Pour être honnête avec vous, j'ai toujours été conquis par les albums des sœurs Ákadóttir. Leurs deux premiers albums, S/T et Twosomeness, avaient une certaine mélancolie folk qui me plaisait. À l'instar des suédoises de First Aid Kit (au début de leur carrière), Pascal Pinon avait cette facilité à me faire rêver grâce à des arrangements minimalistes, sur lesquels résonnaient leurs douces voix.
Je ne vous dis pas ma réaction, quand j'ai donc appris qu'un troisième album allait sortir pour l'été 2016. Je naviguais entre impatience et crainte. Crainte, car j'ai toujours peur que des artistes - en prenant un virage qui ne me convient pas - me déçoivent. Impatience, car j'ai toujours besoin de voyager en Scandinavie.
Pour ne pas tourner autour du pot, Sundur est une pépite ! Mais pour comprendre ce nouvel album, qui diffère quelque peu des précédents, il nous faut revenir sur sa création. " Sundur " vient d'une expression islandaise " sundur og saman ", que nous pourrions traduire par " éloigné mais ensemble ". Cette expression, c'est le résumé des deux dernières années d'Ásthildur et Jófrídur.
Alors que Jófrídur décidait de partir en tournée avec son deuxième groupe, Samaris, Ásthildur partait à Amsterdam, afin d'étudier le piano classique. Preuve que cela a marqué ces sœurs jumelles, elles avouent que c'était la première fois de leur vie qu'elles se séparaient. Cette séparation commune avait été prise à la fin de la dernière tournée. Un besoin d'air frais, après avoir composé en 2013 le meilleur album islandais de l'année. C'est donc dans la distanciation qu'elles ont composé ce troisième album.
Indéniablement, Sundur sonne comme un album plus adulte. Cet éloignement a eu du bon. Ne dit-on pas d'ailleurs, que c'est l'éloignement d'une personne nous étant chère, qui nous fait grandir ? Nous devenons un vrai adulte, seulement quand nous nous retrouvons face à nous même ! Pascal Pinon l'a compris. Elles ne sont plus ce groupe acoustique et minimaliste. La majorité de l'album marque un changement dans l'orchestration des chansons et la rythmique.
Les études de Ásthildur en Hollande et l'album pop de Samaris ont inévitablement influencé la composition de ce nouvel album. Dès " Jósa & Lotta ", premier titre de l'album, le ton est donné. Le piano, plus présent qu'à l'accoutumé, est mis en avant. Nous le retrouvons aussi sur les deux titres islandais de l'album " Skammdegi " et " Ást " ou encore le magnifique single " Orange ", qui ne vous laissera en aucun cas insensible. Ce titre est le plus émouvant du groupe depuis Djöflasnaran, une magnifique ballade océanique.
Des émotions, nous en avons aussi quand la nouvelle musicalité du groupe se fait entendre. " Babies " se la joue Anna Von Hausswolff (l'une des musiciennes les plus surdouées de Suède). Près de cinq minutes, où le synthé s'accorde parfaitement aux quelques battements de grosse caisse. Et que dire de " Forest ", qui nous fait penser à Björk ? La boite à rythme, le synthé, la voix. Tout y est ! " Forest " pourrait même devenir le single qui fera exploser le groupe sur le plan international.
Si rien n'est sûr, j'espère qu'elles trouverons le même succès qu'il y a trois ans. Sundur est l'album le plus réussi de leur très jeune carrière. Car n'oublions pas, elles ont publié leur premier album en 2010, alors âgées de 16 ans. Et il faut du temps pour devenir adulte. 22 ans, c'est encore loin de l'âge adulte. Mais le talent, le travail, la maturité de ces islandaises vont leur permettre de conquérir le monde de la musique indépendante et d'être tout aussi connues que Jónsi ou Aurora. Car si je dois résumer cet album, je dirais qu'il a la musicalité et la rêverie de l'islandais avec l'insouciance et la jeunesse de la norvégienne.
Sundur, le troisième album de Pascal Pinon, est sorti le 19 août 2016, chez Morr Music. En concert au Pop Up du Label (Paris) le 16 novembre 2016.