Amed et Aziz ont neuf ans et ils sont jumeaux. Lequel désignera leur père pour sacrifier au dieu vengeur fabriqué de toutes pièces par une religion instrumentée à des fins politiques. Un demi-siècle d’invasion, de spoliation et d’humiliation a tatoué la haine dans le cœur des Palestiniens. Tuer en donnant sa vie devient un acte glorieux et béni du ciel. Le père fera son choix : Amed. Mais à partir de là, rien ne se passera comme prévu. La supposée grandeur du geste sera pervertie, comme si la folie de ces peuples qui s’entretuent s’était invitée au cœur même de la famille, reproduite à échelle humaine.
«Une sensation de froid a envahi son ventre. Elle a cru qu’elle était malade. Mais le froid, qui d’habitude descend, est monté jusqu’à ses lèvres, sa langue. Et des mots glacés se sont formés dans sa bouche. Elle a compris qu’il était trop tard. Rien ne pourrait désormais faire fondre ces mots et la pensée qu’ils renfermaient.»
Dès les premières pages, une tension s’installe. L’engrenage est en marche. On en connaît l’inéluctable issue. Ça arrive tous les jours, les journaux en témoignent. Mais ici, on le vit de l’intérieur. On espère que la roue se détraque, que l’enfant soit sauvé. Le sera-t-il ? Et plus largement, quelque chose ou quelqu’un pourra-t-il un jour mettre fin à ce conflit fratricide ? L’orangeraie est un livre dérangeant, qui met de la chair, du sang, de l’âme sur ce qui pourrait n’être qu’un trop banal — parce que quotidien — fait journalistique.
Larry Tremblay, L’orangeraie, Alto, 2016, 146 pages