Le patron du PS riposte aux propos "pas à la hauteur" tenus par l'ex-président de la République dans "Valeurs actuelles". Il estime que "sa volonté effrénée de rabaisser la France [...] affaiblit" le pays.
"En vingt mois, il y a eu 237 Français assassinés. Ils le sont parce que les barbares qui nous attaquent croient que nous sommes faibles. Voilà la vérité. Et donc ils se déchaînent. Cette situation est insupportable." Le pas encore candidat à la primaire LR Nicolas Sarkozy murmure à l'oreille des lecteurs de Valeurs Actuelles ce jeudi. En attaquant une nouvelle fois le gouvernement sur le thème du terrorisme. Mais aussi en prônant, entre autres, l'interdiction du voile à l'université et dans l'entreprise ainsi qu'une remise en cause de l'automaticité du droit du sol. Son homologue, le Premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, lui répond.
Que vous inspirent les déclarations de Nicolas Sarkozy dans "Valeurs actuelles" ?Comme d'habitude, avec l'ancien Président de la République, ce sont des déclarations à l'emporte-pièce qui ne sont pas à la hauteur des enjeux. Si les jihadistes attaquent la France parce qu'elle est "faible", comme il dit, il faudrait critiquer la présidence Sarkozy avec l'attaque de Mohamed Merah. C'est l'inverse : la France est attaquée parce qu'elle assume son rang, parce qu'elle défend des valeurs et des principes républicains, une liberté d'opinion, de croyance, la laïcité. Le discours pessimiste militant de Nicolas Sarkozy, sa volonté effrénée de rabaisser la France, tout cela nous affaiblit.
L'ex-Président suit aussi l'opinion : les enquêtes montrent que les Français seraient prêts à moins de libertés pour plus de sécurité...Les sondages ne font pas la politique de la France. A un moment donné, lorsqu'on est un homme d'Etat ou que l'on prétend l'être, il faut incarner l'intérêt général et non pas suivre les humeurs changeantes de l'opinion. Les Français étaient debout en janvier jusque dans le plus petit village de France, ils sont sceptiques aujourd'hui, évidemment exigeants. Mais il ne faut pas se départir de l'union nationale ici et de la coalition mondiale là-bas.
Comment observez-vous le retour de la remise en cause du droit du sol par Nicolas Sarkozy et d'autres candidats de la primaire à droite ?Nicolas Sarkozy a défini sa tactique pour la présidentielle. Il ira le plus loin possible dans le tutoiement du Front national pour battre Alain Juppé. Et demain, lorsqu'il sera désigné, il nous dira qu'il est le seul rempart au FN... Mais le mal sera fait. Il aura un peu plus légitimé les pensées profondes souvent xénophobes du FN et créé les conditions d'un bloc réactionnaire dont il serait prisonnier si, par malheur pour la France, il l'emportait.
En même temps, Sarkozy qui va chasser sur les terres du FN, ça rouvre un espace pour la gauche plus au centre...Evidemment, Nicolas Sarkozy entraînant l'ensemble de son camp vers l'extrême droite - y compris Alain Juppé qui ne peut, ni ne veut se distinguer - cela offre un espace à tous les républicains pour résister à la dérive nationaliste, sectaire, coupant la France en deux. Ce que cherchent très exactement les Daechistes (sic) par leurs attentats répétés. La question n'est pas électorale mais politique. C'est la nation qui est en jeu. Or je ne me satisfais pas d'un paysage politique qui serait à ce point coupé en deux, avec une des parties à l'esprit antirépublicain. Cela compliquerait un peu plus le combat pour nos valeurs contre le Daechisme. Il y aurait un paradoxe insurmontable à ce que la France combatte pour ses valeurs là-bas, et, pour ce faire, les abandonne ici.
Vous estimez que la droite fait preuve d'"esprit antirépublicain" ?La droite joue avec les valeurs de la République pour des raisons strictement électoralistes. Certains de ses responsables pensent qu'une élection vaut bien quelques accrocs à nos principes. Mais, ce faisant, ils clivent très fortement la France, renforcent les discours du FN alors que notre pays a profondément besoin de l'arme de l'unité nationale contre les Daechistes.
Propos recueillis par Lilian Alemagna