A quand la fin de l'impunité pour les commentateurs sportifs?

Publié le 23 août 2016 par Podcastjournal @Podcast_Journal
Rédacteurs et stagiaires: cliquez sur cette barre pour vous connecter en back-office de la rédaction! Recherche par tags (mots-clés) Recherche d'évènements (agenda) Si la contestation s'est faite entendre suite aux propos scandaleux entendus pendant les Jeux Olympiques, cela fait bien longtemps que les amoureux de sports voient leur plaisir gâché par des commentateurs aux propos dérangeants.

Alors qu'il était le commentateur attitré de l'équipe de France de football entre 1962 à 2005 le journaliste sportif de TF1, Thierry Rolland fut l'auteur de plusieurs dérapages restés célèbres. Le plus connu étant sûrement celui visant Ali Benaceur, l'arbitre de la rencontre Argentine - Angleterre de la Coupe du monde 1986: "Honnêtement, Jean-Michel, ne croyez-vous pas qu'il y a autre chose qu'un arbitre tunisien pour arbitrer un match de cette importance?" Par la suite, celui qui a partagé son micro pendant 25 ans avec Jean-Michel Larqué s'est notamment fait remarquer lors de la Coupe du monde 2002 lorsqu'il expliquait "qu'Il n'y a rien qui ressemble plus à un Coréen qu'un autre Coréen" ou encore lorsqu'il encourage un joueur français contre le Sénégal: "il se bat Vieira, contre ses cousins".

Malheureusement, Thierry Rolland n'avait pas le monopole de ce type de remarques. Lors de la Coupe du monde 2010, Xavier Gravelaine s'était tristement illustré en regrettant qu'il y ait "toujours un pied ghanéen qui empêche les Allemands de trouver la solution finale". Tout comme Franck Lebœuf, pour qui "l'Afrique du sud, c'est pas vraiment l'Afrique... en tout cas, les puristes le disent". Lors des Jeux Olympiques d'hiver de Sotchi en 2014, France Télévisions avait reçu une "mise en garde ferme" de la part du CSA suite au sexisme décomplexé manifesté par Philippe Candeloro. Celui-ci avait déclaré à propos d'une patineuse: "Je connais un anaconda qui serait bien allé embêter cette Cléopâtre canadienne. (...) Vous pourrez lui dire que c'est pas la seule à être excitée, elle a un joli sourire." Enfin, alors que certains se ridiculisent seuls, d'autres préfèrent le faire en groupe, comme les journalistes de France 2 qui s'amusaient des origines du tennisman japonais Kei Nishikori, lors de l'édition 2015 de Rolland-Garros, comme en témoigne la vidéo ci-dessous.
Loin d'apprendre de leurs erreurs, les journalistes de France Télévisions se sont encore tristement illustrés lors des Jeux Olympiques de Rio. Dès la cérémonie d'ouverture, Daniel Bilalian a interprété une chorégraphie comme un symbole du "trafic d’esclaves qui a été nécessaire ici pour le développement industriel et surtout agricole de l’époque". Quelques jours plus tard le consultant Thomas Bouhail comparait la joie des gymnastes japonaises à "un petit manga, y a tous les petits personnages qui sont contents. On se croirait vraiment dans les dessins animés. Des petits Pikachus de partout, et tac-tac-tac-tac".

Des commentaires qui ont provoqué l'ire des téléspectateurs, qui n'ont pas manqué de manifester leur mécontentement sur les réseaux sociaux. Une colère qui a trouvé son écho dans de nouvelles plaintes déposées auprès du CSA. Ainsi le CRAN (Comité Représentatif des Associations Noires) et plusieurs groupes de téléspectateurs ont saisi le CSA pour dénoncer ces propos "colonialistes" et "xénophobes". Pourtant, une fois encore, la réponse apportée par France Télévisions n'était pas celle attendue. Si Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions, a exprimé ses "regrets", le CRAN a fait part de sa "circonspection" devant cette réaction. L'organisation a même rédigé un communiqué, dans lequel elle affiche clairement ses doutes: "Mme Ernotte a exprimé ses regrets, mais elle l’a fait si tard qu’on se demande si elle était plus embarrassée par la polémique qui enflait, ou par les propos en eux-mêmes".

Pourtant, bien déterminé à endiguer ce phénomène, le CRAN a obtenu un rendez-vous avec la présidente de France Télévisions. Leur but est de proposer des solutions concrètes afin que la parole raciste et sexiste n'ait plus sa place sur les plateaux de télévision. Une première avancée qui en appelle d'autres, mais qui nécessite surtout une large remise en cause du monde audiovisuel, qui devrait songer à limiter la liberté de ton accordée à ses commentateurs.