L’architecture chinoise, est depuis les années 1980, une architecture en pleine mutation. Une nouvelle génération d’architectes chinois prend la relève des premiers architectes formés en Occident au XXe siècle et l’aspect architectural et urbain de la Chine se métamorphose à vive allure, aux dépens des dernières traces de l’architecture traditionnelle (d'époques Ming et Qing essentiellement) encore visibles, et aux dépens de l’architecture des minorités : l’architecture au Tibet, celle des oasis du Xinjiang, les yourtes des éleveurs encore en usage en Mongolie Intérieure et au nord du Xinjiang, parmi tant d’autres.
La Cité interdite, Pékin
Depuis les origines, l’architecture en Chine, dans les zones de peuplement Han, était majoritairement une architecture de bois, les murs de brique n’étant pas porteurs. La composition-type de l'espace reposait sur l'emploi de cours successives et de bâtiments structurés en multiples du siheyuan (maison traditionnelle avec cour intérieure). C’est sous cet aspect que se présentaient globalement les villes comme les campagnes chinoises avant les années 1920. D’autres formules que cette architecture de bois et de brique mise au point au Nord de la Chine, mieux adaptées aux conditions locales de ce pays immense et contrasté, ou profondément enracinées dans la culture des minorités chinoises, ont su résister à ce modèle dominant. Ce modèle servit aussi bien pour l'architecture domestique que pour l'architecture religieuse et pour celle des palais impériaux.
L’architecture, en Chine comme en Occident, est aussi le reflet des pensées qui sont à l’œuvre dans les cultures et dans les sociétés et sur lesquelles les bâtisseurs-usagers ou les spécialistes des constructions et leurs commanditaires s’appuient pour penser l’architecture. En Chine l’architecture civile et militaire ancienne repose donc largement sur les deux traditions de pensée dominantes : le confucianisme et le taoïsme, tandis que l’architecture des jardins chinois se réfère en partie sur certains aspects du bouddhisme chinois.
Généralités. La construction
Selon les lieux et pour la plupart des populations Han, dans les maisons les plus huppées, l’ossature de bois, quand elle existe, repose sur une plate-forme de fondation, et le toit peut avoir un caractère plus ou moins décoratif selon le statut de l’édifice et selon les moyens de ses éventuels propriétaires. Dans ce système, le mur, non porteur, sert à diviser l’espace. Le mur d’enceinte magnifie le toit, aussi celui-ci porte-t-il souvent des ornements. Les murs intérieurs multiplient les unités d’habitation et les espaces de circulation. Autour d’une, de deux ou de plusieurs cours successives les espaces se répartissent, à peu près symétriquement sur un axe central, depuis le premier ensemble d’espaces tourné vers l’extérieur, avec la porte sur le devant, jusqu’à l’ensemble des espaces les plus intimes et préservés, sur l’arrière. Ce type de composition est très répandu dans les populations Han, majoritaires à 94 % et pour l’essentiel situées dans les régions les plus riches et les plus peuplées de l’Est. C’est le type même de l’architecture dédiée à l’empereur, quelle qu’ait été son origine ethnique. Ce modèle fonctionne aussi pour l’architecture des bâtiments de l’administration et de la majorité des constructions religieuses.
Grande pagode de l'Oie sauvage, Shanxi
Ce modèle pense l’architecture par agrégats : les enceintes, les bâtiments, les cours et les galeries étant traités par groupes dans la composition d’ensemble. De même, la charpenterie de ce type de bâtiment y est conçue par groupes d’unités identiques normalisées. En Chine on pense toujours l’architecture par ensembles, exceptionnellement par unité isolée. Cette conception est propre à la Chine et, par extension, on peut penser que c’est ce qui a donné en Chine son caractère extensif (du moins selon les normes occidentales) à la notion d’architecture. Car aujourd’hui en Chine, cette notion, l’architecture, s’applique toujours, aux villes, aux palais, aux temples, aux tombes, aux jardins, conçus comme des ensembles architecturés, et inclut aussi la charpenterie ornementale. La notion d’architecture ne se limite donc pas aux bâtiments, comme en Occident, mais à des ensembles beaucoup plus larges.
