Qu'est-ce que la Préciosité ?
La Préciosité est un phénomène socio-littéraire qui atteint sont point culminant dans les années 1650 autour d'une aristocratie lettrée, dans les cercles mondains, les salons particuliers français. Ce n'est pas vraiment un genre mais plutôt un courant qui reflète l'évolution des moeurs de la bonne société .
Cette mode s'explique par la volonté de se distinguer de la grossièreté de la cour de Henri IV et ainsi d'introduire dans le langage plus d'élégance et de pureté. Les précieuses voulurent imposer l'élégance dans le costume, la conversation, le raffinement des sentiments et dans l'ambition féminine de participer aux manifestations littéraires et d'avoir une activité critique .
Une soirée chez madame Geoffrin, Gabriel Lemonnier
C'est dans les tenus par des femmes de l'aristocratie parisienne qu'éclot la préciosité. Il existe deux centres marqués par cette galanterie : l'hôtel de Rambouillet et le salon de Mademoiselle de Scudéry.
Catherine de Vivonne, marquise de Rambouillet
L'hôtel de Rambouillet est actif dans les années 1630-1640 mais la Fronde lui porte un coup fâcheux. Le salon se tenait sous la houlette de Catherine de Vivonne (1588-1655) qui portait le pseudonyme d'Arthénice (anagramme de son prénom) et que l'on se plaisait à surnommer "l'incomparable Arthénice" . Dans ce salon figure toute l'aristocratie cultivée mais on accueille aussi des hommes de lettres qui ne sont pas forcément de l'aristocratie, comme le célèbre Vincent Voiture. On y voit donc toutes les célébrités de l'époque : Malherbe, Racan, Jean-Louis Guez de Balzac, Vaugelas, Patru, Pierre Corneille, Rotrou, Saint-Évremond... et des femmes telles que Julie d'Angennes, Mlle Paulet, Mme de Sablé, Mme de La Suze...
On s'occupe par des plaisanteries, des jeux de société et des divertissements littéraires. Cet hôtel est resté célèbre pour La Guirlande de Julie (1790), une oeuvre écrite à plusieurs mains. Montausier faisait la cour à Julie d'Angennes, la fille de la marquise de Rambouillet, et il a demandé à chacun d'écrire un poème sur elle. Georges Scudéry, Desmarets de Saint-Sorlin et Jean Chapelain entre autres, y participeront.
Le salon de Madeleine de Scudéry
La seconde génération du courant précieux fera preuve de plus d'ambition. Le salon de Madeleine de Scudéry (1607-1701) , plus littéraire que mondain, est celui d'un réel écrivain : ses romans sont publiés sous le nom de son frère Georges mais elle inaugure la tradition des femmes de lettres émancipées. Ainsi, elle est l'auteur d' Artamène ou le Grand Cyrus (1649-1653, disponible chez GF) et de Clélie, histoire romaine (1654-1660, disponible chez Folio). Son salon devient une référence entre 1653 et 1660. Ses "samedis" sont très courus. Madeleine de Scudéry obtient ainsi une pension de Mazarin et l'amitié de futurs grands écrivains, tels que La Rochefoucauld, Mme de Sévigné et Mme de Lafayette. Ce salon est moins fermé que l'hôtel de Rambouillet et s'étend à Paris et en province.
Somaize, dans son Grand dictionnaire des Précieuses (1661), fait du salon un des piliers de la préciosité. La conversation mondaine va alors supplanter la conversation masculine entre érudits. Rappellons que les femmes n'ont pas étudié les Anciens au collège comme les hommes, et vont ainsi privilégier la conversation à l'érudition et à la rhétorique. Elles fondent ainsi une forme de culture centrée sur la poésie et le roman. La culture précieuse se fonde sur l'oralité, se distinguant ainsi d'une culture livresque et scolaire.
Les activités des Précieuses sont diverses : vers, jeux de société, débats sur la psychologie amoureuse ou la littérature, ainsi que cultiver le raffinement aussi bien dans le langage que dans les moeurs. On y fait aussi beaucoup de poésie dans des genres à la mode : l'impromptu, l'épître en vers, l'élégie, le sonnet, le madrigal (petit poème spitiruel à sujet galant), les billets plaisants, la maxime, l'épigramme ou le blason. Le sujet principal de ces écrits est l'amour, respectueux des convenances. On lit aussi certains soirs des romans tels que L'Astrée d'Honoré d'Urfé ou Le Grand Cyrus et la Clélie de Madeleine de Scudéry.
Il y eu les salons mais aussi les ruelles, un espace laissé entre le lit et le mur, où se tiennent les amis intimes de la dame qui reçoit dans sa chambre, allongée dans son lit.
Il existe des débats sur cette catégorie littéraire car pour certains elle est nulle et non avenue. Ainsi, par exemple, Alain Viala préfère parler de "galanterie". La Préciosité n'est pas une catégorie universellement reconnue.
Madame de Montespan (1640-1707)