Pour cette saga en solo débutée en 2009, l’auteur livre un récit plus long que d’habitude puisqu’il comptabilise quarante épisodes au total. Après un premier volet qui proposait les onze premiers chapitres de cette saga, la suite de cette trilogie replonge immédiatement le lecteur dans ce monde post-apocalyptique, où la majeure partie de la population a été éradiquée par une pandémie, il y a de cela une dizaine d’années. Depuis le début de la catastrophe, des êtres hybrides, mi-humains mi-animaux, sont apparus, dont le petit Gus. Le lecteur retrouve ce gamin de neuf ans qui ressemble à un cerf, là où il l’avait abandonné à la fin du premier volet : enfermé dans une cage avec d’autres enfants hybrides, livrés aux mains d’un scientifique sans scrupules qui espèrent trouver un remède au fléau !
La première partie de l’album développe en parallèle les efforts d’un Jepperd qui s’allie avec une étrange milice pour sauver son ami et le sort de ce pauvre gamin qui intrigue les scientifiques au plus haut point puisqu’il semble être né avant le début de l’épidémie et n’a de surcroît pas de nombril. Une fois libéré de ses tortionnaires, la deuxième partie d’album poursuit le road-trip de Gus et de ses amis, qui décident cette fois de se rendre en Alaska… là où tout aurait débuté. La route est cependant une nouvelle fois parsemée d’embuches et d’étranges rencontres, dont le particulièrement flippant Walter Fish…
Sweet Tooth propose donc un road-trip en compagnie d’un héros dont la naïveté tranche intelligemment avec la dureté du monde qui l’entoure. Le lecteur n’a aucun mal à s’attacher à ce pauvre gamin qui se retrouve tout d’abord livré à lui-même et qui court en suite de désillusion en désillusion lorsqu’il découvre les nombreux travers de l’humanité. De plus, en multipliant les allers-retours afin de donner plus de profondeur à ses personnages et afin de lever le voile sur certaines zones d’ombre de son intrigue, Jeff Lemire démontre une nouvelle fois qu’il est un narrateur hors pair.
Visuellement, j’ai toujours fort apprécié le trait de Jeff Lemire et la colorisation sobre de José Villarrubia (déjà présent sur « Trillium ») s’avère une nouvelle fois très efficace. Le trait particulier de Jeff Lemire peut rebuter au premier abord, mais je le trouve d’une grande efficacité et son découpage est toujours irréprochable. N’hésitant pas à changer de style lors de flash-backs ou lors de passages imaginaires, voire même à passer à un format à l’italienne lors d’un chapitre entier, l’auteur livre un graphisme qui restitue non seulement l’hostilité de l’environnement ambiant, mais qui saisit également avec brio les nombreuses émotions de ses personnages.
Vivement la conclusion !