« Chez l’oncle Gustave où l’on m’avait mis quand j’avais huit ans, il y avait des fleurs sur le papier : des pavots rouges dans ma chambre à coucher. L’oncle disait : « C’est la décoration qui sied à une chambre à coucher ; le pavot c’est la fleur du sommeil. » C’étaient des yeux arrachés qui ne cessaient de pleuvoir sur moi du plafond, même la nuit quand il faisait noir, même quand j’avais fermé les paupières. »
Le livre commence comme ça. Enfant, Luc Dietrich est ainsi séparé de sa mère et sera éloigné d’elle plusieurs années, ne souhaitant qu’une chose : la retrouver, vivre avec elle, veiller sur elle, que la drogue emportera malgré cet amour-là. L’écriture va aider le jeune homme à comprendre ce qu’il a vécu dans son enfance et sa jeunesse. Pas seulement un récit de vie mais un travail considérable qui lui donne un ton particulier et, les montrant sous un jour assez cru, lui fait prendre conscience des contraintes dans lesquelles il a vécu jusqu’à l’âge de 20 ans. L’auteur montre un enfant pour qui « non », c’est « non ». Un enfant qui fera une guerre sans merci aux pavots des jardins voisins, et sans expliquer ses motivations et sans aller au-delà de ce qui lui semble juste. Cette écriture, directe, bouleversante sans emphase, nous donne à voir une vie dure, où la personnalité de l’enfant se forge dans des contextes très différents, à la ville, à la campagne, dans des pensionnats, des bureaux, la paille d’une ferme…
L’auteur, né en 1917, est mort en 1944. Les éditions « Le temps qu’il fait » viennent de republier les deux livres où il raconte son existence, accompagné dans son travail d’écriture par Lanza del Vasto : Le Bonheur des tristes, et L’Apprentissage de la ville.