Voilà plusieurs jours que je me lève tôt chaque matin pour poursuivre mon livre. Si au début, j'ai eu du mal à trouver l'inspiration, j'ai désormais des idées plein la tête. De nouveaux personnages font leur apparition, inspirés de mes connaissances (mais en toute discrétion, il ne faudrait pas que ma belle-mère acariâtre me prenne encore davantage en grippe qu'elle ne l'a déjà fait...). Les pages s'enchaînent, tout se passe à merveille !
Sauf qu'après quelques semaines d'écriture, j'ai décidé d'enfreindre la quatrième règle que je m'étais fixée : j'ai relu attentivement ce que j'avais écrit. Et là, c'est le drame !
Plus je relis mes travaux, plus je découvre de nouveaux défauts à mon roman : tel mot ne convient pas, telle tournure de phrase me semble trop stéréotypée... J'ai l'impression de tourner en rond, l'histoire n'avance pas. Non, décidément, il faut que je change tout ça. Mais malgré mes multiples modifications, je n'arrive pas à être satisfait de ce que je lis.
Ça suffit. Visiblement, si je continue comme ça, je vais passer le reste de mon été à réécrire tout mon roman sans arriver à un meilleur résultat pour autant. Il faut que je prenne du recul, et que j'évalue tout ça de façon méthodique et objective.
Je décide de m'arrêter là pour aujourd'hui. De toute façon, j'ai perdu trop de temps, et il faut que je me prépare. Il faut que j'aille faire des courses pour le barbecue de ce midi, et puis, ça me changera les idées de passer un après-midi sympa avec Léa et Maurice, nos amis de longue date.
Le lendemain, je décide de procéder différemment. J'ai pris conscience que je n'arriverai jamais à atteindre la perfection pour mon roman, et comme on dit : " le mieux est l'ennemi du bien ". Il faut que je me concentre sur ce qui ne va vraiment pas dans ce que j'ai écrit, sans m'attarder sur des détails sans importance.
Je décide de reprendre mon carnet pour faire la liste de ce à quoi je dois prêter attention en relisant mon roman, pour pouvoir vraiment l'améliorer :
- Les incohérences et les stéréotypes : il n'y a rien de pire que le ridicule pour gâcher une bonne histoire. Je dois voir le sens derrière les mots, prêter attention à ce que je raconte plutôt qu'à la manière dont je le fais. C'est la première étape pour obtenir un roman convenable.
Bon, visiblement, je vais pouvoir supprimer la superbe scène de déclaration d'amour sur la plage, devant le soleil couchant... Rien que d'y repenser, j'ai honte !
- Les mots parasites : un mot qui n'apporte pas d'information est un mot inutile. Les mots parasites peuvent rendre un livre insipide. Il me faut donc les supprimer, et veiller à expliciter ce que je veux dire. L'implicite n'a pas sa place dans une histoire. Il faut savoir nommer les choses de façon efficace, et veiller à transmettre toutes les informations nécessaires au lecteur pour qu'il puisse suivre l'intrigue.
Je sens venir la relecture spéciale suppression pour tous les Ba, Heu, Bof, Truc, Machin... Je vais en profiter pour enrichir ma bibliothèque de vacances : merci à l'inventeur du dictionnaire des synonymes.
- La mise en page : un élément fondamental pour un livre, c'est aussi son apparence. Il n'y a rien de plus désagréable que de lire un bloc compact de texte, quelle qu'en soit la qualité par ailleurs. Il faut savoir aérer : un paragraphe par idée (oui, comme pour les disserts du lycée), de vrais dialogues pour rendre mon roman plus vivant, et des chapitres bien découpés, pour donner du rythme à l'histoire.
J'ai une pensée traumatisée pour Mme Trechu, ma prof de philo du lycée. Décidément, elle me poursuivra jusqu'à la fin de mes jours celle-là !
En rédigeant cette liste, je comprends petit à petit pourquoi mes relectures d'hier n'ont mené à rien : pour être efficace, il faut réussir, non pas à relire ce qu'on écrit en tant qu'auteur, mais se poser comme lecteur externe du texte. C'est là qu'est toute la difficulté !
Je me rends compte que tout le temps que j'ai passé à modifier mon roman hier n'a probablement servi à rien (ou en tout cas, pas à l'améliorer). Le mieux est sans doute de reprendre la version originale, et de repartir du début.
(NOTE A MOI-MÊME : toujours conserver une copie des différentes versions de ce que j'écris !!!)
Je remercie intérieurement la clef USB sur laquelle je sauvegarde de temps en temps mes documents, au cas où mon ordinateur planterait, et je m'y mets.
Cette fois, y a pas à dire, ma relecture se passe beaucoup mieux. La preuve : j'arrive à m'arrêter ! Allez, demain je reprends le fil de mon histoire, et je passe à la suite.
Il va bien falloir que j'en vienne à bout de ce roman. J'ai déjà perdu deux jours sans écrire, et ma conscience d'auteur vient rappeler la règle 1 à mon bon souvenir : Écrire !