Chez Klein, un festin alsacien

Par Gourmets&co

On ne vient pas ici pour compter ses calories…

Sur la route des vins d’Alsace, une halte gourmande à Soultzmatt, au sud-ouest de Colmar. Le cœur du village a bien changé, en vingt ans. Qu’est devenue la vieille fontaine de grès qui bruissait sur la place ? Pourquoi ce parvis propret et sans âme, flanqué d’œuvres dignes d’un rond-point de grande banlieue ? Et que dire de ces spots violets qui, le soir venu, donnent à la façade de l’hôtel de ville des airs de salon de bronzage ?

Heureusement, en face de la mairie, un autre monument défend sans faillir le patrimoine régional : l’hôtel-restaurant Klein. Trois jolies salles et une terrasse, boiseries d’époque, nappes blanches, couverts lourds – comment ne pas se sentir chez soi dans cette grande maison familiale dont on aimerait faire parler les poutres ? Michel Klein, qui a repris l’affaire de son père en 1980, y célèbre la gastronomie alsacienne dans ce qu’elle a de plus franc et de plus généreux. « Chez nous, on mange, on ne fait pas semblant, » prévient-il, hilare. Le ton est donné. C’est l’heure de l’apéritif. Dans l’air flottent déjà de doux parfums de champignons, de crème et de fond de veau, de quoi foudroyer un végane à vingt mètres. Le second, Richard Munch, aux fourneaux depuis 2003, est en congé aujourd’hui. Comme lui, le reste de la brigade travaille chez Klein « depuis des lustres », et tout ce petit monde vient du village…

La carte, on s’en doute, fait dans le sérieux. Ici, pas de fantaisies moléculaires pour couples blasés, mais du simple, du concret, des intitulés sobres. Et des prix très, très doux.

La cassolette d’escargots aux agrumes (très légère, mais brûlante, attention !) est une merveille de délicatesse, aux jolies notes beurrées et citronnées. Difficile de ne pas saucer…

Plus roborative, la tourte de la Vallée Noble rappelle qu’un « bête » pâté en croûte peut se hisser au sommet de la gastronomie. Un feuilleté aérien et fondant, une farce avec de gros morceaux, marinée dans un sylvaner sec, un soupçon de cannelle. Mariage des textures parfait, relief des saveurs : un grand moment. Et quelle portion !

Le moment est venu de délaisser le petit blanc servi en pichet pour déguster un pinot noir 2010 de la maison Haag, tout en fraîcheur, aux arômes de fruits rouges. La carte est riche, les gourmands hésitent. Nous ferons l’impasse sur les beignets de carpe à la bière, spécialité du Sundgau, le sud de l’Alsace, où abondent rivières et étangs. Place au sandre sur lit de tagliatelles aux légumes. La cuisson du poisson est irréprochable, comme celle des pâtes à peine safranées, hérissées d’une écrevisse et parsemées de baies rouges. Un plat délicieux, somme toute très fin, en parfait accord avec le pinot.

Et comme on ne vient pas chez Klein pour compter les calories, n’hésitons pas à faire honneur aux ris de veau panés – croustillants à souhait, savoureux, et bien plus légers qu’il n’y paraît. Dommage, cela dit, que la présentation soit aussi rustique, et les légumes servis en accompagnement un peu trop cuits. Tout cela aurait peut-être pu figurer dans la même assiette. Enfin, dans une très grande assiette…

La chaleur estivale impose des desserts frais, et là aussi le choix est large, même dans le registre local. Des gourmandises traditionnelles feront l’affaire : une mousse glacée au kirsch et un kougelhopf glacé, du nom de cette brioche à pâte levée au moule emblématique. Ces deux classiques s’avèreront parfaitement exécutés, délicieusement parfumés. Une belle conclusion !

Reste à aborder un chapitre, et non des moindres : les vins. La cave compte plus de 1700 références représentant toutes les régions. Et à quels prix ! À titre d’exemple, un Beaune 1er cru Tollot-Beaut Les Grèves 2005 vaut ici 65 euros, ce qui n’est même pas le prix du marché – à supposer que le flacon soit encore disponible. Par quel miracle ? Depuis 35 ans, Michel Klein parcourt chaque année le vignoble français pour ramener de jolies bouteilles dont le prix à la carte sera multiplié non pas par 3, 4 voire 5 comme cela se pratique chez la plupart de ses confrères, mais par 2, tout simplement. Voilà qui en dit long, également, sur la générosité du personnage.

Hôtel-restaurant KLEIN
44, rue de la Vallée
68570 Soultzmatt
Tél. : 09 70 35 02 24
www.hotel-restaurant-klein.com

Menus à 18,50, 24,50, 29,50, 38,50 et 43,50 euros

Chambre double : 55 € à 90 €
Petit-déjeuner : 8 €