Les vendeurs de nostalgie veulent nous imposer des thématiques mortifères, accaparés qu’ils sont par leur culture de l’exclusion et de la sélection entre citoyens. Regardons devant nous sans ciller et sans mollir. La séquence électorale qui s’ouvre réclame des débats de fond. Macron, Valls, Sarkozy, Fillon, Le Pen… Identité française, sécurité, islam… Si, vous aussi, vous en avez marre du médiocre feuilleton qui pollue quotidiennement la rentrée, sachez-le : vous n’êtes pas les seuls ! Alors que nous nous lançons déjà dans une campagne politique majeure et fondamentale pour l’avenir du pays, il semble que nos concitoyens soient moins sensibles aux discours dominants qu’il n’y paraît. Pour une fois qu’une étude d’opinion nous intéresse, ne boudons pas notre plaisir. D’après un sondage Elabe, 64% des Français se déclarent davantage préoccupés par les thèmes économiques et sociaux que par l’identité et la sécurité. Parmi eux, et pour cause, pas moins de 83% des sympathisants de gauche évoquent la réduction du chômage et la lutte contre les inégalités sociales. Une véritable claque aux minables marquis de la politicaillerie qui, de la droite à son extrême, jusqu’à certains membres éminents du gouvernement, détournent volontairement leur regard et ignorent les vraies souffrances qui martèlent la masse du peuple.
Et, comme si tout cela ne suffisait pas, préparez-vous à une vague médiatique plus honteuse que jamais, puisqu’on nous annonce le «retour» de l’histrion Éric Zemmour, dont le nouveau livre sort cette semaine. Le profond dégoût que nous inspirent les extraits publiés dans le Figaro Magazine n’a rien d’étonnant venant du petit pétainiste en service commandé. L’idiot utile des réacs fascisants plaide d’ailleurs pour «un état d’urgence moral». Vu la situation d’atomisation généralisée, les Français se passeront aisément de cette morale de caniveau. Quant à l’urgence, ils ont compris qu’elle était ailleurs et qu’il s’agissait bien du «retour de la question sociale». Conclusion? Ne nous laissons pas impressionner par les vendeurs de nostalgie qui veulent nous imposer des thématiques mortifères, accaparés qu’ils sont par leur culture de l’exclusion et de la sélection entre citoyens. Regardons devant nous sans ciller et sans mollir. La séquence électorale qui s’ouvre réclame des débats de fond. Et des projets collectifs capables, enfin, de réinventer la République. Le reste... [EDITORIAL publié dans l'Humanité du 5 septembre 2016.]