Je suis ravie de revenir avec une nouvelle édition des Gens Brillants et la talentueuse Ruppert Pupkin. Je vous avais parlé d'elle dans mes favoris de juin ... J'ai eu un tel coup de cœur pour sa musique que j'ai eu envie de lui poser quelques questions dans le cadre des Gens Brillants.
Ruppert Pupkin, ce n'est pas qu'une chanteuse. Elle est auteur et compositeur... Mais aussi actrice et scénariste pour le cinéma et le théâtre. Elle co-dirige également une compagnie de théâtre. Ruppert Pupkin alias Emmanuelle Destremau est une femme que j'admire tant son parcours est remarquable. C'est une artiste accomplie qui va au bout de ses passions, une vraie inspiration pour aller au-delà de ses envies et de ses rêves.
J'espère que vous prendrez autant de plaisir que moi à découvrir son interview vraiment intéressante et inspirante. Bonne lecture !
Peux-tu te présenter ?Salut ! Je suis Ruppert Pupkin, artiste et chanteuse, " fabriqueuse " de balades rock, de mélodies mélancoliques, de sad songs et de mélopées.
Quel est ton parcours ?Un dédale de rencontres et de grandes curiosités irrépressibles.
D'abord, j'ai un coup de foudre pour le théâtre et la scène, je deviens actrice. Je commence la mise en scène après avoir découvert Les Lettres d'Algérie publiées par le Monde pendant la période terroriste. Puis deuxième passion pour la réalisation de films documentaires née à la suite d'un voyage d'amour qui m'a emmenée en Palestine où j'ai eu la chance de monter l'opéra Carmen et de revenir ensuite réaliser mon premier film à Gaza en septembre 2001.
Après cela, les projets se sont entremêlés entre l'écriture pour le théâtre et les tournées comme actrice à travers la France et les films documentaires pour la télévision et les festivals.
Je faisais jusque là de la musique un peu dans ma chambre ou pour les BO de mes films...
Pendant l'écriture du film " Héros " de Bruno Merle, nous étions inspirés par le personnage du film de Scorsese " King of Comedy " incarné par de Niro dont le nom de scène est : Rupert Pupkin. Notre héros Pierre Forêt séquestre aussi son idole, c'est un vrai parcours tragi-comique et emphatique à l'instar de la comédie de Scorsese qui ressemble à un pamphlet sur notre société du spectacle.
Pour ce film, j'ai enregistré une de mes chansons avec Yarol Poupaud et participé à la bande son avec le musicien Clément Tery. A ce moment, j'ai choisi de m'appeler RuPpert Pupkin. Pour moi, ce nom évoque une sorte de costume de scène un peu clinquant et usé, le dérisoire et le merveilleux, un peu comme ce que dégagent les personnages du merveilleux film " Tournée " de Mathieu Amalric. Un endroit entre la beauté et l'espoir de faire rêver les gens et la lose pathétique et drôlatique de l'artiste qui n'est pas entendu... J'ai attrapé le P de Pourquoi Pas, de Perhaps, de Presque, de Paumée ou de Pulp et l'ai rajouté dans le nom du personnage pour devenir moi.
J'ai co-écrit " Héros " qui nous a emmenés à Cannes en 2007 pour l'ouverture de la semaine de la critique. C'était une aventure extraordinaire pour un petit film indé ! Sur " Héros ", j'ai pu travailler comme scénariste, musicienne et comédienne. Puis le réalisateur Benoît Cohen m'a proposé d'adapter au cinéma ma pièce " Les Violette " et nous avons réécrit et tourné ce projet avec une petite équipe en mode huis-clos dans une atmosphère magique. C'était fantastique de jouer dans ce film avec deux autres actrices (Gaëla Le Devehat et Eléonore Pourriat) avec qui nous l'avions créé au théâtre. Le film est sorti en 2009 avec une jolie presse et très peu de salles... C'est toujours fou de voir que la vie d'un film peut être si courte alors qu'on a mis tant d'énergies et de temps à le fabriquer. J'ai eu des petits rôles ici et là et depuis 1 an. Les réalisateurs Gauthier About et Eric Ducher travaillent sur l'adaptation de ma dernière pièce " Inside Georges ". Le scénario est en développement donc on espère pouvoir tourner en 2017...
Parallèlement, Ruppert Pupkin a collaboré avec d'autres cinéastes comme Olivier Abbou, Lise Fernandez, etc., et plusieurs morceaux sont dans les BO de leurs films ou de leurs réalisations, puis également pour Chanel. Je suis très heureuse quand un réalisateur choisit un de mes morceaux car ma musique est très inspirée par le cinéma.
Comment qualifierais-tu ta musique ?C'est un exercice difficile pour moi et j'ai beaucoup appris en lisant les chroniques qui sont sorties sur l'album.
J'ai lu : " rock atmosphérique " / " la voix d'un médium, habitée par des esprits " / " travellings obsédants " / " mélancolie lumineuse ".
Je me reconnais plutôt bien dans ces mots même si ça ne définit pas un genre musical.
J'aime bien l'idée que la musique soit un lien vers les choses invisibles, une vibration chamanique, un décalage poétique ou grinçant, une proposition de voyage cinématographique intérieur. Moi je peux fondre en larmes en écoutant une voix a capella qui résonne. C'est organique et profondément viscéral.
