Les frères Morvan et Soasica à la Fête de l'été sur la place de la mairie à Pléguien ( FR - 22) - le 19 août 2016
Pléguien: commune rurale du canton de Lanvollon, 1 233 habitants, à 5 km des plages de Saint-Quay-Portrieux.
Le patron du Bar des Sports, situé à 75 mètres de l'église, perpétue la tradition en organisant, après le 15 août, la fête de l'été.
Tout le village et les habitants des localités voisines s'y donnent rendez-vous pour ingurgiter des litres de bière, de cidre ou de vin ( couleur au choix) face à un moules-frites ( saucisses pour celui qui ne digère pas les mollusques) et relater entre amis qui se rencontrent 3 ou 4 fois par ans tous les derniers événements.
En 2016, l'animation musicale précédant le bal est confiée aux frères Morvan, Soasica et The Kov.
19:30' disait le tract, à cette heure, la file au comptoir moules mesurait 98 mètres, à 22:30' , le métreur indiquait encore 43!
Les Frères Morvan ( Henri et Yvon) graviront les marches, bricolées, devant les mener à la scène dressée dans une remorque peu avant 20h., t'as eu le temps de faire la connaissance des barmen.
Les Frères Morvan: ils étaient quatre, agriculteurs, ils ont décidé de former un groupe de chants traditionnels en 1958, Yves s'éteint en 1984 et François en 2012.
Henri et Yvon, 167 ans à eux deux, tiennent le coup, ils ont toujours bon pied, bon oeil et ne dédaignent pas un Lambig vieille réserve à l'occasion.
Pour leur huitième passage à Pléguien, ces mémoires vivantes d'un passé glorieux vont abreuver les jeunes et moins jeunes de chants a capella en kan ha diskan, incompréhensibles pour les non-initiés.
Ils ont déniché leurs nippes chez le même tailleur, malheureusement enterré au cimetière de Saint-Nicodème depuis 1999: une casquette foncée, une chemise à carreaux bleus et blancs, un pantalon noir, des godasses du même ton, il n'y a que la boucle du ceinturon et leur taille qui peut les différencier.
Les pas morveux occuperont le podium par deux fois, deux sets de +/- 25' chacun, un premier chant à danser anachronique et chevrotant, pendant lequel les deux voix se répondent, est suivi par une lamentation interprétée avec simplicité, entrain et conviction.
Si Henri et Yvon, internationalement, sont moins célèbres que les Frères Karamazov, ce n'est pas le cas en Bretagne où tout le monde désire poser à leurs côtés durant l'entracte ou à la fin du show, après une troisième tirade, probablement déjà chantée par leur arrière-grand-mère, un premier danseur, Loïc, deux bouteilles de cidre de Paimpol dans le citron, se met en mouvement sur la place.
Pas résistant, le Travolta local abandonne ses exercices après 2' pour regagner la buvette.
Les frangins ont entamé une quatrième complainte, revoilà Loïc requinqué, il se cherche une partenaire, après 12 invitations poliment refusées, Marie-Rose se laisse débaucher.
La madame te tend la main, lâchement tu te replies vers le bar.
Les ancêtres ont entamé une dernière incantation bretonne voisine d'un chant Cheyenne avant d'aller se restaurer et de boire un coup.
Trente minutes plus tard: "Nous voilà de retour!"
Le scénario n'a pas subi de modifications, toujours des airs a capella sur lesquels les indigènes dansent, un plinn ton doublé, puis vient un rock breton médiéval, un galop favorisant la production laitière des ruminants de l'Argoat et une polka cuculus canorus réclamée depuis 40' par Yvan et Nolwenn.
Le coucou s'est couché, les papies ne comptent pas faire de même, ils saluent l'assistance, se font prendre en photo et retrouvent leurs verres de cidre!
Respect de l'horaire est une notion inconnue dans le coin, après de très longs préparatifs le duo acoustique Soasica prend place sur le podium improvisé.
Les charmantes Soazig Daniel ( chant, guitares) et Jessica Delot ( chant, violon) ont décidé de faire de la route sous l'appellation Soasica en 2014.
Mariages, fêtes, vins d'honneur, concerts dans les bars, les deux jeunes demoiselles de Lannion ont déjà étalé leur talent à plusieurs occasions.
Leur répertoire et constitué de covers anglo-saxonnes ou françaises, de jigs et reels sentant bon la verte Irlande et de quelques compositions signées Soazig.
Elles démarrent par un instrumental fougueux d'inspiration celtique avant de reprendre joliment 'Prayer in C' de Lilly Wood And The Prick, le violon fait merveille, les voix se complètent esthétiquement.
'Hippy Hippy Shake' annonce Miss Delot, tu penses aux Swinging Blue Jeans, erreur il s'agit d'un petit folk gentil tout plein, il est suivi par une première mélodie de leur plume, l'aérien 'Ton absence'.
Major Lazer, 'Lean on' plaît à la jeunesse, la rengaine précède ' Haste to the wedding' dont on recommande la version des Corrs.
Cette gigue endiablée déclenche l'enthousiasme, elle est suivie par une adaptation plaintive de 'Sweet Dreams' de Eurythmics.
Les filles ont la bonne idée de ne pas singer les groupes couverts, mais d'apporter une note personnelle aux thèmes empruntés.
Après le léger 'Serre-moi' de Tryo vient une seconde compo signée Soazig Daniel tenant bien la route , 'Cold Water'.
Dès les premiers accords, Fabrice a reconnu 'Dust in the wind' la ballade de Kansas, après cette incursion chez Trump on revient en Irlande avec une version instrumentale de 'Drunken sailor'.
Pour les fans de Meghan Trainor., 'All about that bass' en mode minimaliste, puis elles enchaînent sur une ballade, 'So long ago' écrite not so long ago par la demoiselle à la guitare.
S'attaquer à ' Talking about a revolution 'de Tracy Chapman, ce n'était peut-être pas une si bonne idée, la version Soasica était bien plus lisse que l'original.
Tu t'étais dit que oser ' Smells like teen spirit' était encore plus audacieux, les filles s'en tirent bien et l'audience répond avec enthousiasme.
Toute la Bretagne adore 'Santiano' que Hugues Aufray a enregistré en 1961 en adaptant un sea shanty antique.
Elles terminent par une dernière gigue fougueuse, accueillie avec ferveur, avant de céder la place aux suivants.
Pléguien réclame un bis, il aura les couleurs d'un reel emmené par un violon fébrile.
Sympa ce concert, les filles sont énergiques, souriantes, le potentiel est bien présent même si tout n'était pas parfait, notre monde l'est-il?
Pas le courage d'attendre le concert de The Kov, direction la couche conjugale!