Tunis est la ville la plus peuplée et la capitale de la Tunisie. Située au nord du pays, au fond du golfe de Tunis dont elle est séparée par le lac de Tunis, la cité s’étend sur la plaine côtière et les collines avoisinantes. Son cœur historique est la médina, inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco.
L’existence de la localité est attestée dès le début du IVe siècle av. J.-C. Perchée sur sa colline, Tunis est un excellent observatoire d’où les Libyens peuvent suivre aisément les manifestations extérieures de la vie de Carthage. Tunis est l’une des premières cités libyennes à passer sous la domination carthaginoise étant donné son voisinage avec la grande cité et sa position stratégique. Selon toute vraisemblance, le gros de sa population est alors constitué de paysans, de pêcheurs et d’artisans. En regard de la Carthage punique, l’antique Tunes reste d’une taille très modeste.
Détruite selon Strabon par les Romains pendant la Troisième guerre punique, elle est reconstruite, latinisée puis progressivement christianisée et devient le siège d’un évêché.
La région est conquise par les troupes arabes menées par le général ghassanide Hassan Ibn Numan au VIIe siècle. Très tôt, Tunis joue le rôle militaire pour lesquelles les Arabes l’ont choisie car elle est désormais la seule cité importante dans les parages du détroit de Sicile. Dès les premières années du VIIIe siècle, Tunis se voit renforcer dans son rôle militaire : devenue la base navale des Arabes en Méditerranée occidentale, elle prend une importance militaire considérable. Sous le règne des Aghlabides, les Tunisois se révoltent à maintes reprises mais Tunis profite de l’embellie économique et devient rapidement la deuxième cité du royaume. Devenue la capitale du pays à la fin du règne d’Ibrahim II (902), elle le demeure jusqu’en 909, date à laquelle des Berbères chiites prennent l’Ifriqiya et fondent la dynastie des Fatimides, puis redevient chef-lieu de district. Son rôle d’opposition au pouvoir en place s’intensifie, dès septembre 945, lorsque des insurgés kharidjistes occupent Tunis et la livrent au pillage. Avec l’avènement de la dynastie des Zirides, Tunis gagne en importance mais la population sunnite supporte de plus en plus mal le règne chiite et perpétue des massacres contre cette communauté. C’est pourquoi, en 1048, le Ziride Al-Muizz ben Badis rejette l’obédience fatimide et rétablit dans toute l’Ifriqiya le rite sunnite. Cette décision provoque la colère du calife chiite Al-Mustansir Billah. Une grande partie de l’Ifriqiya est mise à feu et à sang, Kairouan est détruite en 1057 et seules quelques villes côtières dont Tunis et Mahdia échappent à la destruction. Néanmoins, exposée aux exactions des tribus hostiles qui campent aux environs de la ville, la population de Tunis prête allégeance au prince hammadide El Nacer ibn Alennas, basé à Bougie, en 1059. Le gouverneur nommé par ce dernier, ayant rétabli l’ordre dans le pays, ne tarde pas à s’affranchir des Hammadides et fonde la dynastie des Khourassanides avec Tunis pour capitale. Le petit royaume indépendant renoue alors avec le commerce extérieur et retrouve la paix et la prospérité.