L’image la plus communément répandue de l’architecture chinoise est celle du pavillon dont les avant-toits sont relevés en courbes gracieuses. Cette image et celle de la pagode chinoise ont donné lieu, de par le monde occidental à de multiples variations, suivant le goût pour les styles historiques et exotiques aux XVIIIe et XIXe siècles. La mode, en Chine, des toits aux angles fortement relevés remonte au moins au XIe siècle et signale traditionnellement le monde des élites. Aujourd’hui elle s’applique partout, jusque dans les Chinatowns et certains immeubles contemporains, plutôt comme un signe d’appartenance au monde chinois cossu ou cherchant à le paraître, afin de correspondre à cette image pour des raisons parfois purement commerciales.
Ces toitures remarquables le sont effectivement en raison de leur charpente, simple ou complexe, modulable, aux pièces normalisées dès les Tang, qui permettent de reproduire tel modèle d’édifice en structure de bois où que l’on soit en Chine. Les plans des édifices peuvent varier, mais le nombre et le nombre de consoles, la courbure du toit et ainsi de suite pour tout bâtiment sont fixés en fonction de son statut au sein d’une hiérarchie. Toute construction doit faire l’objet d’une autorisation en fonction de ce statut. Cette normalisation permet au pouvoir d’imposer les variations architecturales codées pour tout l’empire. Cela concerne au premier chef les hiérarchies administratives, au sein du personnel, les hiérarchies des bâtiments officiels attribués aux divisions de l’espace, mais aussi les hiérarchies établies à l’intérieur du peuple comme au sein des membres de la cour ou en fonction des pratiques religieuses afin de distinguer les formes architecturales (au sens large) attribuées à chacun. Le nombre de colonnes (ou poteaux) est normalisé, le peuple devant se contenter d’unités d’habitation ne dépassant pas trois entrecolonnements en façade. Le nombre de groupes d’unités d’habitation peut varier selon les moyens du propriétaire et avec le temps, en venir à pouvoir encadrer une cour, et constituer un siheyuan, voire plusieurs.
Temple Longhua, Shanghai
Dans cette Chine ancienne le pouvoir impose un code éminemment hiérarchisé pour tout élément architectural ; comme il y a un code vestimentaire il y a un code architectural. Ainsi tous les éléments des formes architecturales soumises au pouvoir, jusque dans leurs moindres détails, et jusqu’à l'usage des couleurs ou de tout ornement, sont révélatrices des codes qui ont cours à l'époque de la construction. Ce qui permet de savoir quel était le statut du propriétaire, du bâtiment ou de l’élément architectural.
Diversité chinoise. Éléments de composition. Matériaux.
Malgré cette apparence d’uniformité, le territoire de la Chine et son histoire ont donné naissance à une multitude de formes architecturales. Depuis le Néolithique, dont témoignent les rapports de fouilles, jusqu'aux derniers produits des technologies qui ponctuent les grandes villes chinoises en passant par les ensembles monumentaux de la Chine impériale et les traces dispersées de l'urbanisme ancien, l'architecture domestique actuelle et l'architecture des campagnes chinoises jusqu'en Mongolie Intérieure, au Xinjiang et au Tibet c'est cette diversité qui en fait la richesse. À côté de la Grande Muraille et de la Cité interdite et ses pavillons, des pagodes et des temples, comme le temple de Confucius et les temples taoïstes, les monastères bouddhiques, les diaolous (tours), on remarque la très grande richesse des constructions vernaculaires que la prolifération d'immeubles modernes fait regretter, malgré leurs conditions sanitaires d'un autre temps.
Sur la très longue durée de l’histoire de la Chine, l’architecture des élites s’est significativement transformée. Dans un territoire aux frontières variables au cours des siècles, l'architecture contrôlée par le pouvoir chinois a su passer d'une conception ou dominait la discrétion, voire la dissimulation, au cours des premières dynasties jusqu'aux premiers siècles de notre ère, et à la fin de l'Empire, une conception dominée par des formes bien plus grandioses, décorées, colorées. L’architecture chinoise est restée, non seulement un art de la composition avec d’infinies variations, en fonction du statut et des moyens du propriétaire, mais plus encore un art de la composition hiérarchisée de l'espace des constructions et des espaces intérieurs, même quand il s’agit aujourd’hui d’un appartement et non de la demeure traditionnelle. Cet art se révèle dans toute sa complexité et ses subtilités dans les grandes propriétés rurales ou urbaines composées sur un axe central, généralement Nord-Sud dans le Nord de la Chine, le bassin traditionnel des Han, pour bénéficier d’un ensoleillement maximal. La hiérarchisation des espaces se retrouve aussi dans le Sud, ou dans l’Ouest, mais avec d’autres principes liés au climat et aux traditions différentes.
