A l’automne dernier, nous avions réalisé deux reportages pour les Ateliers d’Arts de France dans le cadre du salon Ob’Art. L’expérience nous a tellement plu que nous remettons le couvert ! Cette année, on nous a demandé de choisir un lauréat du Prix de la Jeune Création des Métiers d’Art et on peut vous dire que cette tâche n’a pas été des plus simples. Nous avons beaucoup hésité mais finalement nous avons jeté notre dévolu sur le duo de Bellot Bottle car leur travail nous intriguait beaucoup.
Camille et Paul se sont rencontrés sur les bancs de l’ESAA Dupéré où ils ont pris le temps d’observer les techniques de chacun avant de comprendre la nécessité de travailler ensemble. Camille travaille la forme dans l’espace, l’installation, et Paul, le dessin. Ensemble ils se sont créés un univers bien à eux, particulier et fantasmagorique, où se mêlent le grand, le petit, l’infime et le monumental.
C’est dans cette idée qu’un jour Camille a pris une hache pour débiter des centaines de morceaux de bois qu’ils ont ensemble agencés en un dinosaure. Cette première réalisation marque le commencement de leur équipe, d’une façon de travailler voir même d’un système qui leur est personnel. Camille c’est celle qui charge, qui bouge et qui déplace les formes alors que Paul, plus retenu, conçoit le petit, le délicat et le répétitif. Pour la revue Namo sur le thème de l’enfermement, ils imaginent une cape recouvrant intégralement celui qui la porte. Composée de 5347 modules de papier, cette cape est conçue pour exister par le mouvement de celui qui la porte. Chaque motif a été patiemment dessiné par Paul afin de créer les nuances et les dégradés qui donneront cette sensation de texture. Collé un par un sur le tissu, les modules de papier sont fragiles et la cape s’abime un peu plus à chaque exposition. Ce caractère éphémère ne les gène pas, au contraire. Ce qui bouge et qui vit ne peut que s’abîmer et se transformer.
Dans leur atelier, l’espace est presque vide. Plusieurs de leur pièces viennent d’être vendues et leurs nouvelles recherches tiennent dans un sac plastique. Car la recherche prend du temps et même s’ils aimeraient être plus productif, Bellot Bottle n’est pas, pour le moment, leur activité principale. Travaillant à côté dans les arts appliqués, ils aiment la liberté qu’ils ont. N’étant pas contraint à la productivité et à la recherche de clients pour vivre, ils peuvent conserver cet espace d’expérimentation libre de toute contrainte financière. Dans un soucis d’économie et d’indépendance, ils travaillent majoritairement avec des matériaux abordables tels que le bois ou le papier. Paul et Camille nous présentent alors leurs dernières recherches. De petits cônes de papier coloré à la main dont ils ne sont pour le moment pas satisfait. Collés sur un masque, ils leur paraissent trop petits, trop figés. La forme est à revoir pour que le mouvement apparaisse.
Leur rapport à la création, à l’art est assez complexe. Conscient que leur pratique peut susciter de nombreuses interprétations, ils ne s’en sentent pourtant pas responsables. La réflexion autour de l’objet se fait dans la création elle-même et parfois une fois la pièce achevée. Plus que dans l’art à proprement parler, c’est dans l’art appliqué qu’ils trouvent leur connexions. Un art appliqué à des matériaux dont ils apprennent les particularités en les manipulant. Ils ont d’ailleurs été les premiers surpris par leur présence dans la sélection des Ateliers d’Art de France. Il faut dire que leur travail intrigue. Souvent présentées en tant que décors pour des vitrines de boutiques, leurs formes fragiles et imposantes à la fois font échos à nos peurs d’enfants, à un imaginaire sombre et magique, à des éléments éloignés du caractère commercial d’un magasin. Un décalage qui séduit. C’est d’ailleurs lorsque la forme est créée bien en amont du lieu de présentation final qu’ils prennent le plus de plaisir à la réaliser. La contrainte est souvent bien difficile à appréhender dans une perpétuelle recherche formelle.
Une recherche en entrainant une autre, Camille et Paul désirent continuer d’avancer dans le sens du mouvement et du corps. Ils pensent à créer des formes directement en papier sur lesquelles le dessin de Paul viendrait se poser. Pousser un peu plus les contraintes imposées par les matériaux et les volumes. Ils aimeraient également développer autour de la danse et du théâtre leurs costumes si forts lorsqu’ils se mettent à bouger. La vidéo aussi est un médium qu’ils aimeraient pouvoir travailler un peu plus. On sent que les idées ne manquent pas et que leur duo créatif bouillonne de projets intéressants. On a hâte de découvrir la suite, de croiser au détour d’une vitrine, d’une exposition leurs créations magiques et intrigantes. Voir où leurs expériences les mèneront.
Si vous souhaitez découvrir le travail de Bellot Bottle et ceux des autres lauréats du Prix de la Jeune Création des Métiers d’Art, nous vous invitons à aller à l’exposition organisée par les Ateliers d’Art de France du 15 au 18 Septembre à l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine à l’Espace 12 Drouot, dans le 9e arrondissement à Paris. Une belle occasion d’en savoir plus sur les talents d’aujourd’hui !