La semaine de la dernière rentrée politique avant présidentielle a été ponctuée par deux événements : la sortie du bois de Nicolas Sarkozy et la discussion sur la validité juridique (ou pas) de l'interdiction du burkini sur les plages françaises.
Ce vendredi 26 août 2016 à 15 heures, le Conseil d'État rend son avis sur le recours contre un arrêté municipal d'interdiction de burkini sur la plage (arrêté validé par un tribunal administratif). J'ai déjà évoqué ce sujet à l'occasion d'une autre polémique (différente car cela concernait une journée privative dans un établissement privé) et la réflexion se résume à deux principes opposés : la liberté de se vêtir et le refus de laisser l'islamisme radical envahir les plages et enfermer les femmes.
En fait, la polémique repose sur l'idée qu'on peut se faire de la France et de sa laïcité. L'idée aussi qu'on peut se faire de la femme. Le burkini n'est pas un élément d'émancipation des femmes (grâce auquel elles vont pouvoir se baigner) mais au contraire d'enfermement (les autres femmes musulmanes se sentiraient rapidement dans l'obligation de porter, elles aussi, le burkini, comme en trente ans, on voit de plus en plus de femmes voilées en ville, voire des femmes portant la burqa pourtant interdite).
On sent bien que ce sujet paraît dérisoire, car rajoutez un tuba et des palmes à un burkini et vous voici en plongée sous-marine (le web arabe ne se prive pas de se moquer de ce débat typiquement français, et l'une des meilleures images qui a fait le buzz est une photo de la Statue de la Liberté habillée d'un burkini rose).
Mais c'est aussi dérisoire que le voile à l'école il y a plus d'un quart de siècle. Ou "aussi peu" dérisoire. Le dérisoire devient crucial dans cette société hypersensible aux symboles. En somme, le burkini focalise toutes les peurs ou tous les intégrismes. C'est pourquoi, s'il paraît dérisoire, ce sujet est loin d'être dérisoire. Le Conseil d'État avait brillé, à l'époque où Lionel Jospin était Ministre de l'Éducation nationale, par sa lâcheté en bottant en touche, et en renvoyant le sujet au législateur. Espérons qu'il a appris avec le recul de ces décennies.
Le gouvernement lui-même est fortement divisé sur le sujet puisque le Premier Ministre Manuel Valls a soutenu dès le début les maires qui ont pris cet arrêté d'interdiction. Il ne veut cependant pas légiférer sur le sujet. Au contraire, sa Ministre de l'Éducation nationale, Najat Vallaud-Belkacem a exprimé sa ferme opposition à cette " prolifération " d'arrêtés. Le mot "prolifération" est d'elle, et son utilisation est aussi scandaleuse qu'exagérée. Quel est le ressort de ce refus ? Une appartenance communautaire ? Le Président François Hollande, toujours incapable de trancher, s'est contenté de ménager la chèvre et le chou en demandant le 25 août 2016 de ne pas céder ni à la " provocation " (des méchants islamistes ?) ni à la " stigmatisation " (des méchants islamophobes ?).
Nicolas Sarkozy, au contraire, veut immédiatement légiférer. Interdire le burkini sur tout le territoire français. Pourquoi laisser aux seuls maires cette responsabilité politique ? Il l'a dit et redit. D'abord dans "Le Figaro Magazine" : " Ne rien faire, c'est laisser penser que la France apparaît faible et ce serait acter un nouveau recul de la République. " et il a préconisé l'interdiction de " tout signe religieux à l'école, mais également à l'université, dans l'administration et aussi dans les entreprises " (24 août 2016).
Invité le 24 août 2016 du journal de 20 heures sur TF1, il a répété ainsi ses arguments : " Sur le territoire de la République, les femmes et les hommes sont tenus d'une égalité stricte. On n'enferme pas les femmes derrière des tissus. L'affaire des burkinis, chacun voit bien que c'est une provocation. Une provocation au service d'un projet d'islam politique, d'islam radicalisé. La meilleure façon d'apaiser les tensions, c'est que soit proscrit tout signe extérieur d'appartenance à une religion. ".
Et de donner son argument : " Si nous laissons le burkini se généraliser, les jeunes filles qui veulent se mettre en bikini ou en maillot de bain, elles ont le droit, seront, par la pression de leur communauté, obligées de prendre une tenue vestimentaire qui ne correspond en rien non seulement à leur mode de vie français, mais à un principe essentiel chez nous : l'égalité stricte de la femme et de l'homme. " (24 août 2016).
Cette mesure phare a été très valorisée dans son premier meeting à Châteaurenard, dans les Bouches-du-Rhône, devant deux mille militants rassemblés ce jeudi 25 août 2016. Premier meeting car Nicolas Sarkozy est enfin sorti du bois. Sans être une surprise, Nicolas Sarkozy a en effet annoncé sa candidature à la primaire LR lundi 22 août 2016 et a démissionné de la présidence de son parti Les Républicains (LR) le 23 août 2016.
La neutralité de la direction de LR restera néanmoins mise en doute puisque celui qui assure la présidence par intérim (au moins jusqu'en novembre 2016) est un sarkozyste très ambitieux, Laurent Wauquiez, qui jouira de deux leviers pour sa carrière, le parti et la région Auvergne-Rhône-Alpes, et le secrétariat général reste à Éric Woerth, qui soutient aussi la candidature de Nicolas Sarkozy. En fait, beaucoup de fillonnistes sont désormais revenus au bercail de Nicolas Sarkozy (Christian Estrosi, Éric Ciotti, Pierre Lellouche, etc.). Édouard Balladur lui a aussi apporté son soutien.
