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Quatorze mois

Par Apollinee

51eF0ROFOHL._SX195_.jpgSold out dès son entrée en librairie, le 17 août, le témoignage de Carine Russo, le journal qu'elle adresse à Mélissa, sa fillette arrachée voici 21 ans à la vie simple, banale et belle d'enfant aimée - faut-il vous rappeler la monstrueuse "Affaire Julie et Mélissa" qui mit la Belgique en émoi, du 24 juin 1995 au 17 août 1996, jour de macabre découverte - est digne.

Longtemps reportée, la démarche était malaisée.

" Oser me souvenir M'en faire un devoir. Pour elle, ma fille. Pour moi, pour mon fils. Pour tous ceux qui l'ont connue et aimée. Pour la rendre à la vie, laisser une trace d'elle quelque part, au creux de quelques pages. Parler d'elle. Pour ne pas laisser cette injustice suprême de la voir niée jusque dans sa tombe. Pour qu'on se souvienne d'elle... Oui, oser se souvenir, dire, rappeler cette histoire."

D"un ton sobre, cette Maman "désenfantée" offre à notre empathie, irrépressible sympathie la relation des faits qui ont jalonné quatorze mois d'attente rendue d'autant plus insupportable que les parents étaient privés d'informations, désinvestis de leur rôle et découvraient au fil des mois les dysfonctionnements ahurissants de l'enquête.

"Le temps des autres n'est plus le nôtre. L'attente a suspendu nos vies."

Corollaires d'une grande solidarité familiale, amicale et des multiples actions entreprises pour activer les recherches, la perte d'anonymat, la surexposition médiatique,  l'invasion constante de la maison - la salle à manger était devenue un QG -  la sonnerie continuelle du téléphone et sa prolifération anarchique de fausses pistes ... furent tant d'épreuves supplémentaires infligées à une famille dévastée.

On ne peut qu'admirer que le couple de Gino et Carine Russo ait résisté à ce cataclysme, qu'il ait raison gardée. Surtout qu'aujourd'hui encore subsistent tant de questions non résolues, dont celle cruciale du sort des petites filles durant les 104 jours d'emprisonnement de Marc Dutroux.

" A l'approche de l'hiver, le manque de ma petite fille me tenaillait tellement, mon besoin d'elle, de l'entendre, de la voir, de lui parler était devenu si pressant que je me suis mise à lui écrire dans un petit carnet bleu. Quelques lignes, presque chaque jour. En les relisant, elles me sont apparues singulièrement révélatrices de mon état d'esprit du moment. Pour cette raison, j'ai fait le choix de les retranscrire intégralement."

Et le lecteur de parcourir, pudique,  bouleversé, cette correspondance d'une maman tendre, chaleureuse, angoissée.. et d'acquérir la conviction qu'elle n'a pu rester lettre morte:  où qu'elle fût, Mélissa était imprégnée de l'amour de sa famille - les lettres n'en sont que la verbale confirmation.

Et la lectrice que je suis de remercier ces parents qui, par leurs actions justes et répétées, ont clairement permis au système policier belge  de s'améliorer, gagner en transparence et donc en efficacité - songeons à la création de Child Focus, cellule réactive, dès les premières minutes de signalement d'une disparition - à la fusion des corps de gendarmerie et de police, ... - et de leur souhaiter de vivre désormais une vie la plus apaisée possible - Mélissa demeurera part entière de mémoire, de famille - à l'abri des "journaleux" et de toute exposition médiatique toxique.

Apolline Elter

Quatorze mois, Carine Russo, témoignage,Ed.  La Renaissance du Livre, août 2016, 318 pp


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