Les Pillages d'oeuvres d'art existent depuis la nuit des temps. Ils sont non seulement un moyen d'enrichir personnellement des invidus, mais également un moyen de financer des guerres menées par des États. Les uns comme les autres se comportent comme des prédateurs. Un tel pillage serait ainsi aujourd'hui la deuxième source de financement de Daesh, après le pétrole...
Le roman de Rachel Maeder commence par un pillage au Musée archéologique de l'Université de Genève. Dans ce musée, au moment des faits, se prépare une rétrospective, pour les cent cinquante ans de sa naissance, de la vie de l'archéologue genevois Nicolas Blondel et des fouilles entreprises par lui en Egypte, à Deir el-Bahari, près de Louxor.
L'archiviste Michael Kappeler a sélectionné des pages du journal de fouilles du Genevois et des éléments de la correspondance qu'il a entrenue avec des égyptologues éminents de son temps. Ce jour-là, il fait un dernier tour au dépôt où sont entreposées en sous-sol des statuettes. Il en déballe une délicatement quand un intrus, de noir vêtu, lui assène un coup sur la tête.
En fait Michael Kappeler s'est trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment. Car il s'est trouvé sur les lieux et à l'heure où un vol incompréhensible y était commis: quatre statuettes en terre cuite, dont l'une était abîmée, ont été dérobées, alors que des pièces de plus grande valeur n'ont pas été emportées. L'agressé, une fois sorti du coma, est bien décidé à savoir pourquoi.
L'enquête officielle est menée par Matthias Longjean, de la Brigade des vols et effractions, par l'inspectrice Jeanne Muller, une ex de Michael, laquelle a fait appel à Filippo, qui est venu spécialement de Rome et qui travaille pour la TPC, Tutela Patrimonio Culturale, une brigade spécialisée dans le trafic d'antiquités. Au début Jeanne a fait admettre Michael dans l'équipe, mais il est ingérable...
L'auteur de ce polar fort bien documenté sur le sujet prête vie à des personnages qui gravitent autour: un universitaire, une conservatrice de musée, un marchand d'art, des douaniers, etc. Comme pièces à réflexion sont reproduites des pages du journal de Nicolas Blondel et du journal de sa femme Zélie, qui se révèlent plus intéressantes à tous points de vue que celles de son mari.
En contrepoint de l'enquête et des pages des journaux des époux Blondel, l'auteur reproduit d'authentiques extraits d'articles de Libération, du Monde et du Temps, qui montrent que le pillage du Musée de Genève n'est pas un cas isolé et qu'il faut donc bien parler de pillages au pluriel, commis dans des musées ou des sites archéologiques aussi bien en Italie qu'en Irak, en Libye ou en Syrie.
Tous les textes introduits dans le cours de l'enquête ne le sont pas fortuitement. Ils contribuent à sa vraisemblance et à son mystère. Ils apportent aussi des éléments indispensables pour les uns à l'élucidation de l'affaire et pour les autres à son contexte, car un pillage de cette sorte ne peut pas être compris isolément des autres pillages.
Enfin les protagonistes de l'enquête apparaissent comme des personnes bien réelles, avec leurs qualités et leurs défauts. L'auteur sait les rendre familières et le récit des événements auxquels ils sont confrontés, qui donne un grand plaisir de lire, n'en est que plus vraisemblable. Comme la perfection n'est pas de ce monde, la fin n'est pas vraiment une fin...
Francis Richard
Pillages, Rachel Maeder, 244 pages Plaisir de lire
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