Depuis des temps immémoriaux, la politique a toujours été le tremplin idéal pour des leaders exceptionnels ou des bouffons invraisemblables, les variations d’époques influant essentiellement sur la quantité des uns et des autres dans chacune des deux catégories. Apparemment, l’époque actuelle semble nettement favoriser les bouffons, ce qui ne rassure pas tant le pays est en proie à des changements profonds et des défis immenses.
Difficile en effet de ne pas compter dans les erreurs tragiques de l’électorat français celui qui tient l’actuel poste de Président de la République. En quatre très longues années d’un quinquennat difficile, il a largement montré qu’on pouvait très bien parvenir à ce poste en jouant la carte de l’élimination des adversaires plutôt que celle de l’amélioration personnelle, de la pertinence d’analyse politique ou celle de la volonté réformatrice.
Vent semé, tempête récoltée puisqu’à présent, plus personne ne semble faire corps derrière lui.
Les Français, d’abord, dont l’enthousiasme à son égard ne cesse de flancher (ces derniers n’accordent que 12% d’opinions favorables au chef de l’État). Là encore, la façon dont le Président gère les affaires du pays explique largement ce désamour : avec cette ingénuité que seuls les grands stratèges (qu’il n’est pas) et les imbéciles peuvent déployer, il a lui-même avoué avoir surtout misé sur la chance pour contrer le chômage, persuadé qu’il était que l’économie, joliment cyclique comme on le lui a enseigné jadis sur les bancs de l’ENA, allait se reprendre et qu’il bénéficierait, quasiment sans rien faire, de la naturelle reprise.
« Pas de bol » pour le tacticien d’opérette : la France, laissée en ruine par Sarkozy, ne se sera pas redressée et aura continué son trajet vers le fond, entraînant avec elle des millions de chômeur et, bien plus tristement pour le petit sire de l’Élysée, ses espoirs de « redresser » une courbe résolument déprimée.
Décidément, en France, la période n’est pas à la découverte de leaders charismatiques, et seuls les parvenus aux dents longues se bousculent pour profiter, à leur tour, de la belle gamelle républicaine ; la liste des prétendants serait déjà suffisante pour amplement prouver le degré de « bouffonnitude » de la politique française, mais apparemment, certain n’entend pas s’arrêter là puisqu’Arnaud Montebourg s’est, lui aussi, lancé dans la course à l’échalote.
Le voilà qui nous propose donc un programme politique, une authentique collection de plaisanteries qu’il aura, comme jadis un autre parti (de sinistre mémoire) dans un autre pays, regroupé en 25 propositions et 4 chapitres. Cette bourde amusante (franchement, Nono, qui – à part des bouffons ou des incultes – ne connaît pas les 25 propositions du NSDAP ?) en dit déjà long sur le sérieux de la candidature de l’histrion qui avait prétendu lâcher la politique (comme Sarkozy en son temps – on en rit encore) lorsqu’il s’était fait jeter d’un gouvernement dans lequel il ne servait objectivement à rien.
Notez qu’on peut comprendre notre homme : peut-être ses affaires, basées avec lucidité sur un arbre à vent (produit idoine s’il en est pour notre avocat brasseur d’air), ne suffisent-elles pas à éponger quelques dettes accumulées depuis plusieurs années ?
En tout cas, voilà notre frétillant bâtonnier se lançant à l’assaut des sommets élyséens du haut d’un petit poney gonflé aux amphétamines : à peine lancé, paf, le voilà sur les sentiers de l’humour involontaire puisqu’Arnaud nous propose son site, hébergé aux Pays-Bas (patriotisme oblige ?), dont certaines pages, poussées à la va-vite par des équipes probablement sous-taillées, ont des URL (celle-ci, par exemple) qui sentent bon le bourrage rapide à base de Lorem Ipsum.
Quant aux propositions et sans plus s’intéresser à leur nombre (25, donc), convenons qu’il s’agit de la suite de la bonne blague socialiste qui dure depuis bien trop longtemps en France : interventionnisme massif et distributions tous azimuts d’argent des autres forment les deux grosses mamelles (ficelles ?) de ce programme qui n’a décidément rien de novateur. La fibre entrepreneuriale de Montebourg se lira dans ses quelques mesures à destination des PME, où, là encore, l’interventionnisme est de mise puisqu’il entend imposer que 80% des marchés publics soient directement dirigés vers les petites et moyennes entreprises françaises. De même, le fier bateleur propose la création d’un « État fort », à base de nationalisations, ce qui constitue un vrai bon gros retour en arrière (de 36 ans) avec les mêmes espoirs de réussite qu’à l’époque.
Bref, ce beau salmigondis de propositions déjà faites, déjà lues, déjà tentées, déjà foirées ne surprendra personne. En réalité, en présentant ainsi sa candidature à la Présidentielle (et en contournant aussi ouvertement les Primaires), le brave Arnaud espère surtout se refaire un nom en politique et, en gênant plus ou moins la candidature de Hollande, espère très probablement pouvoir se désister contre un poste important dans un futur gouvernement si, d’aventure, le président sortant était réélu.
Ce dernier pari est extrêmement risqué, mais il est à mettre en rapport avec les résultats plus que médiocre du politicien dans le monde réel, celui de l’entreprise où des performances et un certain talent sont attendus pour décrocher un poste et justifier un salaire. Le retour en politique du politicien malheureux en affaire n’est donc pas une surprise. Au passage, souhaitons donc une meilleure réussite à Fleur Pellerin, qui se lance elle aussi dans la création d’entreprise, ce qui nous mettra à l’abri, un temps au moins, de ses fulgurances politiciennes.
On le voit : le peuple français se cogne actuellement des brochettes entières d’incompétents vaseux, de roublards de la magouille politico-politicienne et rien ne semble vouloir changer le destin de ce pays qui se choisit comme chefs des dilettantes et des cyniques.
Ce pays est foutu.
Ce pays n’a pas de bol.