Rediffusion : Le malaise démocratique français

Publié le 03 août 2016 par Délis

Malaise démocratique, crise de la représentation, la coupure entre les citoyens et les élus est devenu un constat récurrent en France. L'augmentation continue de l'abstention - hormis à l'élection présidentielle - est certainement la meilleure illustration de ce mal en progression qui s'exprime au quotidien dans le rapport des Français à leurs institutions et à leurs représentants.

Les Français critiques sur le fonctionnement de leur démocratie

Les Français se montrent très critiques à l'égard du fonctionnement de la démocratie dans notre pays. Bruno Cautrès, chercheur au CEVIPOF, estime que la proportion de " démocrates satisfaits " au sein de la population française n'était que de 32% en 2014. D'après un récent sondage de TNS Sofres, près des deux tiers des Français (64%) considèrent que " la démocratie fonctionne mal en France ", un sur quatre (24%) jugeant même qu'elle fonctionne " très mal ". Seuls 36% de nos concitoyens pensent que le fonctionnement démocratique est satisfaisant, avec, dans le détail, 4% des répondants uniquement qui le qualifient de " très " bon.

Le jugement sur le système démocratique français est pourtant plus positif aujourd'hui que quelques mois auparavant. Les grands mouvements de mobilisation qui suivirent les attentats de Paris en janvier dernier ont engendré un regain de confiance des Français dans leur système politique. Cet " effet Charlie " a permis d'inverser la tendance d'un renforcement des opinions critiques, comme le montrent les résultats du baromètre de la confiance du CEVIPOF, dont la dernière enquête a été effectuée entre fin janvier et début février, soit quelques jours après les attentats :

L'enquête de TNS Sofres a été réalisée début septembre. Elle révèle des chiffres comparables à ceux enregistrés dans la dernière mesure de ce baromètre du CEVIPOF, ce qui montre que ce mouvement d'opinion semble être davantage qu'un simple sursaut ponctuel. L' " effet Charlie " n'est toujours pas dissipé mais, si les perceptions se sont améliorées, elles restent majoritairement négatives et la crise démocratique n'a donc pas disparu pour autant. D'autres indices en témoignent, comme l'érosion continue de la confiance à l'égard de l'institution présidentielle en France.

Des présidents de la République de plus en plus impopulaires

François Hollande est le président le plus impopulaire que la Cinquième République ait connu. Le rebond de confiance suite aux attentats de janvier n'a rien changé à cet état de fait. Avant lui, Nicolas Sarkozy avait aussi battu des records d'impopularité, subissant une rapide chute de confiance après son accession à la présidence de la République. Un an après son entrée à l'Elysée, sa cote de confiance se situait 15 points en dessous du score de Jacques Chirac un an après sa première élection (1996) et 17 points en-deçà du chiffre enregistré au premier anniversaire de sa deuxième élection (2003). Et cela alors même que Jacques Chirac bénéficiait lui-même d'une confiance nettement moindre que celle accordée à François Mitterrand.

Cette défiance ne s'arrête pas à la personne d'un président. Toute la classe politique française est affectée. Les partis politiques jouissent ainsi d'une très mauvaise image, davantage que les institutions elles-mêmes, qui sont pourtant elles-mêmes souvent décrédibilisées : aujourd'hui, plus de six Français sur dix déclarent ne pas avoir confiance en l'Assemblée nationale - un résultat identique à celui enregistré sous la précédente majorité - ou dans le Sénat. Le pouvoir local résiste néanmoins encore largement à ce mouvement (68% des Français déclarent avoir confiance dans leur conseil municipal, 57% en leur conseil régional).

Le malaise démocratique est d'abord un désamour de la classe politique

La classe politique constitue la première cible de la défiance des citoyens français, un phénomène que l'on enregistre dans la plupart des démocraties occidentales mais qui prend un relief tout particulier dans notre pays. La dernière étude Eurobaromètre, qui permet une comparaison avec les autres pays membres de l'UE, montre bien cette crise globale du lien avec la représentation politique puisque seuls 16% des citoyens de l'Union européenne déclarent faire confiance aux partis politiques. Le constat est cependant encore plus criant en France, qui apparaît comme le pays où l'on est le plus défiant à l'égard des partis politiques en Europe, avec seulement 5% de confiance, comme en Lettonie.

Le baromètre politique de TNS Sofres confirme ce portrait inquiétant du rapport entre les Français et les partis politiques. A l'heure actuelle, aucune des principales formations politiques de notre pays ne bénéficie d'une " bonne opinion " auprès de plus d'un tiers des Français. Ce résultat, déjà obtenu en fin d'année 2014, avant les attentats de janvier, témoigne d'une nette dégradation de l'image des partis politiques français sur le long terme. Si l'on remonte dans l'historique de ce baromètre, jamais cette situation ne s'était produite auparavant. Bien que certains partis aient connu, par le passé, des périodes où leur image était très affectée, par exemple du fait de l'impopularité de leur politique gouvernementale (le PS en 1993 juste avant la deuxième cohabitation, l'UMP entre 2004 et 2006 avec la fin du gouvernement Raffarin, le référendum sur le traité constitutionnel et le CPE,...), ce qui est désormais inédit, c'est la concomitance des désaffections partisanes. Tous les principaux partis enregistrent actuellement des records à la baisse ou des scores proches de ces records, et la dégradation de l'image de l'un n'a plus pour corollaire, comme cela était généralement le cas par le passé, la montée d'autres formations par une sorte de mouvement de balancier.

Le Front national est le seul parti à échapper à ce schéma. Hormis l'instant de l'élection présidentielle de 1995, où Jean-Marie Le Pen avait créé la surprise avec 15% des suffrages au premier tour, les Français n'avaient jamais eu une aussi bonne image du parti d'extrême-droite. Celle-ci reste cependant toujours significativement plus négative que celles des autres partis, en dépit des difficultés que ceux-ci rencontrent actuellement dans l'opinion. Bien qu'à l'évidence le parti de Marine Le Pen bénéficie de ce climat de défiance généralisée à l'égard de la classe politique " traditionnelle ", la normalisation du FN n'est pas à l'ordre du jour.