Évolution des goûts musicaux de 1960 à 2015

Publié le 25 août 2016 par Rocknrank

Des passionnés de musique à notre image chez Rocknrank ont développé un outil remarquable permettant de connaître semaine après semaine les artistes ayant inscrit un single dans le top 5 du Billboard US. Cet organisme qui recense et classe les ventes de disques physiques et numériques est LE classement hebdomadaire de référence des hits aux USA du numéro 1 au numéro 200.

Nous avons poussé le bouchon un peu plus loin en visualisant semaine après semaine 50 années de hits entre 1960 et 2010. Afin de voir comment avaient évolué les goûts musicaux des américains. Et le résultat est on ne peut plus instructif.

Voici par tranche de 5 ans les 10 artistes les plus populaires.

A lire de la manière suivante : le chiffre figurant aux côtés du nom de l'artiste ou du groupe indique le nombre total de semaines où ce dernier à placé un de ses singles en position numéro 1 des charts.

1960-1965

Quatre artistes Black dans le top 10. Des pointures old school (Bobby Vinton, Four Seasons, Percy Faith) en fin de règne. Et la domination bicéphale du King et des quatre petits gars venus de Liverpool. Une période encore marquée par les "chanteurs à maman et papa", par les registres de chansons populaires mais qui voit peu à peu le rock and roll émerger puis s'imposer ainsi que la soul music avec Ray Charles et The Supremes où évoluent une jeune Diana Ross. The Everly Brothers quant à eux représentent le mouvement folk et country.

1965-1970

Les Beatles règnent sans partage alignant un record de 19 singles en tête des charts sur un total de 39 semaines! Les Stones, sur la deuxième marche du podium, en alignent 7. Les Monkees (premier groupe totalement préfabriqué de l'histoire) ne sont pas en reste. Cette période 1965-1970 est qualitativement la meilleure de l'histoire. L'âge d'or.

Si ce top 10 masque quantité d'artistes et groupes de haut vol, il n'en reste pas moins le plus riche artistiquement parlant. Beatles, Stones, Simon & Garfunkel, Sly & The Family Stone, Marvin Gaye... La grande classe. Ceux qui font figure d'inconnus aujourd'hui comme Zager & Evans ou The Association sont des "one hit wonders". Si le rock domine encore les charts, la soul music est toujours en bonne place pendant que Simon & Garfunkel font la part belle au genre folk.

Anomalie : The Who qui vendent 20 millions de disques pour leur album opéra rock "Tommy" ne s'immiscent pas côté performance singles dans le hit parade US. 1970-1975

Les choses commencent à bouger... Les charts sont davantage métissés : soul et funk avec Roberta Flack, Jackson 5, Sly & The Family Stone... Folk et country music avec Ray Stevens, Simon & Garfunkel... Pop avec Cher et The Carpenters... Rock avec les oubliés de Three Dog Night...

Pas de domination réelle, pas de grosse cylindrée raflant la mise. La compétition est beaucoup plus équilibrée que par le passé.

Étonnamment, les gros vendeurs d'albums rock des seventies ne squattent pas les charts à singles :
Pink Floyd - Dark side of the moon - 55 millions d'albums vendus - 3ème album le plus vendu de tous les temps
Led Zeppelin - Led Zeppelin IV - 37 millions d'albums vendus - 10 ème album le plus vendu de tous les temps
Carole King - Tapestry - 25 millions d'albums vendus
Elton John - Goodbye Yellow Brick Road - 31 millions d'albums vendus
1975-1980

La période qui marque l'avènement du disco. Les Bee Gees qui ont délaissé leur atours pop sixties pour se muer en chanteurs à pattes d'elfes trustent le haut du pavé avec pas moins de 23 semaines au compteur Voire 36 si l'on agrège Andy Gibb, l'un des 3 frères Bee Gees menant une carrière solo adjacente. Donna Summer et le disco funk de Chic complètent la domination de ce nouveau genre.

Rod Stewart, affranchi des Faces au profit d'un rock à paillettes, entame une carrière solo le propulsant au firmament avec 12 hits dans la besace. Paul McCartney réussit quant à lui haut la main la mise en orbite de son second groupe rock avec les Wings aux côtés de sa chère et tendre Linda McCartney.