Maison à Wuzhen
L’architecture chinoise est aussi un art de la construction, où domine traditionnellement l'ossature de bois dont le remarquable système modulaire permet d'en remplacer toutes les pièces, où de construire et reconstruire à l'identique, ce qui est indispensable après les incendies qui ravagent toutes ces constructions régulièrement. Les très rares bâtiments antérieurs à la dynastie Ming doivent leur survie à leur charpente réparée pièce par pièce, ou parce qu’ils ont été construits entièrement en brique, comme certains bâtiments religieux.
Mais l’architecture de bois se révèle sous d’autres formes dans les habitations sur pilotis adaptées aux grandes chaleurs humides du Yunnan, du Guanxi, du Guizhou et du sud du Hunan. Ce sont chaque fois des formes et des procédés différents chez ces peuples. Dai, Dong, Yao, Maonan Zhuang, Miao, Jingpo et De’ang possèdent tous des habitations de ce type, surélevées sur leurs pilotis. Ce type est adaptable aux pentes abruptes, avec des variations dans la structure. Les Li du mont Wuzhi, sur l’ile de Hainan, exposés aux vents violents construisent leurs étranges habitations en forme de bateau sur de petits pilotis et ils les couvrent de chaume. Quant aux Buyi des régions de Zhenning- Anshun-Liupanshui du Guizhou ils ont construit des maisons surélevées non pas en bois, un matériau rare ici, mais en pierre.
Pour lutter contre l’humidité et la chaleur du Guangdong, les habitants de Chaozhou utilisent la ventilation naturelle provenant des courants dominants. Plusieurs caractéristiques locales participent à l'effet de fraicheur. Les pièces sont typiquement étroites et profondes, la lumière provenant d’un tianjing, puits de lumière à ciel ouvert. Ceux-ci permettent la ventilation avec les corridors. On peut trouver aussi des successions de portes en lune, alignées de cour en cour sur l'axe nord-sud, ce qui permet une bonne ventilation.
Maison troglodytique sur cour, Shanxi
À l’autre extrémité de la Chine, mais au Nord, les Ouïghours construisent leurs maisons avec des murs de terre épais, d’au maximum un étage avec de larges patios ombragés et des vérandas tournées sur la cour dont le petit jardin amène une légère humidité et une ombre douce avec des arbres soigneusement entretenus et souvent une vigne grimpante. La yourte est une autre solution aux conditions de climat extrême et au nomadisme. Enfin au Xinjiang du Sud, les maisons traditionnelles ouïghoures, petites fermes quasi-autonomes, dispersées dans des régions très sèches et exposées à de grandes différences de température ont été réalisées par les habitants avec leurs modestes moyens : ce sont des constructions à nombreuses pièces, basses, autour d'une ou plusieurs cours, en treillis de branches ou de roseaux, pour certaines pièces enduites de terre. En fonction des conditions de température, du vent... les espaces de circulation sont au niveau du sol, mais des banquettes surélevées, en particulier dans l'iwan (une pièce centrale sans fonction déterminée mais assimilable à un séjour), permettent de bénéficicier, sur des tapis brodés, d'un certain confort, dans cette pièce ombragée et ventilée. Le jour et la nuit ainsi qu'au fil des saisons les habitants déménagent d'une pièce à l'autre. Le plus souvent l'une de ces modestes pièces est réservée à la mosquée.
Éléments structurels.
