peu) qu’il faudrait plutôt réclamer, avec force, que les « tax rulings » qui s’appliquent à Apple deviennent la norme, que tout le monde bénéficie enfin des mêmes largesses !

Très manifestement, ces arrangements fiscaux ont profité tant à Apple qu’à l’Irlande. Ces arrangements ont profité tant au Luxembourg et à la Belgique qu’aux entreprises sur leur sol. Dans tous les cas, cela crée de l’emploi, cela crée de la richesse, cela aboutit à des consommateurs satisfaits.

Mais non, décidément, d’après les parasites et les égalitaristes, « il faut faire l’inverse » ! Forcément, ça va bien marcher.

what could possibly go wrong / forcément ça va marcher

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