Ces 5 années qui virent aussi l'avènement du punk et du garage rock ne placent pourtant aucun artiste majeur de ce courant dans le saint graal des singles à l'exception de Blondie. Exit les Clash et Sex Pistols par exemple. Même constant pour le reggae avec Bob Marley & The Wailers.

Quant aux gros vendeurs rock ayant tous sorti un disque excédant les 20 millions d'unités vendues, on ne les retrouvera pas dans le top 10 non plus :
Meat Loaf - 43 millions de copies - 5ème plus grosse vente de disques de tous les temps
Fleetwood Mac - Rumours - 40 millions de copies écoulées - 8ème plus grosse vente de disques de tous les temps
Pink Floyd - The Wall - vendu à 30 millions de copies
Boston - Boston - vendu à 20 millions de copies
Supertramp - Breakfast in America - 20 millions également
Blondie - Parallel Lines - 20 millions également
1980-1985

Ça commence à sortir un peu plus la variétoche... MTV débarque en 1984, le clip devenant le meilleur allié du single pour l'imposer en dehors de la sempiternelle bande FM. On notera aussi que pour la première fois depuis 1965 et l'émergence des formations soul & rock, les artistes solos sont plus nombreux que les groupes dans le top 10 soit 7 sur 10. Cette domination des artistes solos se poursuivra sans faillir jusqu'à aujourd'hui.

Paul McCartney est décidément le roi des rois. Beatles, Wings et maintenant en solo, Sir Paul aligne un impressionnant total de 16 semaines en tête des charts entre 1980 et 1985. Diana Ross, marraine musicale de Michael Jackson, est la Beyonce de l'époque. Sauf que la diva ne faisait pas semblant de chanter et gesticuler sur scène... Le jeune Jacko, libéré du carcan fraternel des Jackson 5, fait une entrée solo fracassante grâce à l'immense succès de "Thriller".

Blondie et The Police incarneront la caution rock dont le genre s'est profondément délité depuis la fin des années 70. Preuve en est la mauvais goût incarné par Daryl Hall & John Oates, dignes parrains d'un genre rock abominable à la Bon Jovi...

En revanche, pas de trace des grosses cylindrées rock de l'époque avec :
ACDC - Black in Black - 50 millions de galettes vendues soit la 2ème meilleure vente d'albums de l'histoire derrière "Thriller" de Michael Jackson !
Bruce Springsteen - Born in the USA" - 30 millions d'unités
Prince - Purple Rain - 20 millions de disques

Pour ceux qui s'interrogent : Olivia Newton-John, surfant sur le succès de "Grease" enchaîne pas moins de 14 semaines en première marche du podium sur la période, entre pop et country, loin du tumulte disco du film.

1985-1990

Quand on parlait de Bon Jovi... Les voici en vaisseau amiral rock (hum). Dur... Les années MTV triomphent avec Madonna, George Michael, la fratrie Jackson et la nouvelle prêtresse black en la personne de Whitney Houston. Les reconversions solo paient : George Michael après Wham, Phil Collins après Genesis.

Dire Straits écoulera 33 millions de copies de "Brothers in Arms" porté par le hit "Sultan of Swings" mais ce dernier ne fait pas irruption dans le classement. Comme quoi il n'y a pas de rationnel arithmétique en musique. Même illogisme implacable avec "Appetite for Destruction" des Guns N'Roses (30 millions de ventes), "Joshua Tree" de U2 (28 millions) et l'album éponyme de Tracy Chapman (20 millions).

Huey Lewis and the News ? Les géniteurs de la bande son de "Retour vers le Futur". Cartons assuré dans les charts.

1990-1995

On commence à toucher le fond les amis... Apparition des Boys Bands... Règne sans partage des nouvelles divas pop totalisant à elles trois pas moins de 60 semaines de domination US en 5 ans... Bryan Adams en nouvel étendard rock, à pleurer... UB40 et son reggae naphtaline. La seule rigolade est à mettre au gré de Kris Kross propulsés par leur hit "Jump" en 1992 qui caracole en tête des charts pendant 8 semaines. C'est la première fois que le hip hop marque sa domination dans les charts. Et ce n'est que le début.

