" Mais qu'est-ce donc que l'exécution capitale, sinon le plus prémédité des meurtres auquel aucun forfait criminel, si calculé soit-il, ne peut être comparé ? " (Albert Camus, "Réflexion sur la guillotine").
Nusakambangan commence à être de plus en plus connu. Sinistrement. C'est le nom de l'île-prison qui emprisonne les dizaines de condamnés à mort en Indonésie, au sud de Java. Ce mercredi 27 juillet 2016, le procureur général de Jakarta a annoncé que quatorze exécutions auraient lieu le week-end prochain, probablement le 30 juillet 2016, dont au moins quatre condamnés étrangers.
Le Français Serge Atlaoui fait partie des condamnés à mort qui n'ont plus de recours et qui attendent avec angoisse leur sort. Serge Atlaoui ne cesse de proclamer son innocence tout en reconnaissant qu'il était dans l'illégalité du travail clandestin. Il a été condamné comme trafiquant de drogues alors qu'il réparait des machines servant à leur production.
Le 13 juillet 2016, le procureur général avait annoncé que les condamnés à mort européens et australiens ne seraient pas exécutés cette année. Serge Atlaoui avait d'abord fait partie de la liste de la dernière vague d'exécutions en avril 2015 avant d'en être retiré in extremis. Si le sort de Serge Atlaoui semble hors de danger immédiat des prochaines exécutions, il est loin d'être tiré d'affaire puisque le gouvernement indonésien veut doubler le nombre des exécutions l'année prochaine.
La parole du procureur général n'est d'ailleurs pas forcément une garantie (en juin 2016, il avait annoncé "au moins deux étrangers" et il s'avérerait qu'il y aurait "au moins quatre étrangers" parmi les condamnés qui seraient bientôt exécutés), d'autant plus qu'il avait expliqué qu'il n'annoncerait plus à l'avance les noms des condamnés choisis pour éviter de faire monter la pression internationale. Un changement de dernière minute peut donc toujours être possible. Seul, le délai de soixante-douze heures semble être respecté, celui de prévenir les personnes impliquées pour les isoler et permettre à leurs familles de les rencontrer une dernière fois. Cela aurait eu lieu ce mardi 26 juillet 2016.
À l'annonce du procureur général, les organisations non gouvernementales de défense des droits de l'homme ont protesté fermement contre cette nouvelle série d'exécutions en préparation. Les exécutions par fusillade ont lieu généralement juste après minuit.
Le Haut-commissaire de l'ONU aux droits de l'homme a demandé ce 27 juillet 2016 à l'Indonésie de rétablir le moratoire sur la peine de mort qui avait été levé en janvier 2015 pour des raisons de politique intérieure. Il s'est également préoccupé du manque de transparence et d'équité lors des procès de certains condamnés.
Amnesty International et Justice Project Pakistan ont protesté, de leur côté, contre la manière dont un condamné à mort pakistanais, Zulfiqar Ali, a été jugé, qui a été, selon ces organisations, "torturé". Des condamnés à mort d'autres pays (Nigeria, Inde, Zimbabwe) feraient également partie des exécutions prévues dans les prochains jours. Lors des dernières exécutions en avril 2015, deux Australiens, quatre Nigérians, un Brésilien et un Indonésien avaient été fusillés. Serge Atlaoui et la Philippine Mary Jane Veloso avaient été retirés de la liste deux jours avant la date prévue.
L'Indonésie, qui avait posé un moratoire sur les exécutions avant l'élection du Président Joko Widodo, est redevenu l'une des pays qui exécute des dizaines de condamnés, aux côtés d'autres, comme la Chine, l'Iran, l'Arabie Saoudite, le Pakistan ...et les États-Unis. Pourtant, l'opinion publique est loin d'être unanimement favorable à la peine de mort. Un proche même du Président indonésien, Basuki Tjahaja Purnama, gouverneur de Jakarta, s'est prononcé contre la peine de mort. De même, "Jakarta Globe", un quotidien indonésien, avait demandé la vie sauve à Serge Atlaoui le 23 juin 2015.
Au moment où la Turquie risque de sombrer dans une tyrannie au profit du Président Erdogan qui se dit prêt à rétablir la peine de mort, l'Indonésie, le pays musulman le plus peuplé du monde, aurait un intérêt stratégique à montrer la voie de l'ouverture aux droits de l'homme en abolissant une fois pour toute la peine de mort dont l'effet dissuasif n'a jamais été prouvé. Quitte à le faire ...avant les États-Unis !
[L'Indonésie a procédé aux exécutions en fait dans la nuit du jeudi 28 au vendredi 29 juillet 2016.]
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (27 juillet 2016)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Quatorze exécutions pour le 30 juillet 2016 ?
Un nouveau sursis pour Serge Atlaoui (13 juillet 2016).
La Turquie d'Erdogan.
Encore un espoir ?
Pierre Bas, le député de l'abolition de la peine de mort.
François Mitterrand, pas si abolitionniste que sa réputation...
Compte à rebours ?
L'insoutenable légèreté de son avenir.
Les droits de l'Homme.
Vers un moratoire en Indonésie ?
Le pape résolument contre la peine de mort.
Les valeurs de la République.
Le rejet du dernier recours de Serge Atlaoui.
Serge Atlaoui échappe de peu à l'exécution.
Encore la peine de mort.
Chaque vie humaine compte.
Rapport d'Amnesty International "Condamnation à mort et exécutions en 2014" (à télécharger).
Il n'y a pas d'effet dissuasif de la peine de mort (rapport à télécharger).
Peshawar, rajouter de l'horreur à l'horreur.
Hommage à George Stinney.
Pourquoi parler des Maldives ?
Maldives : la peine de mort pour les enfants de 7 ans.
Pour ou contre la peine de mort ?
La peine de mort selon François Mitterrand.
La peine de mort selon Barack Obama.
La peine de mort selon Kim III.
La peine de mort selon Ali le Chimique.
Troy Davis.
Les 1234 exécutés aux États-Unis entre 1976 et 2010.
Flou blues.
Pas seulement otage.
Pas seulement joggeuse.
Nouveau monde.
Le 11 septembre 2001.
Chaos vs complot.
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20160727-serge-atlaoui-F.html
http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/indonesie-quatorze-executions-pour-183284
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2016/07/28/34127592.html
Published by Sylvain Rakotoarison - dans Morale et éthique - valeurs et République