Les Han, ce groupe majoritaire à 94 % a mis au point, il n’y a pas moins de 7000 ans, une structure architecturale composée d’une ossature de bois reposant, par l’intermédiaire d’une base de pierre, sur une plate-forme de fondation. L’ossature de bois étant assemblée parfaitement, elle offre une très grande résistance aux variations climatiques et aux séismes. Disposant d’immenses gisements de lœss, les populations Han ont su en tirer une céramique d’une très grande qualité. Ils ont su utiliser les briques cuites, nécessaires pour construire les fours, pour la construction des habitations et, dès le XIe siècle avant notre ère, sous la dynastie des Zhou, pour les tuiles de couverture des bâtiments, parfois vernissées comme d’autres céramiques. Cependant, dans ce pays pourtant soumis à la déforestation depuis longtemps, on peut s’étonner que la brique n’ait pas détrôné le bois pour tous les éléments structuraux, alors que le principe de la voûte était connu. En fait c’est précisément ce qui s’est passé pour l’architecture funéraire des classes dirigeantes lorsque, sous les Han, le bois commence à manquer pour construire des « résidences pour l’au-delà », souterraines, dont l’usage se répand. On remplace alors le bois par la brique et on applique la voûte du four à la couverture de ces dernières demeures. En général, pour la demeure des vivants on a maintenu la tradition du bois. Mais il est à noter que la voûte de brique est utilisée par les populations Han du Shanxi et du Shaanxi, du Henan et du Gansu pour le soutènement de leurs habitations troglodytes taillées dans le lœss, habitations en partie souterraines afin de compenser les grands écarts de température entre été et hiver.
Le second élément structurel de l’architecture Han, le plus répandu en Chine, est un élément de composition : le siheyuan, évoqué plus haut, la maison « à quatre pavillons assemblés », forme la plus élégante pour les bâtiments privés aux XVIIIe et XIXe siècles et qui constitue, jusqu’aux années 1980, la majorité des habitations en Chine. Le siheyuan permet de multiples variantes régionales et sociales, par amplification pour les plus riches, par réduction pour les plus pauvres. Protégé par un mur d’enceinte muni d’une porte à chicane, où un écran interdit tout regard indiscret depuis la rue, le siheyuan est centré sur une cour à galeries longeant les quatre pavillons ainsi assemblés. Le bâtiment le plus important fait face à la porte. C’est l’espace réservé au chef de famille, et le lieu d’accueil des visiteurs. Lorsque le propriétaire peut se le permettre, il réserve une première cour, et un premier siheyuan, à ses visiteurs et à toutes les activités tournées sur l’extérieur. Le bâtiment principal bénéficie alors d’encore plus d’intimité. À cela s’ajoute la répartition des autres espaces pour les enfants et leurs épouses ainsi que pour les parents et serviteurs éventuels selon une partition de la famille et de la société, doublée d’une hiérarchie rigoureusement fixée par les règles confucéennes de bienséance au moins depuis le milieu de la dynastie des Ming.
Siheyuan type
Pour les « gens ordinaires », sous les Tang, le bâtiment principal ne doit pas dépasser trois entrecolonnements. C’est ce motif, à quatre colonnes, la porte étant centrée sur un des longs côtés, qui est le plus employé dans l’architecture commune en Chine et sert à composer le siheyuan. La profondeur d’une maison du Sud est souvent le double de celle du Nord. En triplant la profondeur et en haussant la hauteur des colonnes, un second étage est possible.
Quand on peut se le permettre, une galerie court le long des façades, tournées vers la cour. Les toits sont à une ou deux pentes. Les colonnes sont reliées en hauteur par des traverses qui s’appuient sur des bras de consoles transversales et longitudinales. Des consoles sont superposées, de la plus petite en bas à la plus grande en haut, dans les parties centrales supportant de fortes charges. La charge des bords du toit est répartie par des bras leviers. Au-dessus du plafond à caisson on trouve des traverses non équarries, et des supports de bois sous les pannes qui permettent la forme courbée du toit. Les chevrons épousent la courbure du toit. Des chevrons d’avant-toit permettent une avancée du toit. Puis, en couverture, viennent les voliges qui sont enduites soit de plusieurs couches d'argile soit de minces bardeaux, avant de recevoir les tuiles en demi-canal, posées partie convexe vers le ciel, le joint étant recouvert par une autre tuile, partie concave vers le ciel.
Sur la question de la couverture, en général en tuile, de nombreuses exceptions existent sur le territoire chinois, en fonction des caractéristiques locales avec des couvertures en ardoises ou en chaumes, quand le toit-terrasse n'est pas enduit de terre et de chaux dans les régions sèches de l'Ouest.
D'après Wikipédia