Côté rock, Metallica écoule 30 millions de copies du "Black Album", Nirvana et "Nevermind" également. "Dookie" de Green Day affiche 20 millions de ventes. Mais aucun de ces 3 groupes ne paradent longuement dans les single charts US. Quant à Eric Clapton, si son album MTV UNplugged cartonne avec la bagatelle de 20 millions de disques vendus, son incursion dans les charts singles US demeure hors-jeu 1995-2000

Lady Diana nous quitte et Elyon John surfe sur la vague "Candle in the Wind". Mariah Carey est inarrêtable, insatiable, multipliant les records à la tête des charts. Rap et Hip-Hop mettent la main mise sur MTV, les radios et les charts. Le canular estival de la "Macarena" envahit les ondes. La Black music est partout. Puff Daddy triomphe avec sa reprise de "I'll be missing you" de The Police. Ironie du sort, aucun artiste rock ne figure dans le classement. Quant à Santana, le phénix renaît de ses cendres avec un album convoquant tous les genres possibles. On est cependant très loin de son épopée rock à Woodstock 30 ans plus tôt...

La britpop qui déferle au Royaume-Uni, Japon et quelques pays d'Europe ne se matérialise pas ici dans le Billboard US. A l'image d'Oasis (22 millions de ventes pour "What's the story morning glory?"), The Verve, Blur ou encore Stereophonics. Ni même le folk rock d'Alanis Morrissette qui séduit pourtant 33 millions d'acheteurs en 1995 avec "Jagged Little Pills" et se classe comme la 11ème meilleure vente de tous les temps dans la catégorie albums.

2000-2005

Ce nouveau quinquennat ne diffère en rien du précédent ou presque. La musique rock adulée autrefois par les WASP est hors des radars. Black music, rap, hip-hop et R'n'B ont définitivement pris le relais. Le rock ne sera plus qu'affaire de maquisards et fin connaisseurs malgré quelques gros succès qui ne transparaissent pas ici : Red Hot Chili Peppers, Radiohead, Coldplay, Muse, Green Day (on brasse large...) et les diarrhées qualifiées outrageusement de rock que sont ou furent les Sum 41, Blink 182 ou Limp Bizkit.

Beyonce fait son incursion dans l'arène pour 10 ans. Non sans savoir préalablement cartonné avec ses coreligionnaires de Destiny's Child. Eminem et 50 Cent, les nouveaux Caïn & Abel de la musique, s'affrontent de part et d'autre, le petit gars d'Eight Miles concédant une semaine de règne au bodybuildé tatoué. Loin derrière Usher, nouvel empereur R'n'B.

On en aurait même oublié Norah Jones, qui fort de son album jazz/soul/folk/blues "Come way with me" écoulé à 25 millions d'unités, ne transperce pas ce top 10. Quant au revival garage rock porté à l'époque par les Libertines, Hives, Strokes et autres White Stripes, cela reste cantonné à un club de plus en plus fermé.

2005-2010

Triomphe absolu de la Black music. Seul un artiste blanc émerge du lot en la personne de Justin Timberlake. Les artistes solos raflent tout à l'exception des Black Eyed Peas. Seuls à bord quand ils étaient deux à truster le classement 5 ans plus tôt (les excellents Outkast et Destiny's Child). Signe des temps ? L'artiste égale une Marque à part entière. Victoire totale (et définitive ?) du marketing ?

Le rock est en phase terminale. Aucun groupe excepté Coldplay ne vend en masse ses albums. Le R'n'B et le hip hop inondent tels un blitzkrieg l'industrie du disque. La guitare devient relique. Un objet du passé. Le rock à guitares est devenu underground (tant mieux ?). Etre rock à ce moment là s'apparente à un combo néo-new wave à l'image des Vampire Weekends, 2 Doors Cinema Club ou autres Phoenix. Dans l'ombre, dans la cave, en dehors du mainstream tapissent les Ty Seagal & autres "desperados" du genre. 2005-2010

RAS. La seule chose que l'on peut dire est que dans 30 ans ou 50 ans, les Beatles, Stones, Pink Floyd, Michael Jackson seront toujours là mais certainement pas les 9 artistes ci-dessous si l'on met Eminem de côté qui dans son genre a imposé sa pierre à l'édifice musical au sens large.