Sampiero, sans colons, bine son jardin corse

Publié le 14 août 2016 par Fabianus

Statue du Condottiere à Bastelica (photo de l'auteur)


Neuvième voyage en Corse et toujours le même dépaysement. Cette année nous découvrîmes Bastelica, sur les hauteurs, à quelques encablures d'Ajaccio. La ville d'un héros Corse du 16ème siècle dont je vous conte l'histoire : Sampiero Corso.
Sampiero Corso, (en corse Samperu Corsu) serait né à Bastelicaccia (en Corse)  le 23 mai 1498.
Enfant il ne tient pas en place : le corps sue des courts sauts de Corse sous l’effet du diable au corps. Sa mère sait déjà qu’il sera un guerrier quand son père lui enseigne à son insu l’air. Quel air, me direz-vous ?
L’air des combattants du maquis, en air en lamineur qui se veut anti sud (donc contre les Sardes) mais anti Nord aussi (principalement contre Gênes qui occupe le pays).
Il apprend le combat et obtient le BCG (Brevet de Condottiere Général) dès l’âge de 14 ans en présentant son mémoire « La Corse fera des vagues si Nation ». Oui, il veut une Corse libre, libéré du joug des Génoises voire des génoises même si, ce ne sera pas du gâteau !
Vous me direz encore ? Qu’est-ce qu’un condottiere ?
Et bien ce n’est ni plus ni moins (voire vice-versa) qu’un mercenaire. C’est un homme d’arme qui monnaie ses services contre argent lequel est le nerf de la guerre.
-  Il n’est guère amer ce nerf (il naît guerres à mercenaires), déclarera-t-il souvent en plaçant ses économies là où les taux sont à 33,1/3 et faits condottiere, heu fécondent au tiers de leur valeur.
Sampiero commence sa carrière à Florence, en Italie et entre au service de Jean des Bandes Noires (Ludovico de Medici) lui-même fidèle serviteur de son cousin Jean de Médicis et futur pape Léon X (et les on-dit étaient, à l’époque, peu flatteurs pour ce dernier).
Un an après Marignan, donc en 1516, Sampiero s’en va-t- en guerre, mi ronchon, mi raton, mire hautaine, contre le duché d’Urbino où des gens à la dure binaient pour le compte de la famille italienne Della Rovere. En gagnant, Sampiero permet à Laurent de Médicis de s’emparer du petit bout de terrain qui distribue à ses gars lopins.
Mais Léon X, à bout de longs pas pâles, se meurt en 1522 et il est remplacé par Adrien VI (de Ad : à (latin) et rien : qui ne mène à rien). A ce moment-là, Ludovico perd et un cousin et son principal soutien. Il décide alors de servir la France et embarque Sampiero dans l’aventure. Le condottiere participe alors à la bataille de la bicoque (27/04/1522) où François 1° se prend une veste en pied de poule (d’où l’habit coq) face aux troupes espagnols de Charles Quint . Les piquiers suisses, au service de la France sont en berne.  Sampiero, triste, voit les méfaits des armes à feu espagnoles tout en observant lugubrement l’arc que buses dessinent dans le ciel, au-dessus des cadavres d’amis.
Mais, promis, juré, il va se refaire une santé pour cent ans bien sentis. A partir de 1535, il se rapproche  du banc du jeu laid, heu du Jean du Bellay, un cardinal accessoirement ambassadeur de France à Rome. Il se bat alors pour la France aux côtés de Bayard, le fameux « sans peur et sans reproche ».
Et Bayard presse, au quotidien, son roi de tout faire pour que Sampiero soit un primé. Ainsi fut fait. Le Corse reçoit le grade de colonel, en 1547 ! Quel effet bœuf ce grade vaut !
En 1545, il épouse la plus jolie des filles nobles de l’île : Vannina d’Ornano. La dulcinée est belle et accorte (même si elle n’y est pas née)
-  Vannina, rappelle-toi, est d’Eve ; elle en a le charme, lui lance son meilleur ami.
La fille n’a pas 15 ans mais qu’importe : la belle figure de proue s’tient comme une jeune fille en fleur sur le vaisseau lubrique de l’homme quadragénaire. Le mariage, à cette époque est très marchant sur flots rances du mercantilisme. On épouse d’abord une richesse et l’expression « mon trésor » prend alors toute sa vérité.
Il n'empêche, l'homme aide sa femme aux tâches ménagères et, de sueur, lave aisselles en chantonnant : Vannina, rappelle-toi que je n'essuie rien sans toi...
François 1° meurt en 1547 d’une agonie qui vient subrepticémiquement , si je puis dire. Son deuxième fils, Henri II, lui succède. A cette époque, un des objectifs de la France en Méditerranée est de prendre le contrôle stratégique de l’île de beauté et les bateaux d’embêtants battants  bouter ! Il s’agit là de vaisseaux génois qui provoquent  saccages et noise (sac à génoise ?) selon Sampiero. Oui, il faut bouter les occupants car l’insulaire trouve Gênes, ici, vil ! Les Génois, fi donc, des femmelettes : l’ironie du roi s’étend, rit d’eux. C'est la raison pour laquelle sa Majesté décide d’apporter son aide à Sampiero pour une première expédition en Corse. Le Condottiere rumine sa revanche : l’ennemi, par la prison, l’a méprisé, lui laissant le cœur un quart serré. Le Génois a même commis le crime suprême de brûler la maison familiale de Bastelica comme on le ferait d’une vulgaire paillote. Cette offense n’appelle nulle miséricorde et il le jure : l’ennemi va en baver là !
Mais la France manque de navires pour viser la cible et se voit déjà la mire ôter ! Espagnols et Germaniques n’ont nul intérêt à débarrasser l’île de l’occupant génois. Alors, même si c’est insultant on se tourne vers le croissant  ottoman !
