Cela apporte la preuve contraire à la croyance largement répandue que cette ancienne civilisation a été détruite par la guerre.
D'après Carl Lipo, professeur d'anthropologie à l'Université de Binghamton et chef de l'étude, l'histoire traditionnelle sur Rapa Nui affirme que les habitants, avant l'arrivée des européens, étaient à cours de ressources et que cela engendra d'importantes luttes qui ont conduit à l'effondrement de leur société.
L'un des éléments de preuve utilisés pour supporter cette théorie étaient les milliers d'objets triangulaires en obsidienne découverts à la surface, appelé mata'a. En raison de leur grand nombre et comme ils étaient fait de verre tranchant, beaucoup on cru que ces mata'a étaient des armes de guerre utilisées par les anciens habitants de l'île.
Images de différents mata'a. Photo: Carl Lipo, Binghamton University
Lipo et son équipe ont analysé la variabilité des formes de plus de 400 photos de mata'a trouvés sur l'île, en utilisant la morphométrie. Cette technique leur a permis de caractériser les formes de manière quantitative.
En se basant sur la grande variabilité des formes de ces objets et sur leur différence avec les d'autres armes traditionnelles, l'équipe en a conclu que les mata'a n'avaient pu être utilisés dans les conflits, car cela aurait fait des armes de piètre qualité.
"Nous avons découvert que lorsque l'on regarde la forme de ces objets, ils ne ressemblent pas du tout à des armes" rapporte Lipo, "lorsqu'on les compare aux armes européennes ou aux armes trouvées n'importe où ailleurs dans le monde utilisées pour la guerre, leurs formes sont très systématiques. Elles doivent être très efficaces au risque d'être tué."
"On peut utiliser n'importe quoi comme pointe. Tout ce que l'on a peut être une arme. Mais dans des conditions de guerre, les armes doivent avoir des caractéristiques performantes. Et elles doivent être soigneusement façonnées à cet effet, car cela importe. On peut couper quelqu'un avec un mata'a, mais la blessure ne sera jamais mortelle".
Selon Lipo, cette preuve supporte fortement l'idée que l'ancienne civilisation n'a jamais connu ces combats ou guerres souvent théorisés. Et la croyance que les mata'a étaient des armes utilisées lors de l'effondrement de la civilisation est une interprétation européenne tardive des données, et non un fait archéologique réel. "Ce que les gens pensent traditionnellement à propos de l'île est qu'elle est l'île de la catastrophe et de l'effondrement, or cela n'est pas vrai dans un sens pré-historique. Les populations ont prospéré et vécu durablement sur l'île jusqu'au contact avec les Européens." ajoute-t-il.
Lipo et son équipe pensent que les mata'a se trouvent partout dans le paysage car ils étaient en réalité des outils utilisés dans des tâches rituelles comme le tatouage ou dans des activités domestiques comme la récolte de plantes. "Nous avons essayé de mettre l'accent sur les petits morceaux de preuve individuels qui soutiennent le récit de l'effondrement afin de démontrer qu'il n'y a vraiment rien qui soutienne cette hypothèse. Ces éléments sont un pilier d'une étude plus large soutenant le fait qu'il s'agit d'une société étonnante qui a vraiment réussie.
Ça ne ressemble pas à de la réussite parce que nous voyons des champs de pierres, nous pensons à une catastrophe, mais en fait, c'était réellement de la productivité."
L'article "Weapons of war ? Rapa Nui mata'a 1 morphometric analyses" a été publié dans la revue Antiquity.
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