Que penser de Penser l'islam de M. Onfray ?

Publié le 11 août 2016 par Despasperdus

« Ose penser par toi même. »

Pensez l'Islam n'est pas un texte inédit, mais une longue interview du grand philosophe par Asma Kouar, encadrée d'une préface et d'une postface.

A priori, le philosophe épicurien a lu des traductions du Coran et des textes sacrés, ainsi que des auteurs musulmans qui ont nourri sa connaissance. Ses longues réponses sont émaillées de certaines sourates qui révèlent qu'il y a dans cette religion, comme dans le Christianisme, des injonctions à boire et à manger. Autrement dit, certaines recommandent la tolérance et la paix, d'autres la haine et la guerre. Le philosophe vitaliste considère que l'Islam, à l'instar des autres religions, est affaire d'interprétation et de choix, compatible ou pas avec la laïcité et la République.

« Il y a au moins deux façons d'être musulmans suivant qu'on construit son islam sur ces sourates : "exterminez les incrédules jusqu'au dernier" (VIII.7), ou sur ces propos extraits de la Sîra : " Tout juif qui vous tombe sous la main, tuez-le" (II.58-60), "Tuez les polythéistes partout où vous les trouverez" (XVII.58) ou suivant qu'on s'appuie sur sur celles-ci : "Pas de contrainte en matière religieuse" (II.256), ou bien encore : 'celui qui sauve un seul homme est considéré comme s'il avait sauvé tous les hommes" (V.32) (...). »

Le philosophe aux 80 œuvres publiées traite également la question du djihadisme et de la responsabilité de la France. Le philosophe hédoniste estime que les actes terroristes commis au nom de l'Islam sont dues aux politiques interventionnistes des USA et de ses satellites. Le philosophique hédoniste considère, avec raison, qu'il est illusoire de croire que les armes occidentales éradiqueront Daesh, Al-Quaïda et leurs alliés : seule la voie diplomatique est porteuse de paix.

Bref, grosso modo, lecture intéressante jusqu'au moment où, en bavard intarissable, Michel Onfray [1] ne peut s'empêcher de revenir à ses propres obsessions. Il y a chez ce philosophe Farmer un côté donneur de leçons qui ne s'embarrasse pas de faits, ni de détails. Et, qui se la raconte.

« Robespierre, le pourvoyeur forcené du rasoir national. »

Ainsi, au détours d'une phrase, sans référence bibliographique, ni démonstration argumentée, sur le ton de l'évidence et de la vérité absolue, son propos tombe dans les stéréotypes les plus éculés. En l'occurrence, il est surprenant qu'un aussi grand intellectuel ne nuance même pas l'historiographie officielle, en particulier celle écrite par les bourreaux complotistes de l'Incorruptible qui avaient autant, voire plus de sang que lui sur les mains. [2]

Dans son élan, Onfray réduit sans fioriture l'antisionisme à l'antisémitisme, l'attitude des palestiniens durant la seconde guerre mondiale à celle du Grand Mufti de Jerusalem, et Leïla Shahid à sa parentèle. Sur ce dernier point, le raccourci est original mais infâme puisqu'il fait partager la responsabilité des paroles et des actes des ascendants à leurs descendants !

Par ailleurs, Penser l'islam ne l'empêche pas de s'en prendre à sa tête de turc favorite : la gauche radicale. Première attaque, il place le front national et le Front gauche dans le même sac.

« Le goût que Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont affiché pour Syriza montre ce qu'il adviendrait de la France s'ils devaient la diriger (...) .»

Tout observateur attentif et honnête ne peut gober un amalgame aussi grotesque, sachant que le FN a soutenu Tsipras par opportunisme politique, une fois la victoire électorale acquise, alors que le Front de gauche siège dans le même groupe politique que Syriza au parlement européen depuis des années. [3]

Plus loin, deuxième attaque : il soutient que le FN ne serait pas si dangereux que ça, contrairement à la gauche radicale, nostalgique de la Terreur et du Goulag, qui a compté en son sein des antisémites comme Soral, Garaudy et consorts. Par contre, nulle phrase sur l'antisémitisme de l'extrême droite, ni sur l'engagement de Soral au Front national...

Cette analyse onfrayante faite de raccourcis, d'amalgames et d'omissions lui permet de nier l'importance de l'évolution du parcours militant et de la pensée politique d'un individu au cours sa vie et d'insinuer que la gauche radicale est par nature antisémite ! Cela va peut-être en choquer certains, mais la fachosphère procède ainsi pour dédouaner l'extrême droite de ses crimes durant la Collaboration. En l'occurrence, elle affirme que le gouvernement de Vichy était de gauche puisque Pierre Laval fut membre du parti radical socialiste.

POURQUOI LE PHILOSOPHE STAKHANOVISTE DÉRAPE-T-IL ?

Est-ce par manque de temps malgré son don d'ubiquité qui lui permet d'être chroniqué régulièrement dans Le Point, interviewé tous les samedis sur France Culture, omniprésent sur les plateaux de télévision et de radio, et publié plusieurs fois par an (seulement 3 livres en 2016) ? Sans parler de celui consacré à son université aussi populaire que les anciennes républiques du bloc soviétique...

Ou, tout simplement, une certaine légèreté ou malhonnêteté intellectuelle pour taper sur ses bouc émissaires habituels, évacuer la question sociale par rapport au pouvoir de séduction de l'islamisme, tel un Manuel Valls ou un Nicolas Sarkozy, et défendre des "intellectuels" obnubilés par une identité nationale qu'ils conçoivent comme un fossile (A. Finkielkraut, R. Camus ou E. Zemmour), telle une Marine Le Pen.

En définitive, Penser l'islam est l'archétype du livre de l'intellectuel médiatique, très légèrement à contre-courant pour susciter un débat faussement contradictoire, transgressif mais surtout pas subversif, soit un produit formaté pour la grande distribution dont le retentissement est assuré par l'ensemble des médias dominants.

Un produit qui ne fait pas l'économie du narcissisme :

« J'ai été sollicité par de nombreux supports télé, radio, écrits. D'abord Le Soir en Belgique, le Corriere en Italie, le Stern en Allemagne - puis d'autres le temps passant, en Suisse, au Danemark, au Chili, au Maroc, en Espagne, etc. Le Point m'ayant également sollicité pour un numéro spécial à paraître trois jours plus tard, le lundi, je leur ai donné la primeur en souhaitant que, de Paris, leur rédaction gère la diffusion internationale de mon texte après parution française. »

Notes

[1] Kestadit ? Onfray Bogart

[2] Robespierre. Pourquoi Michel Onfray se trompe.

[3] à noter que la politique conduite en Grèce divise aujourd'hui le FDG, le PCF la soutenant, le PG la critiquant.