Le terme » spornosexuality « , condensé de » star du sport » (sports star) et de » star du porno » (porn star), aurait été lancé en 2014 par le chroniqueur Mark Simpson du Daily Telegraph pour définir la hausse des hommes fréquentant la salle de sport, principalement pour des raisons d’apparence, plutôt que de santé ou de fitness. Ce nouvel archétype social et plutôt masculin en émergence, caractérisé par un corps parfait sculpté par la muscu., c’est donc le » spornosexuel « , une tendance propagée par les réseaux sociaux mais qui vise justement à faire de son corps une véritable marque de soi-même sur ces mêmes réseaux. Cette étude de l’Université d’East Anglia y revient en décryptant l’association entre la crise économique, l’austérité et l’émergence de ces corps parfaits.
Bref, l’itinéraire traditionnel de la réussite ou le concept de » métrosexuel » recouvrant la réussite professionnelle et financière est détrôné par celui de » spornosexuel » qui place la valeur non pas dans la réussite sociale mais dans l’esthétique du corps. La constatation des auteurs, sociologues de l’Université d’East Anglia (Norfolk) est, depuis le début de la crise de 2008, la tendance à la hausse chez les jeunes hommes à partager les images de leurs corps sur les sites de réseaux sociaux.
Le Dr Hakim explique que l’un des aspects les plus intéressants de cette nouvelle tendance est le déplacement d’un segment de la société qui se définissait historiquement par les facultés de l’esprit et se présentait comme des "décideurs bien rémunérés", vers un positionnement jusque-là réservé à leurs » subordonnés « , qui devaient eux, pour subsister, mettre leur corps à l’épreuve.
Explication ! L’austérité » néolibérale » aurait érodé les moyens traditionnels de création de valeur de sorte que seul le corps subsiste en tant que » moyen de se sentir utile ou valorisé dans la société « .
L’équipe a examiné les données de pratique sportive en Angleterre et identifie une augmentation significative d’année en année, de la fréquentation des salles, entre 2006 et 2013 et particulièrement par les hommes jeunes, âgés de 16 à 25 ans.
· Dans la même période, le Panel Nielsen révèle une hausse importante des ventes de produits de nutrition, qui promettent une réduction de la graisse corporelle et une augmentation de la masse musculaire. La croissance des ventes de ces produits est ainsi estimée au Royaume-Uni, à 40% sur l’année 2014.
· Or ce même groupe démographique est aussi le plus présent sur les réseaux sociaux, se présentant avec des images de corps sculptés,
· Les tweets et les hashtags liés à la condition physique se multiplient sur les sites de médias sociaux
· Dans le même temps, Men’s Health magazine devient le titre le plus vendu au Royaume-Uni, et devance très largement GQ magazine.
Une génération post-crise issue de l’austérité : bref, la recherche montre que les jeunes hommes se construisent, avec l’image de leur corps, comme une marque, sur les réseaux sociaux. La construction de cette marque nécessite une très grande quantité de travail, avec très peu de récompense à la clé. Mais, compte-tenu de l’économie actuelle, ces hommes poursuivent cette activité, faute de mieux. Pour les auteurs, la corrélation entre cette tendance à façonner son corps puis à le partager en ligne, et les mesures d’austérité vécues par la nouvelle génération est bien là. L’addiction au conditionnement physique aussi car c’est l’un des rares moyens de valorisation qui reste, à la portée de cette « génération de post-crise et d’austérité néolibérale « .
Source: Journal of Gender Studies August, 2016 (In Press) The Spornosexual : the affective contradictions of male body-work in neoliberal digital culture et UEA Aug. 12, 2016 Austerity linked to rise of the ‘spornosexual’
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