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Nouvelles fausses notes, de François Debluë

Publié le 04 août 2016 par Francisrichard @francisrichard
Nouvelles fausses notes, de François Debluë

En 2010 paraissait Fausses notes. En 2016 paraît Nouvelles fausses notes, qui donne envie de lire le premier opus. Parce que, si ce sont des fausses notes en considération de l'air du temps, ce sont des notes qui sonnent juste pour qui ne l'entonne pas cet air, servilement.

Ces notes sont en effet les notes d'un moraliste et non pas d'un moralisateur. Devançant sans doute la critique, François Debluë distingue justement le moraliste du moralisateur:

Contrairement au moralisateur, le moraliste ne dit pas: voilà qui est bien / voilà qui est mal. Le moraliste ne juge pas.

Il observe les moeurs. Quitte à dire: ceci me fait mal ou (plus rarement) ceci me fait du bien.

Bref, il ne fait pas la morale aux autres; il ne cède pas à cette facilité.

Ce livre est donc un recueil de notes prises au cours du temps et de l'espace, chez lui et en voyage, qu'il entreprend toujours pour être surpris (L'habitude rend à la fois étale et vide le Temps qui passe) - et Dieu sait s'il a voyagé, même s'il doute de son existence.

Sur l'expression prendre des notes il s'interroge à bon droit:

A qui, à quoi les prend-on, sinon au monde alentour?

On ne les lui rend pas toujours. Mais il arrive qu'on les lui rende (en bien, en mal) - jusqu'au centuple.

Ce livre est la preuve qu'il les lui rend bien et, ce faisant, il se révèle: Jamais on ne parle si bien de soi qu'en parlant des autres.

Quand, par exemple, il parle de ceux qui croient exercer leur sens critique et qui, en réalité, donnent libre cours à leur immense capacité de dénigrement, le lecteur peut être sûr que la nuance est [son faible], comme aussi le doute, l'hésitation, l'incertitude.

La nuance, le doute, l'hésitation, l'incertitude sont bien vertus de moraliste, pour lequel PEUT-ÊTRE est l'expression-clé:

Le mot, le signe, le doute sous lesquels devraient se placer chaque page, chaque poème ou récit, chaque livre écrit. Chaque vie vécue aussi. Ce peu d'être et d'avoir été - en toute hypothèse.

Au contraire, Absolu est un mot qu'aucun poète ni personne de sensé ne devrait jamais utiliser.

François Debluë est sensé, et cohérent: L'homme d'aujourd'hui est renseigné comme il ne l'a jamais été. Il n'en est pas moins aussi démuni qu'il a pu l'être aux premiers jours de l'humanité.

Il est pourtant des choses dont on peut parler sans trop se tromper:

- la propriété:

Nous n'avons de droits sur personne, car personne ne nous appartient.

Nous ne sommes pas propriétaires des êtres, pas plus que nous ne sommes leur propriété.

- la confiance:

L'anti-vol par excellence. Ou l'ultime mais indispensable naïveté de qui veut croire encore en une humanité possible.

- la bienveillance:

Peut-être l'une des plus rares et des plus précieuses dispositions.

- l'amour qui ne s'accommode d'aucune prison:

De suite que "l'amour libre", si en vogue naguère, n'est en réalité qu'un pléonasme.

- le désir versus l'amour:

Le désir, source de toutes les impatiences. L'amour, source de toute patience.

- le Temps qui ne se laisse pas faire:

Il n'a d'ordre à recevoir de personne.

- l'essentiel:

L'essentiel se mesure à ce qui ne l'est pas. Sans périphérie pas de centre.

- la vie:

Rester vivant, c'est rester curieux, ouvert

En cette époque trouble, et troublée, ce passage sur la paix donne matière à réflexion:

Ce que l'humanité ne supporte pas, ce que ni les hommes ni les femmes ne supportent, c'est la paix.

De toutes les façons, ils provoquent l'adversaire, le frère, la soeur, le conjoint, le voisin - cet autre dont ils ont tôt ou tard besoin de se faire un ennemi pour se convaincre eux-mêmes, dirait-on, de leur bon droit et de leur propre existence.

Le plus fort veut et doit se prouver qu'il est le plus fort; le plus faible, qu'il est capable de se battre, même s'il n'en a pas les moyens. Mieux vaut être une victime que n'être rien

Ainsi donc, si ni les forts ni les faibles ne veulent la paix, qui pourra la souhaiter?

Cet amoureux de la langue française détricote quelques expressions toutes faites. Par exemple:

Pourquoi dit-on volontiers "la mort dans l'âme" - et si peu "la mort dans le corps", alors que si souvent c'est celle-là que l'on éprouve - dès les premières affaires amoureuses.

François Debluë ne manque pas d'humour. Exemple:

Avantage de l'incinération: ne jamais être réduit à se retourner dans sa tombe.

Il écrit, vers la fin:

Les vrais livres sont ceux qui donnent à lire en nous.

Ces Nouvelles fausses notes sont de la sorte...

Francis Richard

Nouvelles fausses notes, François Debluë, 280 pages L'Âge d'Homme

Un livre précédent, chez le même éditeur:

Fragments d'un homme ordinaire, 152 pages (2012)


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