Dans la médina
En 1159, l’Almohade Abd al-Mumin s’empare de Tunis, destitue le dernier souverain khourassanide et installe à sa place un gouvernement chargé de l’administration de toute l’Ifriqiya qui siège dans la kasbah construite pour l’occasion. La conquête almohade ouvre une nouvelle période dans l’histoire de Tunis. La ville, qui jouait jusque-là un rôle de second plan derrière Kairouan et Mahdia, se trouve promue au rang de capitale de province. En 1228, le gouverneur Abû Zakariyâ Yahyâ s’empare du pouvoir et, un an plus tard, s’affranchit du pouvoir almohade, prend le titre d’émir et fonde la dynastie des Hafsides. Avec l’avènement de cette dynastie, la cité devient la capitale d’un royaume s’étendant progressivement vers Tripoli et Fès. À la ville primitive s’ajoutent au nord et au sud d’importants faubourgs enserrés par une deuxième enceinte entourant la médina, la kasbah et ces nouveaux faubourgs. En 1270, Tunis se retrouve prise dans la huitième croisade : Louis IX de France, espérant convertir le souverain hafside au christianisme et le dresser contre le sultan d’Égypte, s’empare facilement de Carthage mais son armée est rapidement victime d’une épidémie de dysenterie. Louis IX lui-même en meurt le 25 août 1270 devant les remparts de la capitale. Dans le même temps, chassés par la reconquête espagnole, les premiers Andalous musulmans et juifs arrivent à Tunis et vont participer activement à la prospérité économique et à l’essor de la vie intellectuelle dans la capitale hafside.
Au cours du XVIe siècle, la Tunisie est l’un des principaux théâtres où s’affronte la monarchie espagnole et l’Empire ottoman. Les troupes ottomanes, sous la conduite de Khayr ad-Din Barberousse, livrent la ville au pillage. Charles Quint, appelé à la rescousse par les dirigeants européens menacés par l’avancée ottomane en Méditerranée, prend la ville le 6 août 1535 et rétablit le souverain hafside. Face aux difficultés rencontrées par ce dernier, l’Ottoman Uludj Ali reprend Tunis en 1569. Toutefois, à la suite de la bataille de Lépante en 1571, les Espagnols parviennent à reprendre la ville et rétablissent le souverain hafside. Après de nouveaux combats, la ville tombe finalement aux mains des Ottomans en août 1574.
Devenu une province ottomane gouvernée par un pacha nommé par le sultan ottoman basé à Istanbul, le pays accède rapidement à une certaine autonomie (1591). Sous le règne des deys puis des beys mouradites, la capitale prend un nouvel essor : sa population grandit grâce à de multiples apports ethniques, dont les Maures chassés d’Espagne, et les activités économiques se diversifient. Aux industries traditionnelles et aux échanges avec les pays lointains s’ajoute la course qui connaît alors son âge d’or. Les profits assurés par le rachat des esclaves chrétiens permettent également aux souverains d’élever des constructions fastueuses qui renouvellent la parure monumentale héritée du Moyen Âge.
Avenue Bourguiba
Au début du XVIIIe siècle, la Tunisie entre dans une nouvelle période de son histoire avec l’avènement de la dynastie des Husseinites. Dans ce cadre, de multiples initiatives émanant des princes se succédant au pouvoir ou de hauts dignitaires apportent de nombreuses retouches urbaines qui renouvellent et enrichissent la parure monumentale de la ville. Durant cette période, la ville prospère à nouveau comme centre de commerce mais aussi de piraterie jusqu’au XIXe siècle, période durant laquelle sa population est évaluée, selon les différentes sources, sur une échelle allant de 90 000 à 110 000 habitants. Profitant des dissensions internes à la dynastie, les Algériens s’emparent de Tunis en 1756 et placent le pays sous tutelle. Au début du XIXe siècle, Hammouda Pacha doit faire face aux bombardements de la flotte vénitienne mais réussit à se défaire de la tutelle algérienne et dissout la milice des janissaires après une révolte en 1811. Sous le règne de Hussein II Bey, les victoires navales des Anglais (1826) et des Français (1827) mettent fin à la course, privant le pays des revenus en découlant.
Pendant le demi-siècle qui va de la conquête de l’Algérie au traité du Bardo, des colonies européennes, de plus en plus nombreuses chaque année, viennent grossir la population tunisoise. En conséquence, l’organisation spatiale de la ville est remise en cause par les premières démolitions des remparts, à partir de 1860, et l’ouverture des portes dès 1870.
La cité s’étend dès lors hors de ses murs, entre la médina et les rives du lac, pour accueillir les nouvelles populations et reçoit les premiers équipements modernes en matière d’adduction d’eau (1860), d’éclairage au gaz (1872), de voirie, de l’enlèvement des ordures ménagères (1873) ainsi que de communications avec la proche banlieue et l’arrière-pays.
