Un film de Roman Polanski (1965 - UK) avec Catherine Deneuve, Yvonne Furneaux, John Fraser - en N.B.
Oppressant... dingue...
L'histoire : Carole, française, vit avec sa soeur aînée à Londres, et travaille dans un institut de beauté. Très timide, solitaire, effarouchée, elle a une aversion de plus en plus prononcée pour les hommes, au fur et à mesure qu'ils se font plus pressants, car elle est très belle. Elle a un amoureux, comme tout le monde, mais elle le regarde comme une bête curieuse, obligée de jouer le jeu de la société, mais reste dans l'incapacité de se résoudre à une vraie relation. Elle l'éconduit constamment, elle ne parle pas, elle déteste ses baisers...
Mon avis : J'imagine que pour l'époque le film était sacrément d'avant-garde. Caméra qui multiplie les effets, plongée, contre-plongée, travellings circulaires, les pièces qui paraissent immenses, ou bien toutes petites, selon le ressenti de l'héroïne, les fissures dans le mur, le lapin écorché qui pourrit dans une assiette... toutes les techniques pour faire du personnage un OVNI, ce qu'il est, et nous filer la chair de poule. Sans oublier le bruitage, lancinant, constant, énervant : le tictac du réveil, les gouttes d'eau, la musique rythmique, répétitive, l'absence de dialogues... Un vrai cauchemar ! Nous sommes en plein dans les méandres de la folie et suivons le parcours d'une jeune femme, probablement schizophrère, qui sombre à l'intérieur d'elle-même et commence à multiplier hallucinations et pulsions de mort.
Je dis "probablement schizophrène", car on ne sait pas, et on ne saura pas, l'origine des troubles. Ce n'est pas le sujet. On a bien une photo de famille, que Roman nous montre à plusieurs reprises, rapidement, mais efficacement, où l'on voit Carole, petite fille, au milieu de sa famille. Ils sourient tous au photographe. Elle regarde ailleurs, extatique, possédée, troublante. Traumatisme de l'enfance (viol, inceste ?), maladie mentale... Le mystère reste entier, et c'est sans doute encore plus flippant.
Car son parcours à l'écran reste fascinant et Deneuve est parfaite (déjà !) : la plus jolie jeune fille que l'on ait jamais vue, un visage d'ange, de longs cheveux blonds, une timidité extrême, une petite fille fragile et douce que tout le monde rêve de protéger et de câliner. Mais à l'intérieur de sa tête, un abîme. Que personne ne pressent. On la trouve bien un peu bizarre, un peu trop farouche... mais ces années-là, les psys n'étaient pas encore à la mode, pire : c'était la honte de les consulter. On sent que la soeur aînée tente de se persuader : "Non, ma petite soeur n'est pas folle".
Chaque agression, du moins ressentie comme telle par Carole, la pousse un peu plus dans ses retranchements. Jusqu'au point de non retour. Son enfer est paranoïaque, les hommes lui veulent tous du mal, de plus en plus, et elle n'a plus d'autre choix que de se défendre. Au rasoir.
Histoire hallucinante et hallucinée de la folie. Un thème cher à Polanski, qui lui-même a vécu un long cauchemar, enfant juif polonais, pendant l'occupation allemande... Il avait à peine trente ans quand il a tourné ce film... Trente ans ! Mon Dieu, moi, à cet âge, je n'étais même pas finie !
Le film fait partie de la "trilogie de l'appartement", des films en quasi huis-clos, dans un appartement : Répulsion, Rosemary's baby, Le locataire, illustrant la claustrophobie, la folie, la paranoïa... et contrairement à ce qu'on croit souvent, Rosemary's baby n'est pas "surnaturel", on ne sait jamais vraiment si les fameux voisins sont vraiment satanistes ou si elle invente tout à partir de sa névrose...
Ce film n'est pas mon préféré du maestro, mais il n'en reste pas moins hyper bon ! A voir absolument.