C'est sur le quai d'une gare désaffectée que je fête pour de bon mon anniversaire avec Ludovic, mon "jumeau astrologique", et Didier, l'ami commun qui nous a fait nous rencontrer. Au rythme du rail est l'une de leur cantine locale. Connaissant bien le patron, Rudy Bonboire, ils peuvent apporter leurs bouteilles. Ludovic en a amené quatre, qui nous serons toutes servies à l'aveugle.
Les mises en bouche arrivent rapidement : un gaspacho, du jambon cru et une mini tomate farcie
Le premier vin nous est servi : la robe est un or intense, faisant plus penser à un liquoreux qu'à un blanc sec. Le nez est complexe et expressif, sur les agrumes confits, les fruits secs grillés, le beurre fumé, et une pointe d'encaustique. La bouche est ample, longue, précise, avec une matière généreuse, tactilement moelleuse sans qu'il y ait la moindre sucrosité. La finale sur des notes beurrées/fumées est intense, avec une belle persistance épicée. Connaissant un peu Ludo, je me doute que c'est un Bordeaux. Il me fait songer à ce que j'ai bu en Haut-Brion/Laville Haut-Brion. Mais on sent par la fraîcheur et les agrumes qu'il y a une bonne proportion de Sauvignon. Cela doit donc être un Haut-Brion d'une vingtaine d'années.
C'est en effet Haut-Brion blanc 1994. Avec les Saint-Jacques poêlées à l'orange qui nous sont servies avec (photo écrasée malencontreusement), celui-ci rajeunit de plusieurs années, gagnant en tension et en éclat. L'aération lui est également profitable. De très bon vin au départ, il devient excellent sur la fin.
Les deux vins rouges nous sont servis simultanément. Le premier a une robe grenat sombre translucide avec des reflets d'évolution. Le nez est à tomber : Havane, cèdre, cassis... Je me noierais volontiers dans le verre. La bouche est douce, très caressante, du cashmere. Le tout avec une fraîcheur mentholée qui se prolonge est s'intensifie en finale. Absolument superbe. Ce toucher de bouche, je l'ai déjà rencontré sur Cheval blanc. Est-ce lui ? Pas sûr, parce que le nez fait très "rive gauche". En même temps, il est d'une douceur inhabituelle pour un Médoc. Pfffff... c'est compliqué.
Le deuxième a une robe plus dense, limite opaque. Le nez est plus marqué par le sous-bois, avec du cèdre aussi, et un menthol bien marqué La bouche est logiquement plus dense, mais sans un tannin qui accroche : une chair veloutée, avec une profondeur et une énergie rarement rencontrées dans un vin. Tout cela s'amplifie dans une finale racée, victorieuse, qui vous file une grosse baffe. Mais qui est tellement bonne que vous tendez direct l'autre joue. Bon, là, c'est rive gauche. Via Facebook - ben oui, la dégust' est en direct live - un ami suggère Margaux. Oui, peut-être. Ou pas.
Nous les dégustons sur un contrefilet de boeuf australien
(eh oui : y a pas que des kangourous et des koalas, là-bas...)
Bon allez, je ne vous fais pas languir plus longtemps : le premier était Margaux 1989, et le second Latour 1989. Deux très grands vins que je me languis déjà de re-déguster l'année prochaine en compagnie des autres 1ers crus de ce magnifique millésime. Ca promet d'être monstrueux...
Une petite douceur pour finir. Connaissant un peu Ludo, je pense Yquem avant même de goûter. Non seulement mon jumeau facétieux ne fait rien pour me démentir, mais me laisse m'enfoncer. Faut dire que la grande qualité du vin n'arrange pas les choses : c'est (très) riche, onctueux, avec une belle acidité qui équilibre l'ensemble, sur une gamme aromatique abricot/vanille/écorce d'orange/raisins rôtis. Sauf que ce n'est pas Yquem...
(des crèpes aux pommes caramélisées. Ce qui convenait le mieux dans la carte des desserts)
C'était l'Extravagant de Doisy Daëne 2010. L'hommage de Ludovic à Denis Dubourdieu, récemment décédé. Ce vin est encore très trop jeune. Mais devrait donner une très belle quille dans une vingtaine d'années.
Nous discuterons ensuite assez longtemps avec Rudy Bonboire. Ce qui fait que la soirée va s'achever vers 1 h du matin. Heureusement, la matinée suivante ne devrait pas être trop chargée. Et l'après-midi sera touristique. De vraies vacances, quoi.