En écoutant le meeting du 25 août 2016, il y a une évidence : Nicolas Sarkozy ne sera certainement pas le meilleur Président en 2017 parmi les treize candidats à la primaire LR, mais il est sans aucun doute le meilleur candidat. Il n'a rien perdu non seulement de son dynamisme de campagne (on peut douter que le candidat Alain Juppé puisse avoir une telle énergie sur une si longue durée, huit mois et demi !) mais aussi de sa cohérence politique.
Je regrette que l'élection présidentielle de 2017 risque très certainement de refaire la même compétition qu'en 2012, avec les trois principaux candidats : François Hollande, Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen, candidats dont la grande majorité des Français ne veulent pas pour 2017. Mais les mécanismes électoraux sont suffisamment connus pour comprendre qu'une campagne, indépendamment des sondages, a un rôle et une influence déterminante sur le résultat d'une élection.
De plus, Alain Juppé a raté un soutien de poids : celui de François Baroin. Ce dernier était pourtant intellectuellement juppé-compatible, mais peut-être pas personnellement depuis qu'il a été viré avec les juppettes le 7 novembre 1995 ? Du coup, le 5 juin 2016, François Baroin a annoncé son soutien à Nicolas Sarkozy, et ce dernier a laissé entendre qu'il en ferait très certainement son Premier Ministre.
C'est assez malin : Nicolas Sarkozy se repose ainsi sur deux "jeunes" ambitieux, Laurent Wauquiez à son aile droite (très proches des positions du FN), et François Baroin à son aile gauche (capable de rapporter des voix centristes).
Pourtant, le ton global du discours de Châteaurenard est loin d'être aussi ambivalent. L'aile droite l'a largement emporté avec des mesures chocs, au-delà de l'interdiction du burkini sur les plages et du voile à l'université, il a proposé la fin du regroupement familial.
Certes, il a pensé à sa gauche car il n'a pas hésité à citer l'ancien résistant et ancien Ministre de l'Économie et des Finances André Philips (1902-1970), l'un des rares députés socialistes (de 1936 à 1951) à avoir refusé de voter les plein pouvoirs de Philippe Pétain le 10 juillet 1940 et à avoir rejoint De Gaulle à Londres. Il l'a fait comme il avait évoqué Guy Moquet en 2007.
Sur le plan économique et social, il a réclamé la hausse de l'âge de la retraite et surtout, l'uniformisation des régimes des retraites, calculées de la même manière pour le public et le privé (qui peut décemment refuser le principe d'égalité ?). Il propose aussi la dégressivité des indemnités chômage, ce qui ne me paraît pas pertinent dans la lutte pour l'emploi car la durée pour retrouver un emploi est de plus en plus longue.
Néanmoins, il est certain que Nicolas Sarkozy a beaucoup travaillé son projet qu'il veut avant tout tourné vers les entreprises et l'activité économique en général. Quand il dit qu'il faut cesser de faire systématiquement des contrôles fiscaux aux entreprises bénéficiaires du crédit impôt recherche, il montre d'ailleurs une connaissance très fine du processus d'innovation en France et il a raison de critiquer le fait que l'État cherche toujours à reprendre d'une main ce qu'il donne de l'autre main.
L'entrée prévisible en campagne de Nicolas Sarkozy va bouleverser la donne chez Les Républicains. Elle place Alain Juppé, alors favori des sondages sans faire grand chose, dans la situation d'outsider. Si Alain Juppé a cherché à soutenir NKM dans sa quête des parrainages, c'est sans doute parce qu'il veut lui-même quérir son soutien.
J'aurai l'occasion de revenir sur cette primaire et plus généralement, sur la précampagne présidentielle dans les différents camps (c'est très confus actuellement, tant au PS, à sa gauche "radicale", chez les écologistes, qu'à droite, chez LR, et aussi chez les centristes).
On pourrait imaginer qu'avec autant de déclarations de candidature dans tous les sens (c'est la mode de la rentrée 2016), le champ du possible s'élargirait et ferait bénéficier de nouvelles têtes. Au contraire, tout porte à croire que la confusion profiterait aux véritables champions des campagnes présidentielles, les trois déjà présents en 2012.
Au même titre que les jeux olympiques ne s'improvisent pas, on ne s'improvise pas candidat à l'élection présidentielle en quelques mois. Cela nécessite un soutien politique, à la fois des relais territoriaux et des parlementaires, du charisme prêt à redonner espoir à un peuple désabusé, de l'argent (sans argent, pas de campagne sérieuse), ...et une inévitable solidité physique. Une campagne électorale est avant tout un marathon épuisant. Pas sûr donc que tous ceux qui ont annoncé leur candidature franchiraient ne serait-ce que la ligne de départ !
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (26 août 2016)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Le burkini en question.
Nicolas en Sarkini.
Une combativité intacte.
Discours du 30 mai 2015 à la Villette.
Les 60 ans de Nicolas Sarkozy.
Je suis Charlie.
Mathématiques militantes.
Le nouveau paradigme.
Le retour.
Bilan du quinquennat.
Sarkozy bashing.
Ligne Buisson ?
Stigmatisation.
Transgression.
Sarcologie et salpicon socialistes.
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160825-sarkozy.html
http://www.agoravox.fr/actualites/politique/article/nicolas-en-sarkini-184028
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/08/26/34233198.html