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Turo et la couleur de l’innovation

Publié le 12 août 2016 par _nicolas @BranchezVous
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Le courriel disait en gros que l’entreprise de location de voitures Turo offrait maintenant la possibilité de choisir son véhicule selon une couleur précise. Mais c’est surtout l’offre d’une entrevue avec l’un des patrons qui souligne à quel point l’écosystème web est devenu saturé par la fausse innovation pratiquée par des compagnies de toutes sortes.

L’histoire est vieille comme le monde : s’il est facile de gagner des clients quand on fait des affaires dans un marché encore peu occupé, il devient exponentiellement plus difficile d’y parvenir quand tous les concurrents se marchent sur les pieds. Et c’est encore plus vrai depuis l’apparition du Web, qui a entraîné une mondialisation progressive de quantité de secteurs de l’économie. Soudainement, le concurrent n’est plus le magasin d’en face, mais ceux des États-Unis, de la Serbie, de la Chine…

Soudainement, le concurrent n’est plus le magasin d’en face, mais ceux des États-Unis, de la Serbie, de la Chine…

Turo, qui s’inscrit dans la vague de «l’économie du partage», fonctionne à l’aide d’abonnés qui mettent leur voiture à la disposition d’autres inscrits. D’où la possibilité, ultimement, de louer un véhicule en fonction de la couleur désirée.

La fonctionnalité en soi n’est pas un problème. Mais était-il nécessaire d’annoncer le tout à l’aide d’une offensive promotionnelle destinée à la presse? La concurrence est-elle si féroce, les services offerts si similaires les uns par rapport aux autres que l’équilibre des forces sera durablement modifié grâce à cet ajout littéralement cosmétique?

Multiplicité

L’histoire se répète un peu partout, en ligne ou ailleurs : Walmart qui tente de battre Amazon à son propre jeu en rachetant le site de commerce électronique Jet (et donc en imitant simplement son concurrent), et Tesla qui s’invite dans le transport en commun, dans le transport de marchandises et dans la mise en location de véhicules particuliers. Les exemples ne manquent pas d’entreprises qui ont décidé sur une particularité, aussi petite soit-elle, pour tenter de se démarquer. Sans jamais vraiment se poser la question de l’utilité de la chose, on dirait bien.

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La tendance crève les yeux lorsque l’on navigue dans les boutiques d’applications en ligne. Vous rêvez de développer un nouveau système de messagerie combinant les échanges instantanés et les SMS? Prenez un numéro : le Play Store, par exemple, regorge de dizaines, voire de centaines de ces logiciels majoritairement gratuits ayant souvent la mauvaise habitude de forcer la création d’un compte séparé pour y accéder.

Mais n’est pas WhatsApp qui veut, et loin d’être acquis par Facebook pour un nombre effarant de milliards de dollars, ces programmes tous semblables vivotent grâce à la pub et à une poignée d’utilisateurs. Et même s’ils font preuve d’originalité, comme Telegram et sa messagerie chiffrée, ils courent toujours le risque d’attirer la foudre gouvernementale et d’être à la merci des gens mal intentionnés.

Cesser de se casser la tête

Ce qu’il faut comprendre, c’est que la plupart des consommateurs, en personne ou en ligne, préfèrent bien souvent les solutions de facilité, et sont rarement impressionnés par les babioles. Google a fait sa renommée avec son algorithme de recherche, bien avant de se lancer dans la messagerie électronique, la domotique, les réseaux sociaux, la téléphonie mobile, etc. Le succès d’Amazon repose en grande partie sur l’ampleur de ses stocks et sa livraison gratuite pour les commandes de plus de 25$. Apple, Twitter, Facebook, Tesla, Uber… le principe est facile à comprendre : accomplir quelque chose d’utile et de concret, et être bon dans son travail.

Trop d’applications de messagerie sur Android? Google offre de toute façon non pas un, mais deux logiciels natifs avec son système d’exploitation, Hangout et Messenger. Et Hangout combine même les deux fonctions!

Envie de louer une voiture? Tous les véhicules électriques en libre-service de Communauto (avec son service Auto-mobile) ou de Car2Go sont de la même couleur, histoire qu’on les remarque. Simplicité, efficacité, et même un coup de pub!

Turo donne l’impression de se concentrer sur des formalités, plutôt que de mousser son principal atout : être l’un des seuls, sinon le seul service de location de voitures de particuliers en libre-service au Québec.

Cela ne veut pas dire que l’ajout de la recherche par couleur chez Turo est une mauvaise chose. Il y a certainement des abonnés de l’entreprise qui seront heureux d’avoir recours à cette nouvelle fonctionnalité. Le problème de toute cette démarche, c’est de justement s’appuyer sur cet ajout mineur, aux yeux d’un observateur externe, pour lancer un nouvel effort publicitaire dans le but de générer de la couverture médiatique positive et attirer de nouveaux clients.

Ce faisant, Turo donne l’impression de se concentrer sur des formalités, plutôt que de mousser son principal atout : être l’un des seuls, sinon le seul service de location de voitures de particuliers en libre-service au Québec. Elle est là, l’innovation. Et pas dans le coloris de la décapotable que le voisin loue au sein de cet «Airbnb de l’auto». Ou si peu.

Il est à prévoir que plusieurs compagnies, services et logiciels trop similaires à d’autres existant déjà finiront par disparaître. Et la planète ne s’en portera que mieux. Particulièrement sur le Web, où la concurrence est redoutable.


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