Relu tantôt L’enseignement de l’ignorance de Michéa. Très convaincant, non seulement sur le désastre de l’éducation nationale, mais aussi sur son explication globale de ce chaos éducatif.
Globalement, et indépendamment de causes structurelles et circonstancielles (massification de l’enseignement, dégradation du niveau des enseignants du au recrutement et à une "formation" indigente dans les IUFM, méthodes d’enseignement ineptes, abandon de l’exigence d’excellence chère à Finkielkraut, irruption du chaos sociétal dans l’enceinte scolaire, etc.), Michéa pointe la responsabilité du "marché".
Pourquoi le marché s’accommode-t-il de la destruction de l’instruction –analphabétisme et inculture- d’une majorité d’élèves ? Parce que ces élèves sont de futurs consommateurs et qu’ils est vital pour l’économie qu’ils soient le moins cultivés et le plus aliénés possibles afin d’offrir le
Pourquoi persiste-t-il quelques filières sélectives formant encore une élite de jeunes gens convenablement instruits et autonomes intellectuellement ? Parce que le marché a besoin de personnel compétent pour diriger ses bras armés que sont les grandes firmes internationales.
Pourquoi dans les centres de formation de jeunes footballeurs utilisent-on encore des méthodes efficaces et traditionnelles éprouvées depuis l’antiquité (effort, sélection d’une élite, travail acharné, compétition impitoyable, autorité et discipline) ? Parce que le marché a besoin de jeunes footballeurs efficaces et brillants pour rapporter un maximum d’argent dans un secteur d’activité particulièrement lucratif. Ici, point n’est question de "sciences de l'éducation", de respect de la personnalité de l’élève ou d’éducation au " vivre ensemble"…
Nul doute donc que s’il était vital pour le marché que les jeunes lycéens soient compétents et instruits, ils le seraient..
Mais peut-être Michéa voit-il -à tort- la main invisible du marché partout ?
« L’éducation de masse, qui se promettait de démocratiser la culture, jadis réservée aux classes privilégiées, a fini par abrutir les privilégiés eux-mêmes. La société moderne, qui a réussi à créer un niveau sans précédent d’éducation formelle, a également produit de nouvelles formes d’ignorance. Il devient de plus en plus difficile aux gens de manier leur langue avec aisance et précision, de se rappeler les faits fondamentaux de l’histoire de leur pays, de faire de s déductions logiques, de comprendre des textes écrits autres que rudimentaires. »
Christopher Lasch. La culture du narcissisme, Climats 2000, P. 169.
« Quand la classe dominante prend la peine d’inventer un mot (« citoyen ») employé comme adjectif), et d’imposer son usage, alors même qu’il existe, dans le langage courant, un terme parfaitement synonyme (civique) et dont le sens est tout à fait clair, quiconque a lu Orwell comprend immédiatement que le mot nouveau devra, dans la pratique, signifier l’exact contraire du précédent. Par exemple, aider une vieille dame à traverser la rue était, jusqu’ici, un acte civique élémentaire. Il se pourrait, à présent, que le fait de la frapper pour lui voler son sac représente avant tout (avec, il est vrai, un peu de bonne volonté sociologique) une forme, encore un peu naïve, de protestation contre l’exclusion et l’injustice sociale, et constitue, à ce titre, l’amorce d’un geste citoyen. »
JC Michéa, L’enseignement de l’ignorance, Climats 2000, p.49.
« Pour ne prendre qu’un seul exemple, il y a bien peu de chances que le mot d’ordre « Volem viure al païs », qui fut, comme on l’a peut-être oublié, l’étendard des paysans du Larzac, soit désormais perçu par un jeune téléspectateur autrement que comme un appel Poujadiste à rejoindre la bête immonde. Pour comprendre comment on a pu en arriver là, il est donc nécessaire de rappeler quelques faits. C’est en 1983-1984 –comme on le sait- que la Gauche française dut officiellement renoncer (car, dans la pratique, ce renoncement lui était, depuis longtemps, consubstantiel) à présenter la rupture avec le capitalisme comme l’axe fondamental de son programme politique. C’est donc à la même époque qu’elle se retrouva dans la difficile obligation intellectuelle d’inventer, à l’usage des électeurs, et tout particulièrement de la jeunesse, un idéal de substitution à la fois plausible et compatible avec la mondialisation, maintenant célébrée, du libre-échange. Ce sera, on le sait, la célèbre lutte « contre le racisme, l’intolérance et toutes les formes d’exclusion », lutte nécéssitant, bien sûr, parallèlement à la création sur ordre de diverses organisations antiracistes, la construction méthodique des conditions politiques (par exemple, l’institution, le temps d’un scrutin, du système proportionnel) destinées à permettre l’indispensable installation d’un « Front National » dans le nouveau paysage politique. C’est donc précisément dans cette période très trouble et très curieuse –pour tout dire très Mitterrandienne- que les médias officiels furent amenés progressivement à donner au mot de populisme- qui appartenait jusque là à une tradition révolutionnaire estimable- le sens qui est désormais le sien sous le règne de la pensée unique. »
Michéa, Ibid, p.97.
Pour ceux qui veulent en savoir plus sur Michéa, c'est ici. (Désolé, c'est le site d'ATTAC..)