En marge de l’artisanat et du commerce traditionnels qui déclinent, les nouveaux venus développent les échanges avec l’Europe, introduisent les premières industries modernes et acclimatent ainsi sur les marges de la cité arabe de nouvelles formes de vie urbaine.
Le lac de Tunis
L’année 1881, qui est celle de l’instauration du protectorat français, marque un tournant dans l’histoire de Tunis. La cité entre dans une ère de mutations rapides qui la transforment profondément en deux ou trois décennies.
Après les deux guerres, l’industrialisation de la capitale s’accélère mais ne permet pas de subvenir aux besoins d’une population en pleine croissance. Du même coup, les contrastes au sein de la ville s’accentuent.
Lors de l’indépendance du pays en 1956, Tunis est confirmée dans son rôle de capitale. Dans un laps de temps très court, les changements se succèdent et transforment la ville coloniale. Les Européens qui voient leurs conditions de vie bouleversées se résolvent progressivement au départ. Au fur et à mesure, les Tunisiens les remplacent et la population de l’agglomération continue de croître. L’opposition entre la ville arabe et la ville européenne s’atténue progressivement avec l’arabisation de la population.
Sous la pression démographique, la ville s’étend encore avec la création de nouveaux quartiers qui englobent peu à peu les banlieues les plus proches. Les équipements hérités du protectorat sont progressivement renouvelés et modernisés et de nouvelles constructions enrichissent le paysage urbain. Dans le même temps, une politique active d’industrialisation développe l’économie municipale. Le 12 juin 1979, Tunis devient le siège de la Ligue arabe après la signature par l’Égypte des accords de Camp David avec Israël. Elle le restera jusqu’au 31 octobre 1990.
Architecture
La médina, bâtie sur une colline aux pentes douces descendant vers le lac de Tunis, est le cœur historique de la cité et abrite de nombreux monuments dont des palais, tels le Dar Ben Abdallah et le Dar Hussein, le mausolée beylical de Tourbet El Bey ou encore de nombreuses mosquées dont la grande mosquée Zitouna. Autrefois enserrée dans ses fortifications aujourd’hui en grande partie disparues, elle est encadrée par les deux faubourgs populaires de Bab Souika au nord et Bab El Jazira au sud.
Au début du XXIe siècle, la médina est l’un des ensembles urbains traditionnels les mieux préservés du monde arabe. Architectures domestiques (palais et maisons bourgeoises), officielles et civiles (bibliothèques et administrations), religieuses (mosquées, tourbas et zaouïas) et de services (commerces et fondouks) présentent une grande porosité malgré un zonage clair entre les commerces et l’habitation.
Ses nombreux monuments mêlent les styles de l’Ifriqiya aux influences andalouses et orientales mais empruntent également certaines de leurs colonnes ou leurs chapiteaux aux monuments romains ou byzantins, l’architecture arabe n’étant caractérisé que par l’emploi de l’arc brisé et légèrement outrepassé.
Ce patrimoine architectural est également omniprésent dans les maisons de particuliers et les petits palais des personnalités officielles aussi bien que dans le palais du souverain à la kasbah. Toutefois, rares sont les palais et demeures qui remontent au Moyen Âge, contrairement aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles qui ont légué des maisons prestigieuses telles que le Dar Othman, le Dar Ben Abdallah, le Dar Hussein, le Dar Chérif ainsi que d’autres maisons plus ou moins vastes et richement décorées. On dénombre également plusieurs palais élevés par les beys ou des membres de leur entourage dans la banlieue de Tunis, tels que La Marsa, le Bardo et Ksar Saïd.