J'espère que ma musique est justement à la fois sombre et lumineuse, aride et légère...
Je ne suis pas sûre d'avoir des thèmes de prédilection. La solitude peut-être. La singularité des êtres et des instants. Le fait de se sentir à côté du monde. Inadéquat. Ce n'est pas sérieux mais c'est vrai. Il y a toujours quelque chose qui me ramène au pas sérieux. Même quand la chanson pleure. Did you hit me ? - did I hit you ? Le refrain de cette chanson qui n'est pas dans l'album peut aussi donner le ton à certaines facettes de Ruppert qui utilise la dérision. Souvent, mes chansons répondent aussi à de fortes pulsions, un désir inassouvi, une obsession qui ne veut pas disparaître, une paranoïa... Comme je suis autodidacte, mon rapport à la musique est très impulsif, presque animal. L'écriture de chanson est très jouissive parce que pour moi, elle répond directement à la pulsion qui manquerait sinon de me déchirer.
Quelles sont tes influences ?Je me rends compte de mes influences après coup.
A une époque, j'ai écouté beaucoup de Fado et de tango qui ont ancré chez moi l'amour de la mélancolie joyeuse. J'ai commencé à écrire des mélodies guitare voix - ou basse voix très roots - répétitives, douces et rugueuses. Certaines structures posées au tout début sont restées comme la basse de " Your sister " qui se développe comme une conversation avec la voix.
J'étais très chargée des premiers albums de Blonde Redhead, bouleversée par la voix de Beth Gibbons, nourrie au magnétisme incantatoire des longues mélopées de Nina Simone ou de Patti Smith, complètement amoureuse de la noirceur lancinante de Nick Cave. Je découvrais Sonic Youth, PJ Harvey...
Ensuite, j'ai eu un grand désir de fabriquer des balades lancinantes à la Nancy Sinatra mêlées d'électro inspiréee par Miss Kittin ou Poni Hoax à ses débuts.
J'ai alors sorti un premier EP dans une veine plutôt pop en 2010, réalisé par Maxime Delpierre.
Puis d'un concert à l'autre, le rock est redevenu plus présent dans les morceaux et le mélange des matières a commencé à me plaire vraiment en travaillant sur l'album.
Je travaille sur des boucles des répétitions, des structures très simples et Pygmy Johnson est allé dans ce sens en mélangeant mes lignes de basses ou de guitares très épurées avec des matières plus electro en mode parfois hypnotique.
J'écoutais de manière obsessionnelle le magnifique opus de Dead Man's Bones, et la voix douce et sexuelle de Castanets comme enregistrée dans sa salle de bain. Ça m'a donné envie d'enregistrer un morceau live sur l'album (My Pain) avec le violoncelliste Thomas Kpade.
Folle question !
En mode rêve les plus fous, Nick Cave ? Thom Yorke ? Christophe ?
Pourquoi pas Timber Timbre ? Feu! Chatterton ?
En attendant, se préparent un duo avec JeSuisUnCerf et un autre avec Billy Jet Pilot de Coming Soon (qui fait partie de l'équipe artistique de notre compagnie : L'Organisation).
Je ne peux jamais répondre à ce genre de questions ( le meilleur le plus le pire...) mais j'écoutais " White Chalk " de PJ Harvey en boucle au moment d'écrire les arrangements de l'album. Il me bouleverse parce qu'on croirait vraiment être dans le studio avec elle et ses musiciens, nuit après nuit. Le son de piano, l'espace qui existe entre les instruments, la recherche, les tentatives, les respirations... PJ réussit toujours à raconter des histoires très directes, très nues et son écriture me transperce. Mais il y a aussi dans cet album quelque chose de très relâché, une forme d'abandon que je trouve sublime...
" Images du futur " de Suuns, magnifique BO de l'été...
Peux-tu nous parler de tes autres activités ?A part le cinéma et le documentaire, je suis actrice, auteure et performeuse au théâtre. Je co-dirige la compagnie l'Organisation avec la metteure en scène Elodie Segui et nous créons des spectacles, dont je fabrique aussi les univers sonores.
Notre spectacle COSMOS 110 se jouera au TNG à Lyon en novembre 2016 et au TGP à Saint-Denis en Mars 2017. Nous créons un nouveau projet aussi au TGP en janvier : " La modification des organes génitaux chez les poissons du lac de Thoune ".
Parallèlement, je travaille avec d'autres compagnies et je suis artiste associée au théâtre Am Stram Gram à Genève. Je jouerai à l'automne en tournée et avec le théâtre de la Ville dans la prochaine mise en scène de Fabrice Melquiot " Suzette ", dans laquelle j'ai composé la musique avec Simon Aeschimann et je chante.
Dans les projets : construire une belle tournée pour Ruppert à partir d'avril prochain (déjà quelques programmations notamment à Genève le 24 avril).
Un album de reprises qui se profile aussi en 2017 !
Dans les rêves (qui vont se réaliser) : enregistrer le prochain album en mode résidence avec les musiciens dans une grande maison isolée du monde.
J'aime les collaborations et les rencontres... Que cet album puisse ouvrir des portes, des rencontres, des projets avec d'autres artistes, en France et ailleurs, et qu'il circule le plus possible...
Pour écouter l'album " Run "de Ruppert Pupkin, ça se passe ici :
https://ruppertpupkin.bandcamp.com/releases
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