Ce nouvel article de Perspective, du National Cancer Institute Italien, publié dans le New England Journal of Medicine, dénonce un nouvel excès de diagnostics et examens divers dans la détection des cancers. Précisément ici, c’est le cancer de la thyroïde qui montre une incidence en hausse, de manière spectaculaire, mais avec des centaines de milliers de cas sur-diagnostiqués. Des tumeurs qui n’entraîneraient pas de complications ou de décès si on les laissait » en l’état « . Cette analyse montre que la France s’inscrit parmi les pays les plus durement touchés par ce surdiagnostic, depuis les années 1980.
Sur les surdiagnostics et les surtraitements du cancer, on a beaucoup écrit et beaucoup débattu. Tests PSA, mammographies, biopsies et traitements en excès ont été évoqués, et plus récemment, par une équipe de la Johns Hopkins Medicine ont été dénoncées les millions de biopsies à l’aiguille, “de trop”pour l’analyse des récepteurs hormonaux des cancers du sein in situ. Cette nouvelle étude aborde la question des cancers de la thyroïde, des cancers autrefois peu diagnostiqués et dont le surdiagnostic et le surtraitement ont déjà été dénoncés : alors que seule qu’une petite proportion des cancers de la thyroïde sont dangereux, la très grande majorité des patients se voient conseiller une intervention chirurgicale, un traitement invasif, coûteux, lié à des complications parfois sévères et qui nécessite une thérapie de substitution à vie.
Ce nouveau rapport dénonce le surdiagnostic comme l’un des moteurs clés de l’épidémie de cancer de la thyroïde: jusqu’à 50-90% des cancers de la thyroïde chez les femmes dans les pays à revenu élevé seraient surdiagnostiqués. Ces tumeurs » ssurdiagnostiquées » ne seraient que très peu susceptibles de causer des symptômes ou le décès. Précisément, les chercheurs ont estimé, à partir des données des registres des cancers, le nombre de cas surdiagnostiqués de cancer de la thyroïde dans 12 pays (Australie, Danemark, Angleterre, Finlande, France, Italie, Japon, Norvège, République de Corée, Ecosse, Suède et États-Unis).
Les États-Unis, l’Italie et la France s’avèrent les pays les plus durement touchés par ce surdiagnostic du cancer de la thyroïde depuis les années 1980, après l’introduction de l’échographie, avec un autre exemple très frappant, la République de Corée : ainsi, en Corée, quelques années après l’introduction de l’échographie de la glande thyroïde dans le dépistage des cancers, le cancer de la thyroïde est devenu le cancer le plus fréquemment diagnostiqué chez les femmes, avec environ 90% des cas détectés sur la période 2003-2007 estimés comme surdiagnostiqués.
Le surdiagnostic représenterait de 70% à 80% des cas, en particulier en Australie, en France, en Italie et aux Etats-Unis, 50% au Japon, dans les pays nordiques, en Angleterre et en Ecosse. Chez les hommes, les modèles d’incidence sont comparables bien que moins prononcée, avec des taux de surdiagnostics allant de 35 à 70% (pour la France, par exemple).
Au total, plus de 500.000 patients auraient été surdiagnostiqués avec un cancer de la thyroïde au cours des deux dernières décennies dans les 12 pays étudiés.
Source: New England Journal of Medicine August 18, 2016DOI: 10.1056/NEJMp1604412 Worldwide Thyroid-Cancer Epidemic? The Increasing Impact of Overdiagnosis etIARC Overdiagnosis is a major driver of the thyroid cancer epidemic: up to 50–90% of thyroid cancers in women in high-income countries estimated to be overdiagnoses
Lire aussi:THYROÏDE: Trop d’ablations, trop de médecine?–