C'est une longue lettre que Marcelline Loridan-Ivens ( du nom de ses deux époux) écrit à son père Szlama Rozenberg, décédé au début de l'année 45, dans l'enfer concentrationnaire.
"Tu n'es pourtant pas mort pour la France; la France t'a envoyé vers la mort" s'écrie cette jeune et rebelle octogénaire - Marceline Rozenberg est née à Epinal, le 19 mars 1928 - capturée, avec son père, le 29 février 1944, au fond du jardin du château des Gourdons, à Bollène, châteauque ce dernier avait récemment acquis.
Envoyés à Avignon, puis à Drancy, tôt séparés entre Auschwitz et Birkenau, père et fille ne se croiseront qu'une fois, furtivement. L'adolescente qu'elle était devra affronter toutes humiliations et barbaries - elle nous en livre sobre récit, assistée en cette écriture par la romancière Judith Perrignon, en la lecture par la comédienne Sandrine Kiberlain (à la tonalité, à mon sens, par trop monocorde) .
Mais elle survit, obéissant en cela à l'injonction paternelle et la vigueur de son jeune âge.
"Mon retour est synonyme de ton absence."
Le retour à la famille, à la vie, ..est assez effroyable, lui aussi. Simone Weil l'exprime, déjà, dans son récit, "Une vie" (Ed. Stock 2007) . Les Français pratiquent le déni, ne peuvent entendre l'abomination perpétrée dans les camps.. il faut se taire... et c'est à ce moment que survient le contrecoup, le dégoût de cette vie après tant d'efforts de survie..
Marceline aura une vie riche, rebelle et engagée mais une partie d'elle n'a pas survécu à l'enfer, à la disparition de son père
"J'ai eu si peu de temps pour faire provision de toi."
Une lecture qui vous saisit, vous poursuit...
Apolline Elter
Et tu n'es pas revenu, Marceline Loridan-Ivens, récit écrit avec Judith Perrignon, Ed Grasset, 2015 - texte intégral lu par Sandrine Kiberlain, Audiolib, 2016, durée 1h50