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Polonaises, de Jacques Pilet

Publié le 27 août 2016 par Francisrichard @francisrichard
Polonaises, de Jacques Pilet

Polonaises est un mot qui est connoté Chopin. Du moins pour les mélomanes et pour les bourgeois d'un autre temps, pour qui la bonne éducation, entre autres, comprenait l'apprentissage du piano, si possible à queue, à demi-queue ou, à défaut, droit, pour les plus modestes d'entre eux.

Les Polonaises de Jacques Pilet n'ont rien à voir avec celles du compositeur mais tout avec de belles dames, qu'un sexagénaire amateur de femmes rencontre au gré de ses voyages sur le continent européen, en Italie, en Allemagne, en Suisse, en  Pologne, en Tchéquie, en France, en Russie, en Ukraine...

Elles sont quatre lesdites Polonaises et se prénomment Karola, Anya, Dana et Ewa. A son père, le narrateur aurait tant aimé parlé d'elles. Son père avait en effet un goût des femmes qu'il conciliait, je ne sais comment, sûrement dans les embrouilles, avec son immense amour pour sa mère.

Il a rencontré Karola sur l'île d'Ischia, où il passait des vacances. Karola a la demi-trentaine. Elle est serveuse pour la saison dans un restaurant où il prend repas. Elle a fait des études d'ichtyologie, et ne compte pas rentrer en Pologne: Il n'y a pas de jobs. Et les salaires, c'est une misère.

Il habite Zurich. Il est séparé de sa femme, une juive américaine, Diana, et vit tout seul désormais. Il est donc libre et, intéressé par l'histoire, visite Monte Cassino avec Karola. Puis, pendant un an, elle disparaît de sa vie jusqu'au jour où elle lui envoie un SMS pour lui dire qu'elle a trouvé un job au zoo de Berlin.

Il la rejoint à Berlin. Elle lui raconte ses amours défuntes. Il comprend mieux pourquoi leur relation teintée d'amour restait comme voilée, dénuée de ces flammes qui doivent mettre le feu au roman. Ils se quittent en se disant à la prochaine, sans préciser où ni quand, confirmant la légèreté de leur relation.

Leur existence à tous deux change toutefois. Lui, il est licencié de la banque suisse où il travaillait et il se doit de rebondir. Il ne sait d'ailleurs pas trop comment. Elle, elle se soigne à l'hôpital de Varsovie: Je n'ai pas le sang aussi rouge que les coquelicots de Monte Cassino! Il se rend à son chevet. Elle sort deux jours plus tard.

Karola lui présente Anya, une intello, simple et écolo, qui est son amie, plus qu'une simple amie puisqu'il y a affinités. Anya a fait un doctorat à la Sorbonne, en linguistique: elle adore la grammaire. Les trois partent ensemble en Mazurie voir la "Tanière du loup" où eut lieu l'attentat contre Hitler en 1944.

Il fait un jour la connaissance de Dana lors d'une sortie en boîte à Varsovie avec Anya et Karola qui voulait se changer les idées, après de nouvelles transfusions à l'hôpital. A son entrée Dana avait attiré tous les regards: Chaque pas, chaque geste de ses bras était d'une élégance et d'un érotisme rare.

Dana qu'il retrouve à Zurich est une dominatrice: Je ne suis pas une prostituée, je ne baise pas, je ne suce pas, je domine les hommes. Désireuse de quitter son métier de coiffeuse et d'aller travailler à l'ouest, elle a surfé sur internet et s'est inspirée abondamment du film Maîtresse de Barbet Schröder.

Ewa est la dernière amie de Marek, tué lors d'un accident de chasse. Il l'a aperçue à l'enterrement de cet oncle d'Anya. Ewa travaille dans le marketing pour un magazine féminin français édité en Pologne. Tous trois, Anya, Ewa et lui partent à Prague pour interroger le chasseur maladroit (ou adroit?).

Au cours de ce récit, l'histoire du XXe siècle des pays dits de l'est est omniprésente. Le narrateur en découvre toute la complexité, qui le dispute avec celle de ses Polonaises, tandis que, lui, il flotte en leur agréable compagnie, ne sait pas où il va (aime-il Karola?), voyage pour s'étourdir. A Anya il fait penser à Henri Michaux:

Il a écrit des carnets de route sur l'Amérique du Sud, sur l'Asie. En poète qui déteste l'exotisme. Il se cherche lui-même avec humour. Tu devrais lire son livre Ecuador. Cela m'a donné envie d'y aller. Ça te dirait?

A défaut d'avoir pu en parler à son père, le narrateur parle donc au lecteur de l'histoire belle et triste de ses Polonaises émancipées et au caractère bien trempé. Il en parlera certainement un jour, le moment venu, à son frère, qui habite Lausanne et qui doit forcément être intrigué par elles et leurs existences qui démentent les clichés.

Francis Richard

Polonaises, Jacques Pilet, 260 pages L'Aire


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