Grasset Jeunesse
Avril 2016
214 pages
13,50 euros
Roman ado dès 12 ans
Thèmes : Nuit, Fantômes, Famille
Une nuit d'étéUn enfantDes fantômesUn secret
Ce n'était pas une surprise avec une couverture aussi belle, aussi envoûtante et soignée, qu'Hugo de la nuit serait un coup de coeur. Les histoires de fantômes, de secrets à découvrir pendant une nuit d'été complètement magique...ça ne pouvait que me plaire. Je ne m'attendais pas à un tel récit, entre conte et théâtre, entre burlesque et fantastique qui mêle aussi habilement l'au-delà aux réalités humaines. Une chose est sûre, Hugo de la nuit m'a littéralement envoûtée. Dès les premières pages, on est saisi et captivé par le cadre pittoresque et atypique d'une immense propriété campée au coeur d'une campagne française et qui loge une famille originale. Un père botaniste, une mère romancière, un Hugo de 12 ans qui a une imagination débordante. Après avoir découvert et identifié une espèce rare de fleurs, les parents d'Hugo cherchent à faire classer leur propriété sous la protection du patrimoine culturel et écologique. Le voisinage, mécontent souhaite depuis des lustres que la famille quitte la demeure, en vain. Fréquemment menacés, ayant contacté la police, les parents tiennent bon. Mais une nuit d'été va bouleverser la vie d'Hugo...
Dès lors, on ne cesse de s'interroger sur ce fameux évènement nocturne et je n'aurais jamais imaginé la tournure que prend le récit, devenant tout à coup étrangement inquiétant et macabre, nous plongeant dans une ambiance sombre et dramatique qui pèse comme si on avait un mauvais pressentiment pour notre jeune héros. J'ai poursuivi ma lecture, la gorge serrée, le coeur au bord des lèvres et saisie d'effroi, je n'ai pu lâcher le roman avant d'atteindre la dernière page. Je me souviens qu'à un moment, j'étais tellement révoltée et en colère que j'ai détesté l'auteur (pardon!) pour ce qu'il faisait à ses personnages. A la fin de l'Acte I, oui je vous le dis, les larmes aux yeux et dégoûtée, j'en voulais à Monsieur Santini.
Le coeur battant, j'ai enchaîné l'Acte II qui révèle toute la richesse littéraire de l'auteur... Nous entrons dans le monde des fantômes et de leurs babillages souvent fantaisistes, riches d'anecdotes historiques et d'expériences insolites. C'est ainsi que chacun va se révéler au grand jour, jouant avec les mots, se jouant de la mort, riant de leurs mésaventures tragiques... Un groupe qui m'a beaucoup rappelé L'étrange vie de Nobody Owens de Neil Gaiman. Poésie de la vie, lyrisme de la mort, mélancolie du présent, vaste théâtre comique, l'auteur distille dans cet acte une écriture atemporelle et philosophique. Entre enchantement imaginaire, déambulations autour des tombes, Bertrand Santini construit une ambiance forte, chargée d'intensité et d'émotions.
Les derniers actes viennent mélanger ces deux univers : le fantastique se mêle au réel et les fantômes farceurs volontiers coquins et espiègles s'invitent dans la propriété, entraînant dans leur sillage d'autres créatures et zombies. Au même titre qu'Hugo, nous sommes spectateurs de cette scène dont la loufoquerie surprend et amuse aussi. C'est là que je me suis réconciliée avec l'auteur qui offre ainsi à son roman une conclusion merveilleuse et magique, tellement enchanteresse et lumineuse que j'ai refermé ce roman avec le sentiment intime qu'il était parfait et exceptionnel. Et surtout incroyablement rassurant. Tout comme le message qu'il livre : une parabole originale et magnifique sur le passage de l'enfance à l'âge adulte, à la fois légère et douce, mais aussi pleine de noirceur et de cruauté comme le sont certains adultes et les épreuves de la vie.
Surprenant, envoûtant, totalement imprévisible et fascinant, plein d'espoir et de préciosité, Hugo de la nuit m'a complètement éblouie et conquise. Une perle rare de notre littérature jeunesse française...