Interview de Gilles Farcet

Publié le 01 août 2016 par Eric Acouphene

Comment en arrive-t-on à écrire sur un thème aussi riche et complexe que le bonheur ? Au fait, écrire sur le bonheur, entre nous, est-ce que ça rend heureux ?
J’ai passé toute ma vie à réfléchir et expérimenter autour de cette question, non pas tant du « bonheur » – notion assez approximative que je m’attache à dénoncer au début de mon petit traité – mais du fait d’ « être heureux ». 
Tout le monde cherche à être heureux, moi aussi, il se trouve que j’ai très tôt eu la conviction qu’être heureux autrement que de-ci de-là ne relevait pas seulement des hasards de l’existence mais d’une pratique, d’un apprentissage pourrait-on dire. 
Quand la proposition m’a été faite, j’ai ressenti comme naturel de chercher à partager un peu de ce que j’avais le sentiment d’avoir intégré à ce sujet. Ce n’est pas d’écrire sur le bonheur qui me rend heureux. Écrire (sur le fait d’être heureux ou sur autre chose) me donne souvent du plaisir, parfois une forme de jubilation – comme faire la cuisine, jouer de la musique, ouvrir un bon vin… Mais si je me suis permis d’écrire sur « le choix d’être heureux », c’est parce que, fondamentalement, je me sens plein de gratitude et émerveillé (ce qui ne veut évidemment pas dire que mon existence soit en tous points exempte de vicissitudes, d’épreuves, passées, présentes ou à venir). Je ne me serais pas permis d’écrire sur ce thème si je me sentais fondamentalement malheureux.

Les livres de développement personnel ont aujourd’hui le vent en poupe en librairie : est-ce de bon augure pour le savoir-être, selon vous ?
Oui et non. C’est sans doute heureux que de plus en plus de gens s’intéressent à la méditation, cherchent un sens, une qualité, commencent à raisonner en dehors de la bulle scientiste et matérialiste. En même temps, le « développement personnel » n’a rien à voir avec la voie spirituelle au sens profond du terme. 
Sur ce point, je dois admettre que ma conviction peut paraître élitiste et restrictive, mais c’est la mienne : la voie spirituelle, la maturation intérieure, celle dont parlent les Évangiles, les Upanishads, les soutras du Bouddha, la poésie de Rûmî, cette voie ne peut pas et ne pourra jamais concerner le grand nombre. Pourquoi ? Parce qu’elle implique une remise en cause radicale – jusqu’à la racine – un bouleversement, une forme de mort et de renaissance, toutes mutations qui n’adviennent que si l’on s’acquitte d’un « prix » que bien peu sont prêts à payer et dont très peu ont ne serait-ce qu’idée. 
De ce point de vue-là, tout ce qui a « le vent en poupe » est un peu à la dimension spirituelle ce qu’est le Canada dry à l’alcool (en tout cas selon la fameuse pub). Cela peut être bon, bienfaisant, utile… Et c’est autre chose. Évidemment, la plupart confondent le « produit dérivé » avec la source. Le savoir-être , pour reprendre votre expression, ne sera jamais le fruit de techniques isolées, si pointues et performantes soient-elles. Il s’agit de tout autre chose.

Et maintenant, après le bonheur, de quoi voudriez-vous nous parler ?
Je viens de terminer un deuxième « petit traité » – j’aime utiliser cette expression pour désigner les livres numériques écrits pour UPPR – dont le sujet est : « guérir l’ego ou guérir de l’ego ». J’essaie d’y clarifier pas mal de confusions et approximations autour de cette notion d’ « ego » ; et de donner des pistes quant à la relation à entretenir avec le dit « ego ». Je n’ai pas le sentiment de changer de sujet, car être heureux suppose une relation consciente et apaisée avec un ego remis à sa juste place. 
Lire l'interview en entier