- Il n’y a jamais eu de chambres à gaz à Mauthausen, affirme posément Florian. Les traits blêmes de ses trente ans séchés par la tabagie se dessinent sur le golfe d’Oracabessa qui scintille sous la lune caraïbe. Je lui tape une cigarette. Je l’allume, énervé. - Comment tu peux dire ça ? Mon grand-père y a été déporté. Il a vu les cadavres qu’on en sortait pour les enfourner dans les crématoires. Ça marque un homme... À son tour Florian saisit une blonde. - Il a été abusé par sa mémoire. Toutes les victimes sont atteintes du même syndrome. Elles réinterprètent ce qu’elles ont vécu. Il ne faut jamais se fier aux témoins de première main. Ils mentent et ils se mentent. Je garde le silence. Venir de si loin pour entendre ça ? Ce propos délirant est-il la conséquence du décalage horaire ? Ou l’effet de la cocaïne pour l’achat de laquelle je lui ai prêté cinquante dollars ?