(anthologie permanente) Hugo von Hofmannsthal

Par Florence Trocmé

Ballade de la vie extérieure
Et grandissent les enfants au regard profond
Dans l’ignorance de tout, grandissent et meurent.
Et va son chemin la foule des humains.
D’âpres fruits naissent des fruits doux
Qui choient la nuit comme des oiseaux morts
Et par terre après quelque temps s’altèrent.
Et souffle incessamment le vent et incessamment
Une multitude de mots nous percevons et répétons
Jusqu’à ressentir plaisir et lassitude en nos membres.
Et des rues courent au milieu de l’herbe, et des contrées
Çà et là pleines de torches, d’arbres, d’étangs,
Et menaçantes et funèbrement desséchées...
Ces constructions, à quoi bon ? Ne sont-elles pareilles 
À jamais ? Et pourquoi si nombreuses ?...
Que change de vivre, de pleurer, d’expirer ?
Que nous chaut tout cela, et ces jeux,
À nous qui, grandis et solitaires pour toujours,
Sans destination cherchée sommes à cheminer ?
Que nous chaut tant de pareillement vu ?
Et tant dit cependant celui qui dit « soir »,
Ce mot d’où la rêverie et l’affliction s’écoulent
Comme du creux de ses alvéoles un miel épais.
Ballade des äußeren Lebens
Und Kinder wachsen auf mit tiefen Augen,
Die von nichts wissen, wachsen auf und sterben,
Und alle Menschen gehen ihre Wege.
Und süße Früchte werden aus den herben
Und fallen nachts wie tote Vögel nieder
Und liegen wenig Tage und verderben.
Und immer weht der Wind, und immer wieder
Vernehmen wir und reden viele Worte
Und spüren Lust und Müdigkeit der Glieder.
Und Straßen laufen durch das Gras, und Orte
Sind da und dort, voll Fackeln, Bäumen, Teichen,
Und drohende, und totenhaft verdorrte…
Wozu sind diese aufgebaut ? und gleichen
Einander nie ? und sind unzählig viele ?
Was wechselt Leben, Weinen und Erbleichen ?
Was frommt das alles uns und diese Spiele,
Die wir doch Groß und ewig einsam sind
Und wandernd nimmer suchen irgend Ziele ?
Was frommt‘s, dergleichen viel gesehen haben ?
Und dennoch sagt der viel, der « Abend » sagt,
Ein Wort, daraus Tiefsinn und Trauer rinnt
Wie schwerer Honig aus den hohlen Waben.
Hugo von Hofmannsthal, [1874-1929], poème paru initialement en janvier 1896, dans la revue Blätter für die Kunst, que dirigeait Stefan George. Adaptation inédite [1958-1959] de Lionel Richard.