Ces dernières années, l’émergence d’entérobactéries productrices de New Dehli métallo- β-lactamase 1 (NDM-1) a été rapportée en Inde (2009), au Pakistan, au Royaume-Uni, au Canada, quelques cas ont également été relevés en France. Une étude, présentée dans le Lancet, a décrit l’émergence et la diffusion de ces bactéries, documentant leur résistance à toutes les ß-lactamines (pénicillines et céphalosporines) ainsi qu’à des antibiotiques très puissants, comme les carbapénèmes (à usage hospitalier). La majorité de ces entérobactéries n’étant plus sensibles qu’à la colistine et à la tigecycline. Explication : NDM-1 porte un gène de résistance qui, diffusé dans plusieurs types de bactéries permet l’inactivation du principe actif de la plupart des antibiotiques. NDM-1 confère notamment cette résistance aux carbapénèmes, qui sont prescrites contre les infections les plus graves, ce qui pose une véritable urgence de Santé publique au niveau mondial
Les métallo-ß-lactamases (MBL), ces enzymes clés de la résistance : les bactéries développent rapidement des mécanismes de résistance pour combattre même les antibiotiques les plus efficaces. En pratique clinique, ces infections par ces bactéries résistantes aux antibiotiques sont extrêmement difficiles à traiter et nécessitent des médicaments coûteux ou toxiques qui ne sont pas toujours efficaces. Il est donc crucial de bien comprendre les mécanismes que les bactéries utilisent pour déjouer l’action des antibiotiques et développer leur résistance. Car au centre de ces mécanismes, les métallo-ß-lactamases des enzymes produites par les bactéries qui peuvent se lier et inactiver les molécules antibiotiques.
La bactérie protège ses enzymes MBL : les chercheurs de la Case Western identifient ici le mécanisme bactérien qui stabilise certains MBL dans les membranes cellulaires et permet ainsi leur propagation dans l’environnement. Ce mécanisme clarifie une des méthodes utilisées par les bactéries pour déjouer le système immunitaire et devenir extrêmement résistantes aux antibiotiques : alors que les bactéries ont généralement besoin des ions zinc pour fonctionner correctement, que le système immunitaire produit des protéines qui cachent les ions de zinc et affament les bactéries avides de zinc pour combattre l’infection, la NDM-1 peut conserver toute sa fonction même sans zinc. NDM-1 » cache » ses enzymes dans les membranes bactériennes et résiste à la destruction provoquée par de faibles niveaux en zinc.
La bactérie diffuse ses enzymes MLB : Les bactéries porteuses de NDM-1 dans leurs membranes sont en mesure de produire » des vésicules » à partir de leur membrane externe contenant les enzymes MLB. Ces sacs membranaires bourgeonnent, se dispersent dans le microenvironnement bactérien, permettant aux enzymes de NDM-1 de circuler et d’aller protéger les bactéries voisines, qui autrement, pourraient être vulnérables aux antibiotiques.
C’est ainsi que le gène codant pour NDM-1 se propage rapidement à travers les espèces bactériennes et est aujourd’hui retrouvé dans des échantillons d’eau de régions abritant près de 40% de la population mondiale. Selon les chercheurs, cette diffusion a donc été favorisée par l’ancrage de la protéine dans la membrane de la bactérie. Cette découverte révèle un talon d’Achille de la bactérie qui suggère qu’en bloquant cet ancrage dans la membrane , on pourrait contrecarrer la diffusion mondiale de ces super-bactéries.
Source: Nature Chemical Biology 16 May 2016 doi:10.1038/nchembio.2083 Membrane anchoring stabilizes and favors secretion of New Delhi metallo-β-lactamase