Il y a soixante-douze ans avec ses copains de la 4ème DMM il soufflait un peu avant de foncer sur l'Allemagne et l'Autriche. 14 août 1944, fin de campagne d'Italie depuis quelques jours. Monte Cassino, dans quelques années ça ne dira strictement rien à personne. Un nom, peut-être inscrit encore dans certains livres d'histoire spécialisée.
Déluge de feu, plus de cent mille soldats alliés tomberont en quelques semaines. Ils ont pourtant brisé les lignes Gustav et Hitler. Héros, des héros. Il se souviendra sa vie durant de ses vingt-deux ans sur cette montagne en fusion, du chant des goumiers de son régiment qui montaient à la mort. Du déchirement incessant de l'air enflammé par les obus des 88 allemands et la mitraille des spandau MG42. Des vagues d'avions qui obscurcissaient le ciel, des bombardements. De "l'odeur" de la peur, son goût, si proche, si proche.
La mort l'a léché comme enfant lèche une glace. Insouciance terrifiante des vingt ans en guerre. Sa trogne blonde et douce de gamin d'Amou innocent, confronté au terrible, comme glace d'été sentait encore la vanille et la fraise. On ne devrait pas être soldat à vingt ans, ni jamais. Avant d'être embarqué dans la tourmente il sortait de dix années de petit séminaire, dix ans de rien, de formatage, il a su heureusement dire non, peut-être la seule fois de sa vie : je ne serai pas curé.
Mais la guerre et la vie sont arrivées après. Ratages, silence, enfermement, frustration, manque. Aujourd'hui, il n'est presque plus rien. Si, il dit à l'infirmière qu'il a parcouru le Pacifique sur son bateau. Mon père...