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Le libre-arbitre existe-t-il ?

Publié le 10 août 2016 par Anargala
Pour les "éveillés" non-duels, la personne n'est que le corps-mental, un jeu de forces impersonnelles, aveugles, au milieu d'une immense partie de billard "sans joueurs". La personne est une illusion, de même que le libre-arbitre.
Le libre-arbitre existe-t-il ?


Exemples de discours d'"éveillés".C'était la thèse de Balsekar, "disciple" de Nisargadatta :Reprise par eux :Et lui :Elle :Et lui :Et on pourrait continuer assez longtemps. Être "éveillé", c'est "réaliser" que l'égo (sic) est une illusion et que "personne ne pense", car je ne suis pas l'auteur de mes pensées, pas plus que de mes actes. Ainsi, il n'y a pas de choix. Donc, pas de dilemmes. Et cette découverte débouche sur la paix. Une paix qui n'est la paix de personne, bien entendu...Cette idée du libre-arbitre comme illusion est d'autant plus populaire qu'elle reprend les arguments du matérialisme le plus banal, tel que formulé ici par Michel Onfray :A mon sens, on peut même affirmer à bon droit que la doctrine professée par les "éveillés" est un matérialisme : pour eux, il n'y a qu'un jeu de forces aveugles, une nécessité des lois de la nature donc, et nul règne de la liberté. Si liberté il y a, c'est seulement en un sens paradoxal : être libre, c'est être libre de l'illusion du libre-arbitre.Qu'est-ce que j'en pense ?J'en pense d'abord qu'il y a une part de vérité dans cette vision des choses. Le libre-arbitre est bien souvent une illusion. Spinoza a bien raison de dire que "la liberté dont les hommes se vantent n'est que l'ignorance où ils sont des vraies causes qui les déterminent". Naïvement, je crois qu'être libre, c'est faire ce que je veux. Mais d'où vient ce vouloir ? Et d'où vient que je veuille ceci et point cela ? La réponse est que ce désir est déterminé par des causes naturelles que je n'ai pas choisies, qui ne dépendent pas de moi, dont le plus souvent je n'ai pas la moindre conscience. Ai-je choisi mes parents ? Mon cerveau dépend t-il de moi ? Non, je ne choisis pas mon tempérament, pas plus que je n'ai choisi de naître à tel moment ; pas plus que je n'ai choisi de naître, du reste.Le Libre-arbitre (LA) n'est donc pas une toute-puissance, et le LA ne signifie pas que je ne suis pas souvent dans l'illusion quand je prétends agir, choisir et me décider par moi-même.Mais réduire le LA à ceci, c'est du matérialisme pur et simple. Or, c'est ce que proposent les "éveillés" comme vision libératrice. Selon eux, s'éveiller, ça n'est pas libérer notre moi, mais nous libérer du moi.Tout ceci est clair, rebattu depuis des millénaires. Les "éveillés" ne font que répéter ce que le bouddhisme ancien, le Védânta, Spinoza et Nietzsche, entre autres, ont dit, et mieux dit... mais là n'est pas la question.Le libre-arbitre existe-t-il ?Il est vrai que des déterminismes pèsent sur ma volonté. Ce sont des penchants qui m'inclinent dans telle ou telle direction, comme des fleuves qui coulent vers la mer selon des cours déterminés par la gravité et le relief.Mais qu'est-ce que le LA ?Le LA est le pouvoir d'interrompre ou de poursuivre ce qui se présente, à travers le corps ou dans l'entendement. Or, ce pouvoir de refuser, d'interrompre une pensée, une parole ou un acte, ne dépend que de moi. Si tout se réduisait au déterminisme (un jeu de forces aveugles, ou "impersonnelles" dans le jargon non-duel), alors tout serait prévisible en droit. Ce qui n'est pas le cas. Loin de là. Ainsi, les sciences humaines ne sont pas des sciences exactes, précisément parce qu'elles portent sur des agents conscients, et donc libres, et qui échappent donc en partie aux mécanismes naturels, et donc imprévisibles... Donc le LA existe. Il n'est pas une illusion.En outre, le LA est inséparable de la conscience. Comment peut-on affirmer à la fois que l'on est conscience, et que le LA est une illusion ? Je vois là une incroyable incohérence ! Car être conscience, et être libre, sont deux termes strictement synonymes. Un être conscient sans LA est une lumière sans clarté, un corps sans extension ou, pour le dire à la mode bouddhiste, il est "le fils d'une femme stérile". Être conscient, c'est toujours vouloir. Point de conscience sans LA. Il n'y a pas de conscience inerte, seulement une conscience qui ralentit en s'identifiant à des choses figées, des habitudes. La conscience joue à l'inconscience, mais elle ne va jamais jusqu'à abandonner son essence, car ceci est impossible. Quant à dire que le "moi" est une illusion, j'y vois une autre illusion. La même, d'ailleurs, que celle du LA. A mon sens, il s'agit là d'une vision partielle et partiale, due à des raisonnements erronés. Dire que "je suis pure conscience privée de LA" est une illusion. Moi, conscience infinie, je joue ainsi à me voiler partiellement, je m'identifie à un "éveillé" qui croit qu'il n'y a pas de moi ni de LA. C'est une posture. Une facette. Un aspect. Mais pourquoi donc prendre la partie pour le tout ?Pour ma part, je pense que je suis un être conscient, c'est-à-dire un agent, doué de libre-arbitre, capable de choix, doué de volonté, dans un cosmos orienté vers Dieu, au sein d'un univers uni vers l'Un.Du reste, on observe dans le cosmos une évolution vers une liberté de plus en plus vaste : la plante est plus libre que la pierre, l'animal que la plante, et l'homme que l'animal. Des êtres apparaissent, doués d'un degré de LA croissant. Ainsi, un être vivant est doué d'une certaine indépendance par rapport à son environnement : il se répare, se régule, se déplace, se reproduit... Le cosmos est clairement en évolution vers plus de liberté. Il n'est pas une mécanique aveugle, mais un tout organisé, qui a une histoire. Il est personnel, tout ce qu'il y a de plus vivant, conscient, désirant et vibrant d'élans, de choix, de doutes, de mémoires et de tout ce qui fait une personne.A côté de cette vision grandiose, la sérénité gagnée par ce suicide total que nous proposent les "éveillés" apparaît comme fade, voire comme une folie ou une maladie de la volonté, une sorte de dépression qui voudrait se donner un visage humain, ou comme un refus de s'engager dans la vie, d'assumer ses responsabilités ; bref, une rhétorique parfaitement compatible avec notre société d'hyperconsommation...


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