Une semaine, c'est le temps qui reste avant les premiers offices de la rentrée littéraire, l'envahissement des librairies, les remords de n'avoir pas lu tous les livres déjà parus et qu'on aurait bien voulu mais qu'on n'a pas pu, etc. C'est dire qu'on va bientôt passer à autre chose, à de la nouveauté fraîchement sortie de l'imprimerie (bien que parfois depuis le mois de mai pour les services de presse aux professionnels de la profession), et que c'est d'un regard déjà lointain qu'on regarde la première partie de l'année 2016.
Puisqu'il n'y a presque plus rien à faire (?) pour les malheureux ouvrages bientôt balayés, retournons un peu plus loin dans le temps. Tant qu'à faire... Avec Les auto tamponneuses, que Stéphane Hoffmann publiait il y a cinq ans, à un moment où probablement il ignorait encore qu'il aurait le projet d'Un enfant plein d'angoisse et très sage, à paraître précisément la semaine prochaine.
Sur ce qui fut une nouveauté en 2011, article et extrait.
Quarante ans d’un mariage
tout confort, sans excès. Mais, à l’intérieur, cela secoue si bien que Pierre
et Hélène sont au bout d’un cycle dont ils se sont satisfaits, aidés par
l’aisance matérielle et ancrés dans les habitudes. Parmi celles-ci, la plus remarquable
est probablement qu’Hélène aimait Pierre absent. Il l’était souvent, cumulant
les responsabilités et les postes dans des affaires florissantes qui lui
prenaient à peu près tout son temps. « Une
maîtresse serait moins prenante », disait Hélène, trouvant commode
l’occupation de son mari et imaginant mal Pierre couchailler à gauche ou à
droite – ce qu’il faisait pourtant.
Hélène s’est mise en tête
de fêter dignement leur quarantième anniversaire de mariage, histoire de
montrer à toutes leurs connaissances qu’ils vont bien. Tandis que Pierre a
entrepris de se dégager du monde professionnel. Les deux projets sont en
rupture totale avec les accords tacites qu’ils avaient passés entre eux. Ils ne
sont plus dans des autos tamponneuses, à la liberté d’action limitée par la
dimension de la piste, mais plongent dans l’inconnu. Un peu effrayant, cet
inconnu. A moins qu’il soit l’occasion de rebondir.
Stéphane Hoffmann
fouille, à la pointe sèche, les blessures secrètes d’une bourgeoisie qui
s’ennuie sans oser se l’avouer. Sourires de façade et rancœurs tenaces, la
recette est ancienne et cependant fonctionne encore très bien quand elle est
réalisée, comme ici, sans la moindre lourdeur. Et avec un petit sourire
ironique.
1
Bien que bordelais, Jean-Charles Lawton ne répugne pas aux concours de prouts. À cinquante ans bientôt, c’est même encore l’idée qu’il se fait de bons moments entre amis.
Aussi, lorsqu’on lui transmit une invitation pour le quarantième anniversaire de notre mariage : régate, suivie d’une soirée habillée, il crut d’abord avoir mal compris.
2
Pas tant que moi.
Quand, par Nelly Pilou (c’est la bonne), j’entends parler de ces festivités, je me précipite chez ma femme, que je trouve étendue sur son sofa – le fameux sofa d’Hélène –, lunettes au bout du nez, livre à la main, crayon entre les dents :
– Hélène, quelle idée ! Nous nous entendons bien, n’est-ce pas ?
Sans lever les yeux, elle murmure, comme pour elle-même :
– Oui.
– Es-tu heureuse avec moi ?