Et oui, la France, fille aînée de l’église catholique, s’accorde avec le grand Turc pour venir à bout de l’occupation génoise. Et les accords distants boulent au bas de l’escalier militaire payé en carats !
Bientôt, dès août 1553, la déferlante franco-turque vient à bout de la résistance génoise et la Ligurie sous le garrot allégorique a le goût rauque de la défaite.
Les villes de Bastia, de Corte, d’Ajaccio, Bonifacio, tombent. Elles ne crânent plus, d’un ton sûr, de leur éclat génois. Calvi si. La ville résistera à l’envahisseur au prix d’un siège meurtrier de 6 ans.
Les Calvais en cale vus on pourrait songer que l’occupant, en état, est rien et qu’on occis Gênes ! Mais on se trompe !
Commandées par le vieil amiral Andréa Doria (qui sera, bien plus tard, raillé par Boby Lapointe dans sa chanson « Andréa c’est toi »)  ces troupes faibles mais valeureuses vont recevoir de l’Office de Saint Georges (OSG) l’appui de la plus grande armée jamais déployée sur la future terre natale de Napoléon !
Et, une à une les cités perdues sont reprises et de nouveau tout meurt quand s’érige Gênes.
Le Turc qui bosse fort mais pour des yeşil erik (prunes vertes) se dit que ça va bien ! L’âme erre, noire. Elle lui somme de quitter le combat. La France se retrouve sans appui.
Pour ne rien simplifier, la défaite française de Saint-Quentin (on la sent mauvaise, ah, l’Aisne !), en 1557, et la signature du traité du Cateau-Cambrésis, d'un trait mat hisse en 1559 la grandeur de Gênes. Il entraîne le retour de la Corse sous la domination des Ligures.  Lors de la signature de l’acte, les Français tentent de cambrer de fierté Cateaulique pour conserver l’île à la couronne, mais ils doivent y renoncer pour conserver  Calais, Metz, Toul et Verdun !Troquons trop cons, mes amis !
Henri II meurt en juillet 1559 après avoir reçu un coup de lance dans l’œil lors d’un tournoi. Alors, la reine-mère, Catherine de Médicis, prend le pouvoir et le taureau par les cornes (normal s’il s’agit de l’arène) pour ne plus entretenir une flotte coûteuse en Méditerranée. 
La mort dans l’âme en sachant qu’il ne maniera plus avec mordant lame (d’épée) notre Sampiero se transforme en tranquille Gouverneur  d’Aix-en-Provence (1560) puis devient ambassadeur extraordinaire à Constantinople (l’actuelle Istanbul)  laissant son épouse, la constante et noble Vannina dans la demeure familiale de Marseille où les Phocéens la savent honnête.
Mais la jeune femme se morfond sur fond mort. Son homme est loin et l’OSG en profite pour nuire au grand absent. Il envoie l’abbé Michel-Ange Ombrone, ombre au prénom trompeur, comme précepteur des enfants de la belle Vannina.
L’homme doit séduire la belle, aidé d’une fausse annonce : Sampiero serait mort devant Constantinople ».
Persuadée d’être veuve, Vannina sacrifie honneur et biens, vend à tous les vents et emporte le reste pour la ville de Gênes en compagnie d’Ombrone !
Mais pour toi cette fugue infâme ne fut gain, femme ! Car ton Sampiero, plus vivant que jamais, est informé de ta trahison. Il envoie ses sbires te capturer poussé par la folie de seize ires. Ta frégate est arraisonnée dans la baie d’Antibes et te voilà bientôt écrouée dans le château de la ville anti-police mais quand même sacrément carcérale.
De sa geôle, Vannina commet l’irréparable : elle écrit à des dignitaires génois une lettre plaidant sa cause et qui épice tôt l’air d’un piment de trahison.
On la transfère à Marseille puis à Aix jusqu’au jour où le cocu au cou courroucé débarque en réclamant avec des cris vains déversés qu’on lui rende sa femme !Le parlement consent à sa requête à la seule condition qu’aucun mal ne soit fait à l’adorable pécheresse. Sampiero acquiesce mais se fait l’âpre aux messes des réconciliations. Une fois sur ses terres, il contraint Vannina à rédiger un testament en sa faveur avant de la livrer au lacet strangulatoire de ses esclaves Turcs en contrat à durée indéterminée. Vannina accepte cette sentence dignement. Mais elle refuse de mourir de la main d’un esclave qui dit « la mort à lacet c’est moral assez et c’est maure : Allah sait ! ». Aussi implore-t-elle son mari de lui accorder la grâce de l’exécuter lui-même.
Devant une telle dignité, Sampiero embrasse sa femme, lui accorde son pardon et l’étrangle à mains nues tel un Othello pour une déesse démone.
Mal lui en prit. Le vieux combattant se verra traqué lorsque la famille d’Ornano  promettra deux mille ducats à qui ramènera sa tête ! L’homme ose, aboie encore. Mais l’homme âgé erre, vain. Il sent ses forces l’abandonner et finalement  tombera, le 17 Janvier 1567, dans une embuscade à la férocité gaie, tapant et tendue près d’Eccica -Suarella par les frères de Vannina, spécialistes des temps d’heurts. Sa tête tranchée sera exposée des jours durant aux murs de la Citadelle d’Ajaccio : c’est une déconfite hure.
En dépit de cette fin pitoyable, Sampiero restera dans les mémoires. Il sera récupéré par tout le monde : par les partisans de la Corse française comme par les Nationalistes qui le feront premier héraut de la Corse indépendante.
Ainsi crée-t-on une légende d’un homme qui, finalement, n’aura peut-être embrassé qu’une seule cause : la sienne !