Crédit : fintech par Shutterstock « La créativité humaine et l’innovation représentent désormais la véritable richesse des nations », affirmait déjà l’Unesco en 2013 dans son rapport sur l’économie créative . Et les banques l’ont désormais bien compris, faisant de la R&D et de l’innovation leurs maîtres-mots en matière de communication. La réalité se révèle pourtant parfois différente des discours avant-gardistes. Certes, certains acteurs historiques ont su développer avec le temps une vraie capacité de veille concurrentielle voire d’incubation. Mais la majorité des groupes bancaires ne peuvent se défaire de leurs handicaps tant réglementaires que structurels et culturels. Saisir l’opportunité de la déferlante Fintech, avec son lot de startups innovantes et agiles, est devenu un des enjeux majeurs du secteur bancaire.
A l’heure de la révolution numérique, les banques n’ont d’autre choix que de suivre le mouvement et d’entrer à leur tour dans un processus accéléré de transformation digitale. De fait, leurs dépenses en R&D ne cessent de connaître des records. A travers le monde, elles auraient ainsi dépensé 196 milliards de dollars en investissements IT en 2015, un montant en augmentation de 7 milliards de dollars par rapport à l’année précédente. Et cette tendance haussière se confirmera probablement en 2016. Mais, même si certains grands groupes bancaires, tels la Barclays ou la Deutsche Bank, ont développé leurs propres laboratoires technologiques internes - UBS en a par exemple créé un sur la Blockchain -, l’innovation trouve rarement son origine au cœur des banques.
Au sein de l’univers régulé de la finance, les banques ont en effet dû composer avec un renforcement des contraintes juridiques et financières imposées par les régulateurs suite à la crise de 2008. L’enveloppe finale nécessaire pour maintenir leurs systèmes informatiques à jour et intégrer les évolutions réglementaires se révèle alors très lourde : plus de 65 % du budget IT des banques y est consacré ! Bref, seul un tiers des sommes investies dans l’IT est réellement destiné à être alloué à de nouveaux projets innovants et potentiellement créateurs de valeur.
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Les banques ont donc laissé la place à de jeunes pousses s’appuyant sur la révolution digitale pour s’établir dans le secteur des services financiers. L’innovation est ancrée au cœur de l’ADN des Fintech, portée par leur usage des nouvelles technologies et leur agilité inégalée. Face aux banques, elles ont ainsi toutes les cartes en main pour proposer et imposer de nouveaux modèles en rupture avec le passé.
De nombreux acteurs bancaires ont alors saisi l’opportunité des Fintech pour y « externaliser » leur R&D. Le but : anticiper les transformations afin de protéger leurs activités traditionnelles. Ils rivalisent ainsi d’initiatives pour se rapprocher des startups dans le but de s’inspirer de leurs pratiques agiles et de leurs idées créatives. Des pôles dédiés à l’innovation accompagnant les jeunes pousses prometteuses se multiplient. Le Crédit Agricole a ainsi lancé en 2014 Le Village by CA où des startups bénéficient de formations, de conférences, d’un réseau d’experts, d’ateliers de co-création et d’une visibilité renforcée. En retour, la banque est placée dans une dynamique d’innovation permanente. BNP Paribas n’est pas en reste avec la création en avril 2015 de son incubateur WAI – « We Are Innovation » Au-delà des politiques d’aide et d’accompagnement, certaines banques réfléchissent à des stratégies destinées à intégrer entièrement l’innovation pensée par les Fintech. Parmi elles, le rachat ou la prise de participation majoritaire sont des voies régulièrement empruntées. Crédit Mutuel Arkéa en a fait très tôt son leitmotiv en déboursant 50 millions d’euros pour racheter 86 % du capital de la cagnotte en ligne Leetchi. Comme l’a ainsi souligné Ronan Le Moal, directeur général du groupe Crédit Mutuel Arkéa, « la voie du numérique et des FinTech est le meilleur moyen de nous développer hors de nos territoires. Notre avenir passe par notre capacité à travailler avec ces acteurs ". Les groupes bancaires traditionnels ont également imaginé les « hackathons » en vue de s’appuyer sur les Fintech pour accompagner leurs évolutions numériques. Le principe : des équipes doivent développer un projet informatique, en général un logiciel ou une application, sur une période limitée et courte. La Société Générale et BNP Paribas sont devenus des maîtres incontestés dans l’art d’organiser ces concours. Organisé en juin dernier, le dernier en date de BNP Paribas a ainsi débouché sur la sélection de six startups – sur un total de 57 – qui seront incubées pendant quatre mois, le temps de développer des produits susceptibles d'aider le groupe à accélérer sa transformation digitale.
Seul bémol : les technologies créées par les Fintech se révèlent parfois incompatibles avec les systèmes informatiques des banques. De nombreuses applications modernes de banking puisent des informations dans les différentes activités d’établissements : banque privée, banque de détail, placements, assurances, etc. Or, en raison d’un fractionnement fréquent de ces départements, créer une application avec un accès aisé à tous ces compartiments afin d’en corréler les données est une vraie gageure.
Les pronostics vont bon train sur le devenir des banques. Reste que le temps presse. Si les innovations portées par les Fintech comblent certains manques chez les acteurs traditionnels de la finance, cela ne suffira peut-être pas à contrer l’offensive des GAFA ou des opérateurs comme Orange et Verizon. Ces derniers se livrent depuis quelques années à une véritable course à l’armement en matière de services bancaires. Aujourd’hui, il est possible à partir de son smartphone, et sans saisir de codes, de régler ses achats (Apple) et même, demain, de retirer de l’argent (Google). Clairement, l’ordre bancaire est en pleine mutation et l’avenir des établissements financiers se joue aujourd’hui.
A propos des auteurs : Cédric Teissier et Arthur de Catheu sont dirigeants fondateurs de Finexkap.