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Lucio Fanti a peint la nature, des eaux et des ciels inquiétants, des arbres et des pylônes, des " nénuphars urbains ", des ceps de vigne et de gigantesques grains de raisin. Il a aussi détourné l'imagerie soviétique et bâti des châteaux de cartes et des labyrinthes. Autant d'œuvres qui valurent à cet Italien arrivé en France en 1965 les éloges de Régis Debray, de Jorge Semprun, d'Althusser ou d'Italo Calvino. Entre autres. Dans tout cela l'homme n'apparaissait guère. Ou à peine : un buste, une statue, des fantômes, des pantins.
Et les animaux ? Ils n'étaient pas mieux représentés : tout juste un taureau dans la nuée, les ombres de deux chiens devant une grappe de raisin, des chiens vus de dos que l'on retrouve ici absorbés dans la contemplation d'un coucher de soleil ou dans celle de la voûte étoilée. Ils font irrésistiblement penser au " Paysage du soir avec deux hommes " de Caspar David Friedrich, le maître de la peinture romantique allemande que Lucio Fanti aime beaucoup. Cependant il n'insiste pas. Romantique, lui ? Certes, mais de l'espèce originale des ironistes. L'énigme d'un paysage ou le silence des espaces infinis le touchent ? Il y plante des animaux et intitule ses aquarelles "Le sentiment de la nature " ou " Chien devant Le Grand Chien ".
Mais revenons aux animaux. Absents des tableaux, ils importaient pourtant à leur auteur qui confesse avoir " un petit côté misanthrope " et " une grande tendresse pour tout ce qui n'est pas les hommes ". Au point, voici des années, d'imaginer et de déposer le projet d'un journal titré " Le chien diplomatique " où l'on ne trouverait de nouvelles que du monde animal. C'était, à sa manière très personnelle, sans peser ni poser, aborder la question de notre relation avec les animaux. De les reconnaître.
De cet humour omniprésent, il ne faudrait pas conclure à une quelconque désinvolture de Lucio Fanti, en particulier dans l'exécution. À contre-courant une fois de plus, il revendique une réalisation classique, académique même. Ici, la référence ultime est le " Lièvre " de Dürer. C'est qu'il s'agit pour Fanti de représenter un sujet et non d'en donner une interprétation. En peignant un iris, il ne cherche pas sa peinture, mais la fleur même, " une merveille de la nature en soi ". Ensuite il surmonte l'iris d'une abeille, insecte hautement symbolique qu'on ne remarque pas d'emblée. Là pourtant est le secret de cette image, dans ce détail qui devient primordial puisqu'il lui donne son titre, " L'abeille ".
On se souvient alors de ces peintres qui au XVème et au XVIème siècle plaçaient une minuscule mouche sur leurs tableaux. Témoignage de virtuosité, la " musca depicta" (la mouche peinte) signifiait aussi l'éphémère et faisait du tableau une " vanité ". Lucio Fanti y a probablement songé.
Mais peut-être n'est-ce là que conjecture, délire d'interprétation. C'est un autre des jeux auxquels convie cette exposition.
Marie-Françoise Leclère, 2016
FLAIR Galerie, 11 rue de la Calade, 13200 Arles. Tél: + 33 9 80 59 01 06. Portable: + 33 6 20 75 13 58
Du mardi au samedi de 11h à 13h et de 15h à 19h et sur rendez-vous