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Voyage aux origines de l’Olympisme moderne

Publié le 10 août 2016 par Savatier

CoubertinLes Jeux olympiques, suivis dans le monde entier sur le petit écran par des milliards de téléspectateurs, font depuis longtemps partie du paysage sportif et médiatique. Leur organisation tous les quatre ans semble normale, presque routinière. Pourtant, il n’en fut pas toujours ainsi. C’est ce que découvriront les amateurs en lisant Mémoires olympiques de Pierre de Coubertin (Bartillat, 238 pages, 20 €). L’auteur, après avoir reçu tous les lauriers de l’opinion publique, est désormais souvent décrié. On lui reproche ses positions conservatrices vis-à-vis des femmes et des empires coloniaux, mais ce jugement, qui correspond à une réalité, se fonde sur un anachronisme. On ne peut mesurer les points de vue et les actes qu’à l’aune des valeurs de l’époque qui leur fut contemporaine, non à celle d’aujourd’hui, faute de quoi il faudrait asseoir sur le banc des accusés (pour racisme, colonialisme, et autres « ismes ») une grande partie des écrivains du XIXe siècle. Or, personne ne songerait, par exemple, à écarter Balzac du corpus littéraire où il tient une légitime place de choix pour antisémite parce qu’il se moquait, dans plusieurs de ses romans, de l’accent du baron de Nucingen ou qu’il en fit un escroc de la finance.

Pierre de Coubertin était un homme de la fin du XIXe siècle, c’est pourquoi ses mémoires reflètent ce profil et il faut bien admettre qu’ils sont datés. Pour autant, on ne peut négliger la valeur historique de ce texte qui nous renseigne sur la genèse de l’Olympisme moderne. Certes, dès l’origine, Coubertin recruta un comité plus représentatif du Jockey-Club que de l’ensemble de la société. Les classes populaires restèrent les grandes absentes de l’aventure. L’élitisme social transparaît non seulement dans les noms des différents responsables, mais aussi dans les fêtes et réceptions qui entouraient les événements. Mais ce fut bien une aventure dans laquelle se lança, non sans courage, l’auteur qui en livre ici le feuilleton à rebondissements, étape par étape. Car, comme le souligne Pascal Boniface dans son intéressante préface, Coubertin dut longtemps « œuvrer face à un scepticisme, pour ne pas dire une hostilité, largement répandu et uniforme, y compris et surtout dans son propre pays. » Ni la France, ni la ville de Paris, à cette époque, ne croyaient aux Jeux.

Le livre met en lumière les mutations qui marquèrent les premières Olympiades. D’abord fort peu considérées par les autorités publiques, rattachées aux expositions universelles, elles devinrent progressivement l’enjeu de conflits d’intérêts personnels, politiques et géopolitiques particulièrement vifs. Cet aspect du rôle qu’occupa l’Olympisme dans les relations internationales, notamment lors et après le premier conflit mondial, apparaît au grand jour. On suit également, au fil des chapitres, l’évolution des disciplines représentées depuis les premiers jeux d’Athènes (1896) jusqu’à ceux de 1927 sur lesquels s’achève l’ouvrage. Il est singulier, par exemple, de découvrir que la boxe ne figura pas au programme des jeux de Stockholm (1912) parce que sa pratique était alors interdite en Suède…

Mémoires olympiques transporte le lecteur dans un autre monde, où l’organisation de la manifestation ne nécessitait pas de budgets démesurés, où les fondateurs du CIO payaient sur leurs deniers leurs frais de mission, où le dopage, parce qu’inexistant, n’était pas une préoccupation. En revanche, pour préserver l’amateurisme du sport, on traquait impitoyablement parmi les participants tout indice, même insignifiants, de professionnalisme, signe que les valeurs et les pratiques évoluent avec le temps…


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