Dar Ben Abdallah
Au contraire d’Alger, Palerme ou Naples, son cœur historique n’a jamais souffert de grandes catastrophes naturelles ou d’interventions urbanistiques radicales. Les principaux outrages qu’a subi la médina remontent à l’époque suivant l’indépendance du pays avec la destruction de l’enceinte et la précarisation de l’habitat. C’est la raison pour laquelle la médina est inscrite en 1979 au patrimoine mondial de l’Unesco. Par ailleurs, le long des boulevards créés sur l’emplacement des anciens remparts, l’apport architectural de la période 1850-1950 se fait sentir dans les bâtiments officiels, la médina accueillant neuf ministères et le siège de la municipalité de Tunis.
Les souks constituent un véritable réseau de ruelles couvertes et bordées de boutiques de commerçants et d’artisans groupées par spécialités. Les métiers « propres » sont situés près de la mosquée Zitouna car ils ne suscitent aucune nuisance par l’odeur, le bruit ou l’usage de l’eau. Les marchands d’étoffes, les parfumeurs, les marchands de fruits secs, les libraires et les marchands de laine sont concernés au contraire des tanneurs, poissonniers, potiers et forgerons qui sont relégués à la périphérie. Il existe ainsi une hiérarchie codifiée des métiers : le commerce des chéchias, celui des parfums, le tissage de la soie, la sellerie, la confection des vêtements, la fabrication des babouches, le tissage, la poterie et enfin les forgerons et les teinturiers.
Souvent endommagée voire totalement détruite au cours du Moyen Âge, l’enceinte conserve toujours son tracé d’origine. Elle était parsemée de différentes portes. Au début du règne des Hafsides, deux nouvelles portes sont percées au XIIIe siècle. Avec le développement de la capitale, deux faubourgs émergent à l’extérieur des remparts : Bab El Jazira et Bab Souika. C’est pourquoi, le souverain hafside Abû Darba Muhammad al-Mustansir al-Lihyânî ordonne, au début du XIVe siècle, la construction d’une seconde enceinte englobant la médina et ses deux faubourgs extérieurs. Elle est dotée de six portes. À l’époque ottomane, quatre nouvelles portes sont ouvertes.
Bab el Bhar, ou Porte de France
Comme dans le reste de la Tunisie, une très large majorité de la population tunisoise (aux environs de 98 %) est de confession musulmane sunnite. La capitale abrite donc un très grand nombre de mosquées de différents styles architecturaux, signes de leurs époques de construction respectives. La principale et la plus ancienne d’entre elles, la mosquée Zitouna, bâtie en 732 au cœur de la médina puis entièrement rebâtie en 864, est un prestigieux lieu de culte et, pendant longtemps, un important lieu de culture et de savoir en abritant les locaux de l’Université Zitouna jusqu’à l’indépendance de la Tunisie. Il accueille encore les cérémonies marquant les principales dates du calendrier musulman auxquelles assiste régulièrement le président de la République.
La présence d’églises à Tunis témoigne de la présence française pendant un demi-siècle mais aussi des échanges de Tunis avec le reste du bassin méditerranéen. Tunis est par ailleurs le siège de l’archidiocèse de Tunis dont l’archevêque siège dans la cathédrale Saint-Vincent-de-Paul, édifiée en 1897. À celle-ci s’ajoutent un réseau d’édifices catholiques, dont l’église Sainte-Jeanne-d’Arc, mais aussi protestants avec l’église réformée et l’église anglicane Saint-Georges. La petite communauté orthodoxe est quant à elle regroupée autour de l’église grecque orthodoxe (1901), gérée par l’ambassade de Grèce, et de l’église russe orthodoxe (1956) qui témoigne de la présence en Tunisie d’une petite colonie de réfugiés russes blancs.
Le judaïsme bénéficie quant à lui d’une très longue tradition de présence dans la ville malgré l’émigration d’une grande partie de la communauté après l’indépendance. Parmi les sept lieux de culte juifs qui subsistent encore, la Grande synagogue de Tunis, édifiée à la fin de la première moitié du XXe siècle en remplacement de l’ancienne Grande synagogue démolie dans le cadre des travaux de réaménagement du quartier juif de la Hara, est le principal d’entre eux.
D'après Wikipédia